Saint-Martin : La population et les élus mobilisés contre les décisions prises d’en haut

L’actuelle contestation à Saint- Martin est un révélateur limpide de la manière dont le pouvoir parisien traite les collectivités d’outre-mer et plus largement tous les citoyens français dès qu’il s’agit de légiférer. Partant du constat des dégâts infligés à l’île en 2017 par le catastro- phique cyclone Irma, l’Etat fran- çais a décidé de réviser le Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) dont la der- nière version pour Saint-Martin datait de 2011.

I$ a pour cela fait plancher un certain nombre d’experts pen- dant environ un an et demi pour produire un nouveau PPRN destiné à être appliqué dès l’actuelle saison cyclonique (2019). Jusqu’ici rien de très contestable. Comme on le sait la violence exceptionnelle d’Irma (vents soutenus (= sur une minute ou plus) supérieurs à 300km/h), jointe au caractère explosif de l’intensification de Maria la même année (passé en deux jours de catégorie un à cinq), ont néces- sité de revoir à la hausse un certain nombre de paramètres de la protec- tion des personnes et des biens.

Mais premier problème soulevé par les élus saint-martinois, les experts venus enquêter, viennent de France, et aucune connaissance de longue date de la situation locale ne semble avoir été requise pour ce genre de rapport. Les élus de l’île du Nord ont également souligné l’ab- sence de toute évaluation des conséquences économiques et environnementales du nouveau PPRN. Pour couronner le tout, les élus pointent que certaines mesures comme celle du niveau de montée des eaux (due à la houle cyclonique, principale préoccupa- tion du nouveau PPRN) n’ont été faite qu’un mois après Irma (!), et que de plus, les relevés bathymé- triques concernant les fonds marins n’ont tout simplement pas été réa- lisés. Toutes ces données ne parais- sent pas garantir le sérieux d’un rapport dont l’application est cen- sée concerner une part non négli- geable de la population.

Mais comme cela ne suffisait pas l’attitude des autorités françaises, déjà désinvolte, va se montrer d’un incroyable mépris vis-à-vis des Saint-Martinois, en foulant aux pieds leur communauté politique. En effet, le rapport est proposé à la consultation et à la discussion cou- rant mars 2019. Il est rendu public en juin. Réuni en séance le 17 juillet 2019 le conseil territorial émet à l’unanimité un avis défavorable à son application. Le 6 août la préfète des îles du Nord le met en applica- tion de façon anticipée, en contra- vention manifeste avec la loi qui oblige l’Etat à s’appuyer sur un vote favorable du conseil territorial.

On appréciera la méthode qui consiste à faire une parodie de concertation pour appliquer un texte qui mécontente tout le monde (la ressemblance avec les différentes lois adoptées en France depuis un moment s’im- pose (loi travail El Khomri, réforme de la SNCF, et mainte- nant les retraites. Même méthode aussi de donner des informations denses impossible à digérer en peu de temps comme le soulignait ici même le camarade Berlima).

Les Saint-Martinois sont descendus massivement dans la rue à la mi- décembre. Répondant à la députée des îles du Nord Claire Javois la ministre Girardin a indiqué que l’ap- plication du PPRN est suspendue temporairement et sera l’objet de nouvelles concertations pour une mise en place en mai 2020.

De son côté, l’exécutif saint-marti- nois a demandé son retrait pur et simple et l’élaboration d’un nouveau PPRN en concertation avec les élus locaux. On peut toujours rêver tant l’ADN de ce pouvoir semble être de ne tenir compte de l’avis de la population qu’en dernière limite. Il faut que la population de Saint- Martin reste «veillative», il y va de son avenir et elle le sait.