L’arrêt du Conseil d’Etat ne pourra jamais gommer les carences de l’Etat en Guadeloupe

Dans le numéro précédent, nous avons fait état de l’ordon- nance du Tribunal administratif de Basse-Terre, en date du 27 mars 2020, dans l’affaire UGTG contre le CHU et l’ARS.

D ans son article 2, cette ordonnance enjoignait au CHU et à l’ARS de passer commande des doses nécessaires et en nombre suffisant, pour cou- vrir les besoins de l’archipel, en trai- tement de l’épidémie de Covid-19 par l’hydroxichloroquine et l’azi- thromiycine et de dépistage du Covid-19. Le CHU et le ministère des Solidarités et de la santé, tutelle de l’ARS, ont fait appel devant le contentieux du Conseil d’Etat à Paris, pour demander l’annulation de l’ordonnance du Tribunal admi- nistratif de Basse-Terre.

Le contentieux du Conseil d’Etat, dans sa séance du 4 avril 2020, a pris l’ordonnance suivante :

- Article 1 : L’article 2 de l’or- donnance du juge des référés du Ttribunal administratif de la Guadeloupe du 27 mars 2020 est annulé.

- Article 2 : Les conclusions de l’UGTG, présentées devant le juge des référés du Tribunal administratif de la Guadeloupe, tendant à ce qu’il soit enjoint à l’ARS et au CHU de passer commande des doses néces- saires au traitement de l’épidémie de Covid-19 par hydroxychloro- quine et azithromycine et de tests du Covid-19 sont rejetés.

Cette ordonnance, prise par un juge de référés hors contexte, décon- necté des réalités guadelou- péennes, sur la base d’un dossier en défense quasiment vide et à partir d’une prise de position tendan- cieuse dans un débat non tranché entre spécialistes en recherche médicale, est un modèle de ces jugements «maisons» imposés par le pouvoir politique pour couvrir les crimes de l’Etat.

Cette ordonnance contourne et se place en dehors des faits exposés dans la requête de l’UGTG et qui ont motivé l’ordonnance du juge des référés en Guadeloupe.

Le juge du contentieux se livre à une plaidoirie pro domo sur les mesures générales adoptées décidées par les autorités cen- trales et appliquées en Guade- loupe, pour esquiver le fond de la requête de l’UGTG, le droit constitutionnel qui garantit l’ac- cès des citoyens guadeloupéens aux soins médicaux sur lequel s’est fondé le tribunal adminis- tratif de Guadeloupe.

Cette ordonnance du conseil d’Etat est inique car, elle porte atteinte à ce droit fondamental.

Son plébiscite sur les mesures de gestion de la crise prises par l’ARS est invalidé par les prises de posi- tions et interventions des élus guadeloupéens depuis le 4 avril pour dénoncer les retards, les insuffisances et les discrimina- tions dans le traitement de l’épi- démie en Guadeloupe.

Dans une lettre adressée le 5 avril 2020 au Premier ministre, les parle- mentaires socialistes guadelou- péens interrogent : «Nous souhaite- rions connaître la date à laquelle l’Etat sera concrètement en mesure d’approvisionner en quantité suffi- sante l’ensemble des établissements de soin en Guadeloupe ?»et d‘ajou- ter, «Nous demandons que soit rapi- dement augmenté la capacité de mener une vaste campagne de test en Guadeloupe».

Les sénateurs de l’Outre-mer, réunis le 9 avril, lancent un cri d’alarme :«Dans tous les territoires, il manque des équipements médicaux (lits en service de réanimation, gel hydro- alcoolique, masques, gants, appareils respiratoires)».

La présidente du Conseil départe- mental, dans un courrier daté du 7 avril renouvelle ses demandes pres- santes au Président de la Républi- que en ces termes : «Il est temps encore de montrer que le gouverne- ment entend la voix des élus d’Outre- mer et qu’il prend enfin toute la mesure des besoins de nos territoires en respirateurs, en matériel de pro- tection, en tests et en médicaments avant que nous ne soyons confrontés à la vague qui s’annonce et qui met en danger de mort nos populations».

Comme on peut le constater, jamais l’ordonnance du Conseil d’Etat ne pourra gommer les carences de l’Etat français en Guadeloupe.