La pauvreté en Guadeloupe : Il suffit d’ouvrir les yeux

La Guadeloupe, pays marqué par la surconsommation de toutes natures, tant en pro- duits matériels qu’immatériels, véhicules, appareils ménagers, meubles, manifestations populaires, festivités durant toute l’année, parvient cepen- dant, jusqu’ici, à contenir une autre bien triste réalité.

Une réalité qui peut infiltrer les mou- vements sociaux pour crier sa misère. Mais aussi une réalité silencieuse qui n’a plus la force, ni les moyens de se bat- tre; une réalité résignée de visages sans voix et même sans expression, bien visible, en pre- nant soin d’ouvrir les yeux. Cette réalité, produit du chômage, de l’exclusion, de la marginalisation, générée par une société de plus en plus ultra-libérale, a pour nom : la pauvreté. Se développent alors en Guadeloupe ce que celle-ci ne connaissait pas, il y a une quaran- taine d’années, sinon des situations très exceptionnelles : l’isolement, la clochardisation, la mendicité, les déviances en tous genres, l’émarge- ment auprès d’associations à voca- tion solidaire, telles les épiceries soli- daires, le Secours Catholique, Saint- Vincent de Paul etc… Dans le même temps, des stratégies sont savam- ment orchestrées pour que les mieux nantis augmentent de plus en plus leur fortune, loi implacable de l’ultra-libéralisation de la société capitaliste imposée

. Il y a un peu plus d’un an, le Prési- dent Emmanuel Macron annonçait, au Musée de l’homme, en France, sa «stratégie de lutte contre la pau- vreté», avec 21 mesures et 8,5 mil- liards d’euros de budget, étalés sur quatre ans. Il déclarait : «Je pense que nous pouvons, à hauteur d’une génération, éradiquer la grande pauvreté dans notre pays. Si ce n’est pas la France qui mène cette bataille, je suis sûr d’une chose, per- sonne ne la mènera».

Ce plan pauvreté envisage sur- tout la création d’un Revenu uni- versel d’activité (RUA), fusion- nant plusieurs aides en une seule pour simplifier les démarches. Ce RUA n’arrivera qu’en 2023 alors que d’autres dispositions législa- tives telles, l’Aide personnalisée au logement sont de nature à augmenter cet état de pauvreté.

En 2018, l’I NSEE situait le seuil de pauvreté à 600 € mensuels en Gua- deloupe, alors que celui-ci atteint Comment a évolué la pauvreté en Guadeloupe depuis 2018 ? Christelle Gilles :La situation est stagnante. Je travaille ici depuis plu- sieurs décennies. Même si nous évoluons dans l’aide que nous pou- vons apporter, il y a toujours de nouvelles personnes qui arrivent et nous sommes confrontés tous les jours à cette misère. Du point de vue administratif, à la date d’au- jourd’hui, je vous avoue sincère- ment que je n’ai pas encore les der- nières données pour dire comment la situation a évolué financière- ment. La misère est là, latente. Les gens se voilent en revêtant parfois des carapaces pour ne pas attirer l’attention, pour ne pas pleurer leur 977 € mensuels pour la France, soit 50% de plus. Si on utilisait le seuil national, le taux de pauvreté en Guadeloupe serait en réalité proche de 49%. Cela veut dire qu’un Gua- deloupéen sur deux serait considéré comme pauvre, toujours selon l’I NSEE . Le journal Nouvelles-Etincelles a interrogé madame Christelle Gilles, responsable du pôle technique du centre d’accueil Saint-Vincent de Paul à Pointe-à-Pitre qui a bien voulu faire part de ses sentiments.

misère. A notre niveau, on tente de pallier ce phénomène en leur don- nant le maximum de satisfaction pour qu’ils se sentent moins affai- blis, moins tristes, moins seuls. Tout le monde ne touche pas cette misère, ne la connaît pas, s’il ne la vit pas réellement, s’il ne côtoie pas son voisin, dans son quartier, où il pour- rait découvrir beaucoup de situa- tions de précarité. Mais chacun reste dans son coin, profite de son bien-être. On se préoccupe de soi et on ne s’intéresse plus à l’autre.

Les personnes qui fréquentent ici sont-elles toujours les mêmes, d’une semaine à l’autre ?

Il y a un noyau qui revient mais,
c haque jour, on voit arriver de nou- veaux, jeunes, moins jeunes, âgés, venus de toutes les communes, voire de pays étrangers. Toutes les tranches d’âge sont concernées. La s ociété elle-même a un gros travail à faire à ce sujet car, elle ne voit pas toute cette détresse qui touche le p ays. Celle-ci découle aussi de l’édu- cation parentale à la base, car il n’y a plus de respect des normes, des valeurs, dans la famille comme à l’école. Je dis qu’aujourd’hui des mamans jeunes comme moins jeunes, devraient revoir leur méthode de fonctionnement.

Depuis la déclaration, il y a un an, du Président de la République Emmanuel Macron, avez-vous l’impression que l’aide gouverne- mentale s’est accrue à l’égard des personnes en détresse ?Au niveau de la Guadeloupe, je n’ai pas le sentiment que le gou- vernement touche aux bonnes personnes pour les bonnes actions. La démarche reste super- ficielle, seulement pour dire qu’on a pensé à faire du social.La solidarité du peuple guadelou- péen se manifeste-elle, ne serait-ce que par des dons en nature ?En tant que Guadeloupéenne, je dirai que la Guadeloupe est soli- daire. Seulement, les Guadelou- péens doivent avoir la possibilité de porter leur contribution là où il le faut et quand il le faut. Trois conditions s’imposent : Bien cibler ceux qui méritent cette aide ; Avoir les personnes sincères, sérieuses, pour mener cette action de répartition de l’aide ; Faire connaître l’attribution de cette aide par des témoignages des personnes ayant bénéficié. Pour conclure, je dirai, qu’en fin de journée, je suis particulièrement heureuse quand je constate qu’une des personnes en détresse s’en va avec un sourire ou un visage apaisé jusqu’au lendemain.