Inscription du gwoka à l’UNESCO La sauvegarde, qu'est-ce que c'est ?

Le débat ouvert dans les colonnes de Nouvelles Étincelles sur l'inscription du gwo-ka sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel del'UNESC O se poursuit dans le pa ys.L'organisation non gouv ernementale,«Repriz» qui pilote la prépar ation du dos- sier de l'inscription a choisi de faire de la pédagogie en mettant à la disposition de tous lesacteurs du ka et par delà à la portée de tous les Guadeloupéens les élémentsde compréhension de cettedémarche. Pour fluidifier le débat,l'Étincelle publie à l'intention de ses lecteurs les éléments du dossier que lui a adr essé l'Association «Repriz».La rédaction rappelle que son espace débat accueille toutes les contributions qui vont dans le sens d'une clarific ation per mettant de «sauv egarder» notre patrimoine culturel.

L e sens accordé au mot "Sauvegarde" dans la Convention du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel étant différent de l'acception commune, il est indispensable de s'y attarder.

Pour l'UNESCO : "On entend par sauvegarde les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l'identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur , la transmission, essentiellement par l'éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des dif férents aspects de ce patrimoine" (article 2.3 de la convention PCI de l'UNESCO).

Dans la définition proposée par l'UNESCO, il y a des mots-clés :

Viabilité : Capacité à rester en vie. L es études antérieures et l'a- nalyse ont démontré que les traditions restent vivaces tant qu'il y a des gens qui les apprennent, tant que les jeu- nes générations se les approprient. Aussi, l'un des moyens les plus sûrs d'assurer qu'une tradition continue à vivre est de prendre des mesures qui favori- sent sa transmission aux généra- tions futures.

Identification : Présentation de l'élément en précisant toutes ses dimensions artistiques, sociales, rituelles et autres, sans oublier les espaces dans lesquels il se pratique ainsi que les objets divers, instruments, techniques etsavoir -faire qui permettent de la pratiquer.

Documentation et recherche : Création de fonds d'archives, éla - boration de documents divers sur des supports variés (livres, CDs, documentaires, etc.), basés sur les résultats de l'inventaire d'un élément du patrimoine et des étu - des de terrain.

Préservation et protection :

Les mesures de protection dépendent des lois en vigueur dans chaque Etat-partie. La préservation consiste en des actions qui sont de nature à protéger, non seulement le cadre propice à la vitalité de l'élément, mais aussi l'élé - ment lui-même afin de retar- der au maximum son déclin. Ces mesures volontaires prises par les instances locales, régiona- les et nationales doivent être éla- borées avec la participation active des porteurs de tradition.

Promotion et mise en valeur :

Mise en œuvre d'actions qui font connaître et apprécier l'élément en soi, tout autant que les por- teurs de tradition. Il s'agit notamment d'actions visant à soutenir la création et la diffusion à l'échelle interne comme à l'échelle internationale.

Transmission formelle et non for- melle : Enseignement et appren- tissage dans les écoles publiques et privées, spécialisées ou non, ainsi que hors des écoles, selon les méthodes traditionnelles.

Ainsi, la sauvegarde selon la convention de l'UNESCO ne doit pas être comprise au sens cou- rant, tel que défini dans le dic- tionnaire. Loin de figer, la sauvegarde selon la convention de 2003 est un processus dynamique qui s'inscrit dans un projet collectif structurant et qui concerne à la fois le local et l'international. S'agissant du gwo-ka, il s'agit donc d'un ensemble de mesures à élaborer entre tous les acteurs de la sauvegarde (moun a gwo- ka, associations, centres de res- sources, communes, communautés de communes, Département, Région, DAC). Ces mesures œuv - rent pour une meilleure connaissance du gwo-ka sous toutes ses formes (traditionnelles et contemporaines) ainsi que pour sa dif fusion la plus large possible.

Dans l'esprit de cette convention, la sauvegarde doit se concevoir sur deux plans inséparables et qui se renforcent mutuellement ; la sauvegarde à l'échelle interne et la sauvegarde à l'échelle internationale.

A l'échelle internationale, l'ins - cription sur la liste représentative est déjà en soi une mesure de sauvegarde puisque selon l'article 2.3 la promotion et la mise en valeur font partie des actions de sauvegarde. S'agissant de sauvegarde à l'é - chelle interne, la ratification de la convention et ses directives opérationnelles engagent les Etats-parties donc la France, à travers sesinstitutions décentralisées, par des obliga - tions et recommandations à les mettre en œuvre. Une des obligations fondament ales est la réalisation de l'inventaire du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire.

En quoi consiste un véritable inventaire au sens de la Convention ?

L'inventaire d'un élément (de ses artistes, de ses espaces, de ses variantes et déclinaisons, etc.) apporte une vue d'ensemble sur un patrimoine et permet d'aboutir à un consensus autour de sa définition. En rendant compte de tous les aspects d'un élément, de ses formes traditionnelles et contemporaines, de ses différentes fonctions, de ses espaces, des personnes qui jouent un rôle clé dans sa transmission comme dans sa pratique, il apporte des informations précises sur l'élément luimême, ainsi que sur les objets et instruments qui y sont liés, tech- niques de fabrication et tech- niques de jeu. Favorisant la compréhension des symboles et de représentations que les porteurs de la tradition se font de l'élé- ment, un inventaire exhaustif aidera en outre, à cerner les besoins réels des praticiens comme des enseignants, ceux des artistes tout autant que ceux des créateurs. Il est une étape indispensable vers l'élaboration de mesures de sauvegarde adéquates.

LA LISTE REPRÉSENTATIVE, C'EST QUOI ? QUELS SONT SES OBJECTIFS ?

Une liste de patrimoines vivants et représentatifs pour contribuer comme exemple dans le monde à une meilleure visibilité du patri - moine culturel immatériel. Comme l'a fait la convention de 1972 pour la protection du patrimoine culturel mondial (monuments, sites) et naturel, la convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a mis en place un système de reconnaissance internationale sous deux formes de listes.

1. La liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sau- vegarde urgente.

Cette liste s'intéresse aux patri- moines culturels immatériels endanger . Le gwo-ka n'est pas concerné par une telle liste.

2. La liste représentative du patri- moine culturel immatériel del'humanité.

Elle s'intéresse aux patrimoi- nes vivants. C'est donc sur cette liste que le L yannaj Pou Gwoka propose d'inscrire le gwo-ka. Les objectifs de cette liste sont précisés à l'article 16 de la convention dans les ter- mes suivants.

1. "Pour assurer une meilleure visibilité du patrimoine culturel immatériel, faire prendre davan- tage conscience de son importance et favoriser le dialogue dans le respect de la diversité culturelle, le Comité, sur proposition des Etats parties concernés, établit, tient à jour et publie une liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité".

2. "Le Comité élabore et soumet à l'approbation de l'Assemblée générale les critères présidant à l'établissement, à la mise à jour et à la publication de cette liste représentative".

En invitant ainsi les Etats signatai- res de la convention à proposer, à la demande des communautés, groupes et le cas échéant d'indi- vidus, l'inscription de patrimoines immatériels vivants et représentatifs présents sur leur territoire, l'UNESCO, dans le cadre de la mission qui est la sienne, souhaite les faire connaître, leur donner une reconnaissance internationale et leur permettre de contribuer à une meilleure visibilité du patrimoine culturel immatériel tout en faisant prendre conscience à tous les peuples du monde de l'importance de sauvegarder leur patrimoine culturel immatériel.

La liste représentative est donc en soi une mesure de sauvegarde à l'échelle internationale. Elle œuvre au dialogue entre les cul - tures dans le respect de la diversi- té culturelle. Les traditions qui peuvent être inscrites sur cette liste doivent être vivantes et doivent être des marqueurs identitaires pour les communautés qui en demandent l'inscription. C'est en ce sens qu'on dit que ces patrimoines sont représentatifs de l'histoire et de la culture des communautés. Ces traditions, ces patrimoines sont importants pour l'UNESCO parce qu'ils rendent compte de la diversité culturelle des peuples du monde.

V oir Article 16 de la Convention «Liste représentative du patri - moine culturel immatériel de l'humanité» : p 34

Le gwo-ka est un exemple de patrimoine représentatif :

• II est emblématique d'une com - munauté : les Guadeloupéens, • II est, pour eux, une musique de résistance, • Il participe à la construction de l'identité guadeloupéenne, • Il est une tradition vivante qui procure un sentiment de continuité avec les générations précé - dentes et permet de se projeter dans le futur.

Ce que l'inscription n'est pas

L'inscription sur la liste représen- tative n'est pas un dépôt des codes, des conventions et techniques spécifiques du gwo-ka. L'UNESCO demande expressément de n'introduire aucun détail technique dans le dossier de candidature à l'inscription. Une inscription à l'UNESCO n'est pas comparable à un dépôt à la SACEM ou à l'INPI. L'inscription n'entraîne aucunement un transfert de la propriété intellectuelle du gwo-ka à l'UNESCO. L'inscription ne fige pas. En effet, le risque de figer le gwo-ka est inexistant tant qu'il y aura des Guadeloupéens en Guadeloupe qui font vivre et qui transmettent le gwo-ka sous sa forme tradi- tionnelle et ses formes contemporaines.

Les Guadeloupéens ne cèdent aucun droit à l'UNESCO en inscri- vant le gwo-ka sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. L'inscription sur la liste représentative ne soumet en aucune façon les porteurs de tradition à des directives venant de quiconque pour le faire vivre et le transmettre. Cela serait contraire à l'esprit de la convention. Ce n'est donc pas l'UNESCO qui va fixer les normes de création, d'interprétation ou de transmission du gwo-ka. L'UNESCO ne va pas, ne peut pas dicter les codes, les normes, les rythmes, le nombre de rèpriz qu'on peut faire, etc… du gwo-ka.

Ce qu'est l'inscription

L'inscription consiste en la publi- cation d'un texte de présentation générale du gwo-ka dans un ouvrage publié à des milliers d'exemplaires en français et en anglais et distribué dans le monde entier . La liste représenta - tive c'est aussi une publication sur le site de l'UNESCO en fran- çais, en anglais et en espagnol, d'un texte présentant le gwo- ka accompagné d'un diaporama de photos et d'un docu - ment vidéo. La liste représentative c'est encore la dif fusion de toutes ces informations dans le réseau des écoles associées de l'UNESCO, dans les musées, dans les archi- ves, dans les universités, biblio- thèques et instituts de recherche.

La liste représentative via la publication de l'ouvrage et le site internet, est un outil essentiel pour les programmateurs et les organisateurs de festivals ainsi que pour les salons de musiques traditionnelles et de world music. C'est aussi un outil pour les enseignants

INTÉRÊT DE L'INSCRIPTION DU GWOKA SUR LA LISTE REPRÉSENTATIVE DU PATRIMOI- NE CULTUREL IMMATÉRIEL POUR LA GUADELOUPE ET POUR LE GWO-KA

L'inscription sur la liste représen- tative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité entre dans le cadre d'un projet global pour le gwo-ka à l'échelle interne et à l'échelle internationale.

Intérêt pour la Guadeloupe

L'inscription du gwo-ka sur la liste représentative du patrimoine cul - turel immatériel de l'humanité contribuera :

• au rayonnement de la Guadeloupe dans le monde, • à une meilleure promotion de la destination Guadeloupe ; Le gwo-ka porterait ainsi sa contribution au tourisme culturel. L'inscription du gwo-ka sur la liste représentative du PCI de l'humanité : • facilitera l'intégration de la Guadeloupe dans les sous-comités régionaux de l'UNESCO qui travaillent sur le PCI, qui organi- sent des festivals, qui coordon- nent les activités des centres de ressources, qui proposent des séminaires, etc…, • permettra en retour une meilleure visibilité du gwo-ka dans les pays de la grande région Caraïbe et le reste du monde, • facilitera la circulation des artistes tant amateurs que professionnels, • contribuera à promouvoir la coopération culturelle. L'inscription, faite dans le cadre d'un projet de promotion du gwo-ka, est donc de nature à faire mieux connaître la Guadeloupe dans le monde, à commencer par la grande région Caraïbe où la plupart de nos voi - sins ne savent pas quelle musique on fait en Guadeloupe.

Intérêt pour le gwo-ka et les artistes

L'inscription du gwo-ka sur la liste représentative du PCI de l'humanité : • sera une forme de reconnais- sance internationale pour le gwo-ka, et plus encore une reconnaissance du travail accompli par tous ceux et celles qui ont lutté pendant des années pour le sortir de l'ombre, • encouragera la création à partir du gwo-ka, o renforcera le sentiment de fierté des Guadeloupéens, • permettra aux Guadeloupéens d'avoir un autre regard sur leur propre musique et facilitera ainsi les projets de développement internes (création d'outils pédagogiques, recherche, diffu- sion, etc…).

Grâce à l'inscription sur la liste représentative du PCI de l'humanité, le gwo-ka

• deviendra aux yeux du monde un exemple de musique qui a permis de résister aux oppressions, • sera une illustration de la créa- tivité humaine, • sera une occasion exceptionnelle de dire au monde que la Guadeloupe est le territoire de naissance et le lieu d'enra- cinement du gwo-ka sous toutes ses formes traditionnelles et contemporaines, • sera une occasion exceptionnel - le de dire au monde que le gwoka est à la fois un fait social et un fait musical, qu'il est un espace où les identités s'affirment, se construisent et s'expriment, un espace de contestation politique et d'expression des solidarités, • servira d'exemple pour les autres éléments du patrimoi - ne culturel immatériel de la Guadeloupe.

L'inscription, faite dans le cadre d'un projet de diffusion et de promotion du gwo-ka, facilitera l'accès aux salons de musiques et aux festivals du monde (Europe, Caraïbe, Amérique) en offrant un accès plus large à tous ceux (ama - teurs ou professionnels) qui veu- lent dif fuser cette musique.

Une fois inscrit sur la liste repré- sentative du PCI de l'humanité, le gwo-ka servira de carte de visite aux musiciens de Guadeloupe, leur of frant ainsi une meilleure visibilité face aux autres musiques (ex: le jazz) afin d'être reconnus, dif fusés et compris. Comme patrimoine culturel immatériel vivant, représentatif et exemplaire, le gwo-ka contribuera, dans l'esprit de la conven - tion, à faire prendre conscience aux autres peuples de l'impor- tance de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.