Gare à la pensée unique médiatique !

Quel que soit le régime, la presse et les médias constituent le qua- trième pouvoir. En France, en l’occurrence, c’est ce contre- pouvoir qui fait face aux trois pouvoirs classiques qui incar- nent l’Etat, à savoir : les pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, lesquels cohabitent constitu- tionnellement selon le grand principe de la séparation.

D ans une telle organisation, le quatrième pouvoir revêt tout son sens car, il a pour mission d’informer, d’éduquer, de distraire le peuple par tous les sup- ports dont il peut disposer, la presse écrite, la radio, la télévision. Se sont ajoutés, depuis quelques décen- nies, les réseaux sociaux, lesquels, en toute liberté jusqu’ici et dans l’anonymat, jouent un rôle non négligeable, avec malheureuse- ment toutes les maladresses ou malveillances que l’on peut déplo- rer souvent.

Ainsi, les supports traditionnels réglementés de la diffusion de l’in- formation ont un rôle éminemment important à jouer dans la vie des citoyens. Qu’ils soient publics ou privés, leur fonctionnement, dans la légalité, est régulé par le Conseil supérieur de l’audio-visuel (CSA), créé par la loi du 17 janvier 1989 qui a modifié la loi Léotard du 30 sep- tembre 1986. Organisme indé- pendant, qui agit au nom de l’Etat par délégation de compétence, il veille à la liberté d’expression, dans l’intérêt du public et des pro- fessionnels, sur la base de rois principes fondamentaux : - le respect et la protection des droits et libertés individuels - la régulation économique et tech- nologique du marché - la responsabilité sociale

Dans le respect de ses principes fondamentaux, ce quatrième pou- voir assume sa noble mission pou- vant aller jusqu’à la conscientisa- tion, surtout quand il s’agit d’une presse d’opinion. C’est d’ailleurs pour permettre cette noble mission que le 9 novembre 1981, six mois après son élection, François Mitter- rand mit fin au monopole d’Etat de la radio et de la télédiffusion, mis en place à la Libération. La bande FM explosa, au grand bonheur de tous ceux qui avaient un rapport quel- conque avec la radio, y compris les auditeurs. Les télévisions privées se développent également à partir de la loi du 29 juillet 1982 créant la Haute autorité de la communica- tion audiovisuelle (HACA).

Autant de dispositions prises pour éviter ce que résume le proverbe :«Qui n’entend qu’une cloche n’en- tend qu’un son», pour éviter une forme de «pensée unique», pour éviter l’embrigadement, bref, pour permettre au peuple d’analyser, d’apprécier, de juger et de prendre position, en son âme et conscience. Et une telle démarche s’avère indis- pensable dans tous les domaines, en particulier : économique, politique, social, culturel. Il faut le reconnaître, c’est à la faveur de ces différentes lois qu’en Guadeloupe on a pu assis- ter à la naissance de tant d’organes de presse, écrits, radiophoniques et télévisuels. La loi de la concurrence oblige, il est légitime que chacun de ces organes cherche à fidéliser ou augmenter le nombre de ses lec- teurs, auditeurs et téléspectateurs.

SOURNOISEMENT MAIS SÛREMENT, LA POLLUTION MÉDIATIQUE PEUT S’INSTALLER

Cependant, ce qui est préoccupant, voire inquiétant, c’est à entendre certains compatriotes déclarer, lors d’émissions interactives, qu’ils n’écoutent que telle ou telle radio. Il s’agit généralement de l’une ou l’au- tre des deux stations de radios considérées comme les plus impor- tantes, en termes de moyens ou d’effectifs d’auditeurs. Ces audi- teurs avouent, en toute fierté, à l’animateur de service, qu’ils sont «branchés 24h sur 24», sur ces radios qu’ils appellent d’ailleurs «radyo an mwen». Ils ont parfois, selon leur dire, «cinq postes» allu- més en même temps dans la mai- son sur «radyo an mwen» qui les endorment, les réveillent, avec tel animateur à qui est confié même le soin de souhaiter, le cas échéant, «bon anniversaire !» à leur conjoint allongé pourtant à leur côté, dans le lit, ou à leur enfant dormant dans une pièce voisine. Alors s’installe sournoise- ment la pollution médiatique.

Nous respectons le choix de cha- cun. Liberté et vie privée obligent. Mais, l’organe d’information, d’édu- cation et de conscientisation qui est le nôtre ne peut pas ne pas s’inter- roger sur le danger que présentent de tels comportements. Comment peut-on connaître les véritables problèmes qui assaillent la Guade- loupe, partager des avis, les analy- ser, pour prendre la position que l’on estime la bonne, pour trouver des solutions et permettre à la Guadeloupe d’avancer ? Il n’est donc pas étonnant qu’on ne puisse pas compter sur le soutien de ces compatriotes pour régler les pro- blèmes politiques, économiques, sociaux et sociétaux qui assaillent ce pays Guadeloupe : chlordécone, pesticides, dépendance alimen- taire, gestion de l’eau, ordures ménagères, échec scolaire, délin- quance, violence, criminalité, acci- dents de la route etc.

De tels comportements, même d’une minorité de notre peuple, ont aussi une part de responsabilité dans la disparition de certains médias. La mise au chômage des 235 salariés de France-Antilles devrait interpeler ces «intoxiqués» d’une radio unique sur la nécessité de s’ouvrir à plusieurs médias. Ils doivent se pénétrer qu’ils sont vic- times, en toute vraisemblance, d’une forme de «pensée unique», en tout cas, d’une forme de pollu- tion de l’esprit. «Qui n’entend qu’une cloche, n’entend qu’un son». Qu’on s’en souvienne donc pour les prochaines élections !