PANDÉMIEDECORONAVIRUS :Bientôt des mèdecins cubains en Guadeloupe ?

Un décret, publié mercredi 1 er avril au Journal officiel, autorise plusieurs territoires ultramarins à recruter des médecins, den- tistes, sages-femmes et pharma- ciens ayant des diplômes hors Union européenne, pour faire face à des pénuries récurrentes de personnels en Outre-Mer et surtout lutter contre l’épidémie de Coronavirus.

C oncrètement, ce décret va notamment permettre à des médecins cubains de venir exercer en Guadeloupe, Saint- Martin, Saint-Barthélemy, Guyane, Martinique et Saint-Pierre-et-Mi- quelon, une demande récurrente de ces territoires qui font face à des pénuries de personnels soignants.

Le décret stipule que «les directeurs généraux des agences régionales de santé»de ces territoires «peuvent autoriser un médecin, un chirurgien- dentiste, une sage-femme ou un pharmacien, ressortissant d’un pays autre»que ceux de l’Union euro- péenne «ou titulaire d’un diplôme de médecine, d’odontologie, de maïeutique ou de pharmacie, quel que soit le pays dans lequel ce diplôme a été obtenu, à exercer dans une structure de santé située dans leurs ressorts territoriaux respectifs».

Ce décret fait suite à la loi de juillet 2019 sur l’organisation et la trans- formation du système de santé, dont un article, porté par les séna- teurs Dominique Théophile (LREM) et Catherine Conconne (PS), avait déjà introduit cette pos- sibilité de recruter des personnels ayant des diplômes obtenus dans un Etat autre que la France et non- inscrits à l’ordre des professions concernées. Seul le décret d’appli- cation manquait.

Le décret prévoit que ce recrute- ment se fasse via des «commis- sions territoriales d’autorisation d’exercice»chargées d’émettre un avis dans un délai de deux mois, et après proposition au ministre de la Santé de listes de structures auto- risées à accueillir ces médecins et, pour chacune, un nombre de postes à pourvoir.

Mais, «vu les circonstances excep- tionnelles découlant de l’épidémie de Covid-19», le décret précise que«tant que demeure en vigueur dans les territoires l’état d’urgence sani- taire», une procédure simplifiée d’autorisation d’exercice à titre pro- visoire (d’une durée de deux mois renouvelable) pourra être délivrée directement par les directeurs généraux des ARS. Cette procédure simplifiée «entre en vigueur immé- diatement». Le reste des disposi- tions du décret entreront en vigueur le 26 juillet.

Manifestement, la France qui a tou- jours opposé une résistance à cette demande de coopération médicale avec Cuba, portée depuis des décennies par des élus antillo-guya- nais et des associations d"amitié avec Cuba, confrontée à la défail- lance de son système de santé a saisi comme une bouée de sauvetage l"article introduit par les sénateurs Dominique Théophile et Catherine Conconne dans la loi de juillet 2019.

Aujourd"hui, dans l"espoir de limi- ter les dégâts de la crise sanitaire causée par le coronavirus, le gou- vernement met en place une procédure simplifiée permettant aux directeurs des ARS de déli- vrer des autorisations tempo- raires d"exercice. A ce stade, la France à travers les directeurs d"ARS, garde toujours la main.

Nous pouvons comprendre la satisfaction exprimée par les séna- teurs Théophile et Canconne lors de la publication du décret d"appli- cation de l"amendement qu"ils ont fait voté dans la loi. Mais nous sommes bien obligés de constater que ce n"est qu"une petite ouver- ture dictée par «les circonstances exceptionnelles découlant de l"épi- démie du Covid-19». Le chemin d’une réelle coopération médicale avec Cuba est encore long.

Cette étape d"aujourd"hui qu"il faut transformer, peut être considérée, à juste titre, comme une victoire pour tous ces pionniers qui, depuis une quarantaine d"année, se sont engagés avec le soutien de l"ICAP (l"Institut Cubain d"Amitié avec les Peuples), dans la recherche d"une coopération intelligente avec Cuba. On ne peut oublier les efforts constants et les initiatives auda- cieuses déployés dans le contexte de la guerre froide quand aller à Cuba relevait de l"exploit par des militants comme :

- Le Martiniquais Hector Pompée, ancien président de l"association Martinique-Cuba

- Le maire du Lamentin en Martinique Pierre Samo

- Le Secrétaire des relations Extérieures du Parti Com- muniste Guadeloupéen Michel Bangou, ancien président de Guadeloupe-Cuba.

- Les dirigeants communistes gua- deloupéens : Lynn Dorothée et Jean-Claude Lombion.

- Le président du Conseil régional de la Guadeloupe, Félix Proto, le premier Exécutif élu d"une «ré- gion française» dans la Caraïbe qui a osé, bravant l"autorité de tutelle, envoyer une délégation d"élus en visite officielle à Cuba en 1988, pour jeter les bases d"une coopération.

Cet engagement se poursuit aujourd"hui encore, avec Michel Nandan, président de Martinique-Cuba et Gaston Gontour, président des «Amis de Cuba» en Guadeloupe.

Les responsables guadeloupéens, élus politiques, professionnels de santé, en ne se laissant pas confi- ner dans des rôles de subalternes, doivent saisir ce fléchissement du pouvoir français pour promou- voir leur propre ligne de coopéra- tion avec Cuba.