POINT DE VUE Radars tourelles en Guadeloupe Le jeu de cache-cache de l’Etat français

Cent radars tourelles pro- grammés pour le petit pays Guadeloupe ! De par sa super- ficie et l’effectif de sa popula- tion, aberration ? Extravagance ? Humiliation de la majorité des usagers de la route qui respectent les pres- criptions du code de la route ? Cette décision a fait couler beaucoup d’encre et beaucoup de salive depuis son annonce. Des parlementaires, députés et sénateurs ont fait semblant de monter au créneau, bien tardi- vement, pour protester, sans jamais démentir pourtant le chef de cabinet du préfet qui avait déclaré qu’ils avaient été tous consultés préalablement.

De tous temps, l’objectif avoué des radars a été de faire chuter le nom- bre de morts sur les routes, voire le réduire à zéro. Les différentes décla- rations gouvernementales de ces derniers mois sur le manque à gagner de l’Etat, à la suite des radars détruits sur le territoire français par le mouvement des gilets-jaunes, notamment, confirment, en Gua- deloupe, ce qu’un grand nombre de Guadeloupéens pensaient depuis fort longtemps : faire rentrer, par le biais de la fiscalité, de l’argent dans les caisses de l’Etat. Et nous en sommes là. Selon une information du journal Les Echos, les destruc- tions de radars ne représente- raient pas moins de 660 millions d’euros de manque à gagner pour l’Etat français, pour l’année 2019, chiffre publié en mars.

Pour ce qui est de la Guadeloupe, qui est à sa 43 ème victime sur la route, il est tout-à-fait urgent et légitime de mettre en place des dis- positions pour arrêter cette course meurtrière vers la mort, consciem- ment ou inconsciemment. Mais, la pose des cent radars tourelles, si on peut la comprendre et l’admettre dans le fond, est tout-à-fait criti- quable dans sa forme. Elle s’ap- parente en effet à ce jeu de«cache… cache… bien ma balle !»des adolescents de certaines générations, ou à cet autre jeu d’adultes misant de l’argent, lors des anciennes fêtes patro- nales : «ou vwèy…ou pa vwèy».

La pose de vingt radars tourelles, en fonctionnement permanent, asso- ciés à quatre-vingt faux radars tou- relles, en fonctionnement aléatoire, ne s’apparente-elle pas à un disposi- tif pour piéger coûte que coûte l’usager de la route, alors qu’il doit être, au contraire, conscientisé, res- ponsabilisé, éduqué, en toute trans- parence ? C’était d’ailleurs pour cela que les panneaux d’avertissement de radars avaient été décidés, ainsi que les appareils pédagogiques d’indication de la vitesse de passage à un point donné.

Vrais et faux radars simultanément constituent un piège cynique pour un Etat qui se veut agir dans la transparence avec ses citoyens. Un piège qui doit rapporter gros ! Ira-t- on jusqu’à mettre en place des «faux» policiers et gendarmes pour réglementer la bonne conduite en société ? D’autres méthodes sont à inventer. La vitesse est souvent mise en cause lors des accidents mortels. Dans une Guadeloupe qui ne totalise que quelques kilomètres de route autorisés à 110 km/h, faut-il laisser circuler des véhicules dépassant cette limite ? Ne serait-il pas plus pertinent d’envisager de brider les moteurs par une cam- pagne de contrôle identique à celle qui, autrefois, permettait à la pré- ventionroutière, en liaison avec les services de l’Etat, de contrôler le bon fonctionnent de l’éclairage des véhicules ? Au fait, la cam- pagne de prévention routière qui vient d’être décidée par la préfec- ture ne pourrait-elle pasremettre en place ce dispositif ?

En attendant de trouver des solu- tions susceptibles de responsabili- ser, peu importe le nombre de radars, 20, 100, ou plus, mais qu’ils soient tous fonctionnels et non signalés par des panneaux, s’il est avéré qu’il s’agit de lutter contre le non-respect du code de la route. Tout dispositif visant à piéger doit être alors proscrit. Un Etat doit se montrer toujours transparent à l’égard des honnêtes citoyens.