Au-delà de la crise : Vigilance !

La crise que nous traversons a des dimensions historiques évidentes que de nombreux responsables ont soulignées. Mais une grande vigilance s’im- pose. Sur deux plans au moins.

LA MISE EN APPLICATION DE TOUTE UNE PANOPLIE DE DÉCI- SIONS ANTI-DÉMOCRATIQUES

Sur le plan politique tout d’abord. Au-delà de la situation inédite qui constitue en soi une nouveauté, on assiste, depuis peu, à la mise en place d’un certain nombre de stra- tégies bien connues, qui doivent être observés attentivement car, l’après crise se met en place rapide- ment. En effet, avec une précipita- tion révélatrice, les forces réaction- naires profitent de l’arrêt de la vie politique pour mettre en applica- tion toute une panoplie de déci- sions anti-démocratiques. La liste de ces initiatives commence à s’al- longer et, sans être exhaustif, on peut citer les pays suivants :

- la Russie. Vladimir Poutine vient de modifier la Constitution dans un sens favorable au maintien de celui- ci au pouvoir au-delà de 2024 (il est au pouvoir depuis 2000).

- la Hongrie. Viktor Orban a fait approuver au Parlement une loi d’exception lui donnant les pleins pouvoirs pour une durée illimitée. - Israël. Dans un énième rebondis- sement de la crise politique, Benjamin Netanyahu voit son procès pour corruption repoussé et son maintien au pouvoir validé, malgré une très faible minorité de députés en sa faveur.

- la France. L’Assemblée nationale vient de voter une loi d’«urgence sanitaire» qui autorise une remise en question très considérable du droit du travail et la possibilité de procéder, par ordonnances, pour les affaires publiques. Lorsque l’on sait que les lois d’urgence prises après les attentats de l’Etat islamique n’ont pas été suspendues et ont, au contraire, été utilisées contre les mouvements sociaux, on peut avoir de sérieuses inquiétudes sur les intentions d’un gouvernement qui a déjà utilisé une violence policière très disproportionnée, lors des récents mouvements de contesta- tion de 2018, 2019 et 2020.

UNE INTERVENTION AMÉRI- CAINE CONTRE LA GRENADE DE MAURICE BISHOP ?

Enfin, le plus lourd des dangers peut-être, la décision américaine de traduire Nicolas Maduro devant la justice, pour trafic de drogue, et l’envoi prochain de forces militaires dans la région, réveillent de très mauvais souvenirs. Si certains com- parent cette démarche à celle qui a conduit à l’éviction du général Noriega à Panama, c’est plutôt, pour notre part, à l’intervention américaine contre la Grenade de Maurice Bishop, en 1983, que nous sommes tentés de rapprocher cette aventure militaire en préparation. De plus, exactement comme il y a un peu moins de quarante ans, les États-Unis ont débauché des Etats de la région pour donner l’appa- rence d’une légitimité à leur coup. On s’en souvient, à l’époque, la Dominique d’Eugenia Charles, entre autres, avait apporté son appui à Ronald Reagan. Aujourd’hui, ce sont Haïti et Sainte-Lucie qui se compro- mettent dans cette tentative de renverser Maduro… Les temps pas- sent et la Caraïbe reste, hélas, l’ar- rière-cour de l’oncle Sam.

LUTTER CONTRE LA DÉSINFOR- MATION LES DANGERS QUE CELA COMPORTE POUR LA LIBERTÉ ET LA DÉMOCRATIE.

Une deuxième forme de vigilance s’impose. C’est celle qui consiste à ne pas laisser s’égarer le débat vers les fake-news et les théories com- plotistes. Aucun mouvement de transformation de la société, comme celui dont nous nous récla- mons, n’a à gagner à être pollué par des informations non vérifiées, jouant souvent sur le registre émo- tionnel, et ne permettant pas la prise de conscience et la lutte argu- mentée. Quantité d’informations sont, en permanence, diffusées sur les réseaux sociaux, sans que la plus élémentaire prudence ne soit de mise, avant de les transférer. La situation est suffisamment anxio- gène pour ne pas chercher à créer des mouvements de panique sup- plémentaires. Concernant certains commentaires, en particulier sur les démarches scientifiques, il fau- drait rappeler qu’il nous manque du recul pour pouvoir juger des caractéristiques exactes de la crise et émettre des jugements fondés. Beaucoup de questions sont encore en suspens, y compris, et surtout, sur le plan médical.

Ces points d’interrogations doi- vent nous conduire à une pru- dence et une vigilance accrue car, on le sait, et l’histoire nous l’apprend, la crise économique qui approche, conjuguée à une certaine confusion dans les têtes, peut amener au Pouvoir des hommes ou des femmes providentiels qui s’érigeront en sauveurs, avec tous les dangers que cela comporte pour la liberté et la démocratie.

Plus que jamais, un mot d’ordre s’im- pose à tous les niveaux : Vigilance !