L’immigration caribéenne en Guadeloupe

La question des immigrants cari- béens en Guadeloupe est une question dont les implications sont nombreuses en termes humains, économiques voire même politiques lorsque des politiciens de fortune comme Ibo Simon, Henri Yoyotte ou Octavie Losio s’en saisissaient, il y a de cela quelques années, pour inciter à la haine contre les Haïtiens. Cette question demande à faire la part des mythes et des réalités. Pour cela nous avons abordé avec Jean- Pierre Huveteau, le responsable en Guadeloupe d’Amnesty International, le travail de ter- rain fait par son association depuis des années pour aider les demandeurs d’asile dans leurs démarches. Les éléments ci-des- sous sont une synthèse de l’en- tretien qu’il nous a accordé.

LES CHIFFRES DE L’IMMIGRATIONSELON LES PAYS DE LA CARAÏBEImpossibles à vérifier avec précision, en particulier en ce qui concerne les immigrés en situations irrégulières les chiffres les plus probables sont : autour de 20 000 Haïtiens, entre 3 et 4 000 Dominicains, majoritaire- ment des femmes, et entre 2 et 3 000 Dominiquais. Note importante, les immigrés en situation irrégulière ne sont pas forcément des clandes- tins venus par la mer. Toute per- sonne peut se retrouver en situa- tion irrégulière par défaut de renou- vellement de ses droits, voire par faille administrative (papier non communiqués à temps de la part du pays d’origine, bug dans les procé- dures internet comme on le verra plus loin etc.).LES CAUSES DE L’IMMIGRATIONET LES TYPES DE DEMANDESPrincipale cause l’immigration, la question économique, mais aussi, dans le cas d’Haïti, l’insécurité liée à l’instabilité politique. Dans le prin- cipe, seuls les demandeurs d’asile pour des raisons politiques sont recevables, et les demandes pour raisons économiques sont rejetées. Il existe toutefois un type de demande dite de la «protection subsidiaire» (votée en France en 2003) qui accorde le droit d’asile à ceux qui estiment que le pays d’ori- gine est incapable d’assurer leur sécurité. Cette procédure ne donne pas droit à une carte de résidence de même nature que celle de l’asile politique mais, elle permet néan- moins de bénéficier d’une carte d’une durée annuelle renouvelable. Jean-Pierre Huveteau souligne, par ailleurs, le drame que vit tout immi- gré de devoir quitter son pays contraint et forcé, et s’insurge contre l’idée encore trop répandue d’immigrés profiteurs de rentes de situation. C’est plutôt le contraire qui est vrai et bien des demandes d’asile sont de véritables parcours du combattant avant l’obtention d’un avis favorable.L’OBSTRUCTION DESDEMANDES PAR LE MOYEN DES PROCÉDURES INTERNETBien des rumeurs ont été répandues sur une discrimination visant parti- culièrement les Haïtiens, confrontés à des démarches internet systéma- tiquement infructueuses. En réalité, comme le dénonce le GISTI (Groupe d’information et de sou- tien aux immigrés) en France ce sont tous les immigrés qui doivent désormais faire leur démarche en ligne et qui sont en butte à des files d’attente virtuelles pour obtenir un rendez-vous en préfecture. Dans un communiqué daté du 8 octobre 2019 le GISTI proteste contre les conséquences de cet engorgement d’internet qui, par le dépassement d’une limite pour le renouvellement d’une carte de séjour par exemple, crée automatiquement des per- sonnes en situation irrégulières avec toutes les menaces qui pèsent sur elles. À ce problème technique (dont sont aussi victimes les démarches pour les demandes de carte grise) s’ajoute ce que l’on appelle maintenant «l’illectro- nisme» c’est-à-dire, la difficulté pour de nombreuses personnes à jongler avec les démarches en ligne qui peuvent quelques fois être très délicates et se voir annuler pour une erreur de détail. De façon générale, pour finir, Jean-Pierre Huveteau résume, par une phrase, l’attitude de l’admi- nistration vis-à-vis des Haïtiens en Guadeloupe dans leurs démarches administratives : «Ils ne sont pas traités pire que les autres mais aussi mal». De toutes ces données nous pou- vons conclure, qu’en matière de demande d’asile, les procédures appliquées en Guadeloupe, de ce point de vue, ne se distinguent pas de celles que l’on retrouve aussi en France. Elles faillissent au devoir de solidarité. Dans un monde dans lequel les immigrés et les réfugiés seront, on le sait, de plus en plus nombreux, cette attitude est une attitude qui fait l’impasse sur l’avenir.