Au CHU de Guadeloupe : Une situation toujours préoccupante

La semaine dernière s’est tenue au Raizet, à l’antenne du Conseil régional, une grande soirée de solidarité, organisée par le col- lectif de défense du CHU de Guadeloupe. Cette soirée où se sont succé- dées, prestations artistiques de qualité et prises de parole des responsables syndicaux, visait avant tout, à libérer la parole des personnels hospitaliers en souffrance, après l’incendie qui a gravement endommagé le CHU, leur outil de travail.

L’ organisation avait bien fait les choses pour que l’am- biance dans la salle soit de nature à éloigner les idées sombres générées par la situation actuelle. Mais le mal-être, la souffrance, res- taient tout de même, perceptibles à travers les interventions.

L’accent a été mis sur le trauma- tisme du personnel hospitalier qui se justifie pleinement. Après deux années de luttes qui n’ont pas vu venir un début d’amélioration, sur le fond des problèmes soulevés par l’incendie du 28 novembre 2017, et dont les conséquences se révèlent catastrophiques pour le pays tout entier.

Vu de l’extérieur, la population peut penser qu’avec les engagements pris par l’Etat pour venir en aide financièrement aux besoins de fonctionnement du CHU sinistré, la situation pénible et difficile a connu une amélioration. Mais la réalité est toute autre. Certes, il y a eu une légère embellie consécu- tive aux aides reçues, mais aujourd’hui, on se retrouve avec les mêmes besoins non satisfaits. L’hôpital n’est toujours pas net- toyé et décontaminé. Le service mère-enfant se trouve toujours dans une situation inacceptable. Certes qu’il y a eu des préconisa- tions, mais elles n’ont pas été com- plètement appliquées.

Nous nous trouvons donc face à une véritable catastrophe sani- taire qui affecte la population et les soignants.

Chez ces derniers l’absence de prise en compte des besoins élémen- taires pour soigner correctement les malades, et ajoutée à cela, l’ab- sence de vision claire quant au pro- jet de l’Etat concernant le maintien en fonctionnement correct de ce CHU, en attendant la mise en ser- vice du nouvel hôpital, tout cela a engendré un profond malaise.

Il s’est installé une situation de déprime à bas bruit, de troubles du sommeil, de frustration, de honte, de dévalorisation de la pro- fession… bref, cela a créé une véri- table insécurité mentale, dont les répercussions se font sentir aussi sur la population qui a besoin de savoir qu’elle peut compter sur une offre publique de soins, acceptable pour le moment.

On peut logiquement se demander comment un incendie qui a été cir- conscrit à l’étage technique de l’hô- pital a pu créer autant de dégâts au point d’évacuer tout l’hôpital ?

Comment et pourquoi autant de décisions à contre-courant des recommandations faites par des autorités compétentes, et singu- lièrement, celle prise par la direc- tion du CHU et l’ARS quelques semaines après l’incendie, de réin- vestir les lieux, au nom du «droit de retour à la maison» ?

Comment ne pas s’inquiéter sérieu- sement de ce que seront les années qui nous séparent de la mise en ser- vice du nouvel hôpital ?

L’Etat peut-il penser un seul ins- tant, que nous continuerons à assister passivement à la perte de chances de guérison et de survie de nos malades ? A qui profite la situation actuelle ? A- t-on programmé la mort du CHU de Guadeloupe ?

Il faut passer à l’action pour mon- trer que nous tenons à une offre de santé publique correspondant à nos besoins de pays-archipel qui a ses fondements culturels et sociétaux.

Il faut obligatoirement des mesures particulières pour répa- rer le traumatisme du personnel qui a montré son fort degré d’im- plication, son savoir-faire et son courage au moment du sinistre en évacuant, sans incident notoire tous les malades.

Il ne faut plus, comme disait madame Migerel «refouler le trau- matisme. Il y a des lois pour permet- tre la prise en charge du personnel, il faut les sortir !».

Il faut que la Guadeloupe entière se lève pour défendre son hôpital et son personnel, car elle en a besoin ! Il faut qu’elle réclame le droit de savoir ce que l’Etat pré- voit pour l’avenir !

La Guadeloupe et les personnels hospitaliers ont aujourd’hui de bonnes raisons d’avoir peur du lendemain. Voudrait-on nous conduire vers un système sur le modèle américain ?

C’est pourquoi, ensemble, nous devons exiger de savoir clairement la nature des projets qui sont pro- grammés pour nous et à notre insu.