Monseigneur Ernest Cabo : Le plus noble des frères !

J’ai eu la chance, dans mes premières années de jeunesse, alors que j’étais membre du mouvement des scouts, de collabo- rer étroitement avec l’abbé Ernest Cabo, devenu plus tard évêque, puis évêque émérite de la Guadeloupe.

Depuis l’annonce de sa mort la semaine dernière, jusqu’à son inhumation jeudi 5 décembre 2019, je n’ai cessé de réfléchir sur la part prise par les enseignements qu’il nous a prodigués, dans mes choix de vie.

Cette réflexion se prolonge naturellement sur son apport à l’évo- lution de la société guadeloupéenne et à l’émergence d’une Guadeloupe responsable.

L’émotion et les peines exprimées dans tout le pays, mais aussi les témoi- gnages de reconnaissance affichés montrent indiscutablement que l’homme qui a répondu à l’appel de dieu a marqué d’une manière indélé- bile son passage sur cette terre.

Parce qu’il a mis son sacerdoce au service de l’homme et surtout au service des plus faibles parmi les hommes.

Il était porté par ce message central du fils de celui qui l’avait appelé : «Dieu est amour, il est juste et bon».

Homme du pays profond, proche des gens, avec une perception assez précise des réalités sociales de la Guadeloupe, il avait une conscience très claire du chemin qu’il devait ouvrir pour mettre le projet de Dieu en phase avec la vie humaine en Guadeloupe.

Avec intelligence, courage et lucidité il a engagé avec le Synode diocésain en 1991, une grande révolution culturelle dans l’église d’où sont sorties en 1995, les grandes orientations qui fondent aujourd’hui «Une église de Guadeloupe».

L’idée majeure issue de cette révolution, c’est que l’église se représente par les chrétiens rassemblés là où ils sont, dans les quartiers et le pays. L’église est dans la famille, l’église est dans la société. Dans les monuments où se réunissent les chrétiens pour certains rites, la langue créole, la musique gwo ka ont fait leur rentrée malgré la résistance des conservateurs et des intégristes qui ont été à la fin vaincus.

En affrontant les risques pour faire exister cette église en phase avec les souffrances et les aspirations des hommes, Ernest Cabo a apporté avec les prêtres qui l’ont accompagné, sa contribution à la lutte pour libérer l’homme de toutes les chaines qui mutilent sa dignité.

En recevant à notre demande, le Secrétaire général du Parti Communiste Français Georges Marchais, en visite en Guadeloupe en 1989, c’est de cela qu’ils ont parlé pendant près de deux heures. Deux consciences s’étaient rencontrées, ils ne partageaient pas le même idéal, mais ils avaient en commun l’amour de l’homme, la défense des déshérités, de ceux qui ont faim et que l’on méprise. Ils se sont reconnus frères en humanité.

Le chant que les communistes entonnent pour enterrer leurs morts ou pour leur rendre hommage peut être aussi chanté pour Monseigneur Ernest Cabo le jour de son départ : «Adieu noble coeur, adieu le plus noble des frères».