30 ans après la libération de Nelson Mandela Où en est l’Afrique du Sud ?

À la libération de Mandela, les défis sont immenses. Le 11 février 1990, Nelson Mandela est libéré. La sortie du plus célèbre prisonnier politique est scrutée par les observateurs du monde entier car, personne ne sait alors quelle sera sa politique. Il mon- trera rapidement qu’il prône la réconciliation nationale après des années d’apartheid.

L’ African national congress (ANC), qu’il préside recueille 62,6% de voix aux premières élections multiraciales de 1994 et il accède à la présidence de l’Etat. Ses deux vice-présidents sont : Thabo Mbeki de l’ANC et le blanc Frederik de Klerk, dernier pré- sident du régime de l’apartheid. Les défis sont immenses après des siè- cles de régime raciste et discrimina- toire. L’apartheid a été institution- nalisé en 1948, mais la politique de discrimination est beaucoup plus ancienne et faisait suite à une poli- tique coloniale raciste comme par- tout ailleurs, qui remonte au début du XVIIème siècle).

LA FIN DE L’APARTHEID A SIGNIFIÉ LA FIN DE LA LÉGALITÉ DU RACISME

Face à ces défis, la politique mise en place a procédé à un ensemble d’ini- tiatives fortes, comme la Commis- sion vérité et réconciliation, pour mettre à jour et juger les crimes de l’apartheid. Mais, il reste à la société sud-africaine à lutter contre la ques- tion du racisme et ce, dès l’école. La fin de l’apartheid a signifié la fin de la légalité du racisme et la dénonciation de celui-ci est générale et consen- suelle. Mais il y a encore du chemin à parcourir car, les structures écono- miques et politiques sont marquées par l’histoire. Lancée dans les débuts du changement de régime, la réforme agraire, par exemple, n’a pas encore aboli la répartition de la terre, «cette injustice historique», selon les mots de l’actuel président Cyril Rama-phosa. Au nombre de 8% de la population, les propriétaires blancs, issus de l’apartheid, possè- dent 72% des terres.

LA RÉALITÉ DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES, SEULE GARAN- TIE D’UNE ÉVOLUTION VERS UNE SOCIÉTÉ PLUS JUSTE

La grande crainte des autorités est de voir la situation leur échapper et dégénérer en luttes violentes pour la possession de la terre, comme cela a été le cas au Zimbabwe. De fait, l’absence de progrès sur la réforme agraire, a engendré une grande frustration. Comme l’ont souligné les communistes sud-afri- cains dans leur Congrès spécial de décembre 2019, la modification de la Constitution permettant l’ex- propriation, sans compensation des terres des colons, doit être rapidement réalisée. Fait notable, le mouvement politique «Les com- battants pour la liberté écono- mique» de Julius Malema, qui revendique lui aussi une expropria- tion sans compensation des terres des anciens colons, s’est hissé à la troisième place aux élections de mai 2019. Certes, l’ANC reste tou- jours en tête avec plus de 57% des voix, ce qui lui confère une légiti- mité solide, mais la réalité des réformes économiques sera la seule garantie d’une évolution vers une société plus juste, réalisant les promesses de la fin de l’apartheid. Or, le passé de l’Afrique du Sud n’est pas seulement celui de l’apar- theid. C’est aussi celui d’une société capitaliste qui perdure mal- gré le changement d’élites poli- tiques. C’est un véritable défi, auquel les communistes des Antilles ne peuvent pas être insen- sibles, que de montrer que le chan- gement des dirigeants ne mène pas très loin si l’on ne change pas fondamentalement les structures économiques d’un pays. Sur ce plan, les héritiers politiques de Mandela se doivent de mener l’Afrique du Sud vers une véritable révolution sociale et économique.