Cuba : «Des mèdecins internationalistes»

Lors de sa traditionnelle béné- diction «urbi, orbi», le Pape François a prononcé un discours religieux pour l’ensemble de l’hu- manité, plus spécifiquement pour les personnes touchées par la crise sanitaire, le Covid-19. Il a également prononcé un dis- cours plus politique, dans lequel il demandait explicitement la levée des sanctions internatio- nales pour des pays comme Cuba ou l’Iran qui ont du mal à se procurer des médicaments, ainsi que la suppression de la dette pour les pays africains qui ont du mal à lutter efficacement contre l’épidémie, faute de res- sources publiques.

La suppression de la dette des pays africains semble avoir fait écho auprès du Président de la République fran- çaise, Emmanuel Macron, à en croire ses propos lors de son allocu- tion du 13 avril 2020. Par contre, il est évident que la levée des sanc- tions, tel que l’embargo américain sur Cuba, et le Venezuela ne rentre pas dans sa vision «d’un nouveau monde». Il est vrai que Cuba, l’île socialiste des Caraïbes, fait pâlir de honte les pays capitalistes et cela les met mal à l’aise.

Alors que tous les pays pratique- ment, y compris Cuba (726 cas confirmés avec 21 décès au 14 avril 2020 selon l’Organisation mondiale de la santé, (l’OMS), sont confron- tés à la crise sanitaire de coronavi- rus, l’Etat cubain envoie ses méde- cins, comme à son habitude, dans les pays fortement touchés par le virus, pour aider à lutter contre la propagation de la pandémie.

L’un des premiers pays qui a béné- ficié de l’aide cubaine durant cette crise est l’Italie, principal foyer de la pandémie en Europe. Un accueil chaleureux a d’ailleurs été rendu à la brigade médicale cubaine venue prêter main-forte au personnel hos- pitalier de Lombardie, débordé par le Covid-19.

Cette action du gouvernement cubain est tout à son honneur dans un contexte où, au vu des risques, certains pays préfèrent bloquer totalement leurs frontières et ne pas venir en aide à leurs voisins, à l’instar des pays du Nord de l’Europe, peu solidaires, comme l’a rappelé le Pape François.

Oui à la solidarité ! Non à la division !

Pourtant, même dans ce moment qui est plus à la solidarité qu’à la divi- sion, certains n’ont pas arrêté leurs dénigrements de la République socialiste de Cuba.

En effet, une partie de la presse française s’est faite porte-parole de la propagande anti-communiste, anticastriste, en accusant l’Etat cubain de réduire en esclavage ses médecins internationalistes. Cette accusation fait écho à une organisa- tion qui se dit non gouvernemen- tale mais assurément un avatar des USA : Prisoners Defenders. Celle-ci a porté plainte, en 2019, auprès de la cour pénale internationale de la Haye contre l’Etat Cubain pour «crimes contre l"humanité pour des faits d"esclavagisme».

Mais qu’est-il reproché à l’Etat Cubain ? Selon ces détracteurs, les missions humanitaires qu’exer- cent Cuba seraient réalisées au détriment des droits de l’homme et des droits du travail. Selon eux, les personnels médicaux cubains seraient forcés à participer aux missions de collaboration à l"étranger dans des conditions d"esclavagisme, au bénéfice du gouvernement. En ligne de mire, le salaire qui leur est versé, une surveillance démesurée, et la mainmise de l’Etat Cubain sur les recettes de ces programmes. En somme, un récital d’allégories abjectes venant d’une organisa- tion dont on peut douter de l’ob- jectivité car, présidée par un Espagnol d’origine cubaine, affairiste dans des fonds d’in- vestissement à risque dans le domaine de la télécommunica- tion et du numérique.

LA COOPERATION SELON LESPRINCIPES DE L’INTERNATIONA- LISME SOCIALISTE

Mais quoiqu’il en soit, il est essentiel de bien comprendre le fonctionnement de cette bri- gade médicale et bien évidem- ment le rôle de l’Etat cubain.

Pour rappel, la réputation des médecins et personnels médicaux cubains n’est pas à faire. En effet, là où certains pays, dont la France, pratiquaient jusqu’à encore peu, un numérus clausus 1 , conduisant à des déserts médicaux dans certains ter- ritoires, la jeune République socialiste a misé sur l’enseigne- ment et la santé. Selon son ministère de la santé, Cuba dis- pose de plus de 76 000méde- cins, pour un peu plus de 11 millions d’habitants, de 15 000 dentistes, 89 000 infirmières, et d’une faculté de médecine ouverte aux pays du sud 2 . Des dizaines de milliers de Latino-Américains, d’Afri-cains et d’Asia-tiques, vont se former à Cuba . En parallèle, Cuba a envoyé ses médecins dans certains pays néces- sitant d’une aide d’urgence dans le domaine médical (Amérique Latine, Afrique, Caraïbes, etc…). La pre- mière brigade médicale cubaine a été envoyée en Algérie en 1963 et, depuis, elle officie dans plus de qua- rante pays. Cet élan de solidarité est animé par les valeurs socia- listes et humanistes propres à l’international communiste que l’île porte en son sein.

La pratique de la solidarité au ser- vice des peuples

Donc, le service apporté par les médecins cubains est rémunéré, c’est une pratique normale dans les échanges internationaux. Cette rémunération n’est pas versée à «titre individuel» à la brigade médi- cale mais au gouvernement cubain. Il est essentiel de ne pas oublier que le système de santé à Cuba est gra- tuit et la formation des médecins est entièrement financée par l’Etat, tout l’inverse de ce qui se passe dans la majeure partie des pays occiden- taux qui ont opté pour une libérali- sation de leurs services de santé, contribuant à une dégradation de l’offre de soins responsable de la situation que nous connaissons actuellement avec le Covid-19.

C’est au nom de la brigade médicale cubaine que ces médecins officient et non pour leurs comptes person- nels. Sur la rémunération versée pour l’aide apportée, une partie sert à financer les services publics, l’édu- cation et la santé ; une autre partie est reversée au médecin. Par ail- leurs, pour qui ne le savent pas, le médecin en mission continue à percevoir intégralement son salaire à Cuba et reste titulaire de son poste de travail.

Alors même que notre planète vit des heures difficiles, que la France compte des dizaines de milliers de morts, que le monde compte plus de 150 000 décès, les Etats-Unis d’Amérique décident de suspen- dre l’aide versée à l’OMS. Pourtant, la presse libérale occi- dentale s’acharne sur Cuba qui, toujours sous embargo, envoie des médecins dans plusieurs pays.

Pour bien illustrer cela, je citerai quelques extraits d’un discours de Fidel Castro devenu célèbre :«Notre pays ne largue pas de bombes sur d’autres pays et n’envoie pas non plus de milliers d’avions pour bom- barder des villes […]. Les dizaines de milliers de scientifiques et de méde- cins que compte notre pays, ont été sensibilisés à l’idée de sauver des vies. Des dizaines de milliers de médecins cubains ont prêté leurs services inter- nationaux dans les endroits les plus reculés et les plus inhospitaliers […]. Des médecins, pas des bombes» 3 .

(1) Mis en place par l"État depuis 1971 pour les études de médecine, le numerus clausus permet de réguler en France le nombre d"étudiants en première année à admettre en deuxième année. Le nombre de places disponibles dans chaque spécialité (médecine, pharmacie,odontologie et maïeutique) est fixé chaque année par arrêté ministériel. L"objectif de cette sélection est d"être en adéquation avec les capacités d’accueil des établissements hospitaliers uni- versitaires dispensant les formations.

(2) Source - https://www.franceculture.fr/societe/avec- la-crise-sanitaire-cuba-exporte-plus-que-jamais-ses- medecin

(3) Extraits du discours prononcé par Fidel Castro à Buenos Aires, en mai 2003- http://fr.granma.cu/covid- 19/2020-03-26/des-medecins-pas-des-bombes