Le Coronavirus : Où en est-on en France?

Le jeudi 12 mars on dénombrait 2876 cas confirmés en F rance. On comptait aussi 61 décès liés au coronavirus, 129 per- sonnes se trouvaient en état grave et sont hospitalisées en réanimation. 532 cas confirmés ont été pris en charge dans la région île de France. Dans son allocution prononcée le jeudi soir, le Président Macron a parlé de «la plus grande crise sanitaire qu"a connu la France depuis un siècle et annoncé sans le dire les dispositions qui montrent que la France est passée au stade 3 de la crise :

• Le gouvernement interdit les rassem- blements de plus de 100 personnes • Les activités sportives sont désormais réduites à 10 personnes maximum. • Dès lundi et jusqu"à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées, les universités seront fermés. • Toutes les capacités hospitalières nationales ainsi que le maximum de médecins et de soignants seront mobilisés. Ainsi que les étudiants et les jeunes retraités. • Dès les jours à venir, un mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel sera mis en oeuvre. L"Etat pren- dra en charge l"indemnisation des sala- riés contraints à rester chez eux. • Les transports sont maintenus. • Les entreprises sont incitées à avoir recours au télétravail. • Toutes les entreprises qui le souhai- tent pourront reporter sans justifica- tion, sans formalité ni pénalité le paiement des cotisations et des impôts dûs en mars. • Les personnes de plus de 70 ans, celles atteintes de maladies chro- niques ou respiratoires et en situation de handicap sont appelées à rester autant que possible chez elles. • Les élections municipales sont maintenues. • La trêve hivernale est reportée de deux mois. • Le gouvernement a suspendu mer- credi les visites dans les Ehpad.

ECOLES FERMÉES

Le ministre de l’Éducation a rappelé que «la période qui s’ouvre n’est pas une période où les enfants ne doivent pas tra- vailler, au contraire. Simplement, les modalités évoluent». Un enseignement à distance va être mis en place via le CNED et son interface «Ma classe à la maison». Celle-ci comprend des res- sources pédagogiques, correspondant au programme scolaire pour chaque niveau. Elle propose des exercices sur les programmes, des questionnaires et une «classe virtuelle» dispensée par visioconférence. Les familles doivent recevoir un mail personnalisé avec la marche à suivre a précisé le ministre de l’Éducation. Valable de la grande sec- tion de maternelle à la terminale, il pourrait s’étendre aux premiers niveaux de la maternelle.

PHRASE 3 EN FRANCE, DE QUOI PARLE-T-ON ?

Ce niveau est atteint quand la maladie devient épidémique, c’est-à-dire quand le virus circule sur tout le territoire, avec une augmentation rapide du nombre de cas. Or, toutes les régions métropo- litaines sont désormais touchées, ainsi que la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane en Outremer. Le stade 3, dit stade épidémique, passe d"une logique de détection et de prise en charge individuelle à une logique d"action collective.

La sortie du stade 1, celui des cas isolés de patients ayant été en contact avec le virus à l’étranger, s’est faite le 29 février.«Nous passons désormais au stade 2 : le virus circule sur notre territoire et nous devons freiner sa diffusion», déclarait alors Olivier Véran, le ministre de la Santé. Commençait alors la stratégie de l’endiguement. L’objectif ?

Permettre au système de santé de se préparer. Le gouvernement a alors annulé «tous les rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu confiné», puis de plus de 1 000 personnes. Il a aussi diffusé largement des informa- tions sur les gestes à adopter. Dans les clusters, ces zones de circulation de virus, des mesures plus contraignantes ont été prises : interdiction de tous les rassemblements collectifs, fermeture d’établissements scolaires, recomman- dation de «limiter les déplacements». Le mardi 10 février encore, l’exécutif a défendu une approche différenciée selon les territoires. «Dans les foyers [épidémiques], nous avons déjà adapté les choses. Nous ne sommes plus vrai- ment dans ce qu"on a appelé la phase 2. (...) Nous avons commencé à différen- cier les choses. Je pense qu"il ne faut pas considérer qu"il y aura, à un moment donné, à une heure donnée, une grande bascule où tout va changer. Il faut qu"on reste extrêmement adaptable», expli- quait ce même mardi Emmanuel Macron. Mais il prévenait dans le même temps : «Nous sommes au tout début de cette épidémie».

«Aujourd’hui, il n"y a pas lieu de pren- dre des décisions [similaires à celles prises en Italie]», a déclaré Emmanuel Macron. Mais «si demain ou après- demain, il y avait lieu de le faire, nous l’expliquerions et peut être les pren- drions-nous», a-t-il ajouté.

LE PASSAGE EN PHASE 3

De fait, les autorités se préparaient à une nouvelle intensification. Et la sortie de la phase 2 qui est censée avoir laissé au système de santé le temps de se pré- parer est une question à l"ordre du jour.

Il signifie notamment qu’on passe de la prise en charge systématique à l’hôpital de tous les patients présentant les symptômes du coronavirus, à l’hospita- lisation des seuls malades à risques. Les autres seront renvoyés vers la méde- cine ambulatoire. Des hospitalisations et des opérations non urgentes seront repoussées pour laisser la place aux malades les plus touchés par le corona- virus. Les hôpitaux et Ehpad de France se tiennent prêts à déclencher les plans blanc et bleu. Ces dispositifs de crise, que certains établissements ont d’ores et déjà activés, permettent de planifier la mise en oeuvre rapide des moyens indispensables en cas d"afflux de p atients.

Autant de dispositions visant à ne pas saturer les capacités d’hospitalisation des établissements de santé. Mais qui p lacent aussi les généralistes en pre- mier plan de la lutte contre la pandé- mie. Avec des protocoles précis et des moyens en conséquence ? Visible- ment non, comme en attestent les t émoignages de médecins que nous avons recueillis dans les zones les plus touchées.

L’enjeu du dépistage

Par ailleurs, les tests de diagnostic du Covid-19 ne seront plus forcément appliqués à tout cas suspect. Depuis quelques jours, les hôpitaux situés dans des zones fortement impactées par le virus sont confrontés à un nombre croissant de demandes de tests. Certains ont déjà dû faire faire évoluer leur politique en matière de dépistage, sans attendre l’annonce officielle d’un passage au stade 3 de l’épidémie. Les tests y sont réservés aux cas les plus graves ou déjà hospitalisés.

Un décret paru dimanche 8 mars auto- rise désormais les laboratoires de ville à réaliser les tests d’infection. Mais ces derniers ne sont pas préparés à faire face à un afflux de population. Les laboratoires de ville ne figuraient pas sur la liste des bénéficiaires des dix millions de masques chirurgicaux dis- tribués la semaine dernière par l’Etat aux professionnels de santé. Et les biologistes de ville craignent aussi les contaminations croisées dans les salles d’attente où se rendent des popula- tions à risque. Pour répondre à ce pro- blème, le ministère de la Santé incite les laboratoires à «se déplacer au domicile»des patients qui devront être testés. Mais comment cela peut-il pratique- ment être mis en place ?

Stade 3 et libertés publiques

En plus du renfort des professionnels de santé et des forces de l"ordre, le stade 3 pourrait impliquer des mesures visant à limiter les déplacements. Le plan sur les épidémies de grippe, qui sert de base à la réflexion, prévoit une liste de mesures : fermeture des écoles et appel au télétravail sur tout le territoire, «res- triction d’activités collectives», encoura- gement à «utiliser des moyens de trans- port individuels». Pour autant, un pas- sage au stade 3 ne veut pas dire que de telles mesures seront prises d’un coup et uniformément dans le pays. Mais le Premier ministre Édouard Philippe a prévenu que «des décisions plus lourdes pour le quotidien peuvent être prises».Des décisions qui pourraient impacter nos libertés publiques. Le gouvernement a saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour lui demander son avis sur les«mesures contraignantes qui pourraient être prises», afin d’«éclairer le lien entre impératifs de santé publique et respect des droits humains fondamentaux». Le CNE devrait remettre son avis en début de semaine prochaine.