LA MORT DE GEORGE FLOYD Un tournant dans la lutte pour l’égalité ?

Les images insoutenables de l’agonie de George Floyd, maintenu au sol, sans possi- bilité de respirer, par un poli- cier de Minneapolis, ont fait le tour du monde et créé une immense émotion. Les tenants et aboutissants de ce drame sont exemplaires.

POLICIERS MEURTRIERSSE SENTANT DANS L’IMPUNITÉ : DES DRAMES RÉCURRENTS

Arrêté pour avoir écoulé un faux bil- let de 20 dollars, immobilisé avec la violence qui caractérise les interpel- lations policières aux USA, surtout lorsqu’il s’agit d’Afro-Américains, George Floyd a perdu la vie, alors que des passants filmaient la scène de l’interpellation. Sur la vidéo, l’at- titude de Derek Chauvin, le policier qui étouffe George Floyd avec son genou, et de ses trois collègues, montre clairement qu’ils se sentent en état d’impunité. Celle-ci est confirmée dès le lendemain par l’absence de toute menace de sanc- tion pénale. Il faudra attendre plu- sieurs jours pour voir enfin une pro- cédure engagée contre le seul Derek Chauvin, pour homicide involontaire («meurtre au troisième degré» dans la terminologie pénale américaine). De tels drames sont cependant récurrents aux USA.

Cette affaire survient, en effet, après d’autres affaires récentes toutes aussi graves : la mort d’un joggeur, Ahmaud Arbery, en Géorgie, en février 2020 et celle d’une ambulancière, Breonna Taylor, abattue par méprise chez elle, dans le Kentucky, en mars 2020. Ces trois morts sont les der- nières d’une très longue liste de Noirs, morts aux USA, tués soit par la police, soit par des civils, dans une violence raciste qui est le prolonge- ment direct des lynchages de la pre- mière moitié du siècle. Tous ces faits sont connus et archi connus. Ils nourrissent périodiquement l’ac- tualité, puis l’Amérique blanche retourne à son quotidien. Des émeutes ont suivi, à Los Angeles, le tabassage filmé de Rodney King en 1991, ou la mort de Michael Brown, à Fergusson, en 2014. Plus près de nous, en 2016, le joueur de football américain Colin Kaepernick s’age- nouille durant l’hymne américain pour protester contre les vio- lences policières impunies dirigées contre les Noirs, dans un geste qui n’est pas sans rappeler le poing levé de John Carlos et Tommy Smith aux Jeux Olympiques de 1968. Les journaux internationaux font leurs Unes de cette actualité, pendant quelques temps puis ils passent à autre chose et on oublie. Mais la vie, elle, ne change pas lorsque l’on est afro-américain.

LE SENTIMENT DOMINANT,CELUI D’UNE ABSENCE DE CHANGEMENT EN 50 ANS

Un sondage récent, réalisé en 2018 par l’Université de Chicago et Associated Press, montre claire- ment que pour beaucoup d’Afro- américains, le sentiment dominant est celui d’une absence de change- ment, depuis la mort de Martin Luther King, dans trois domaines importants : les violences policières, la justice criminelle et la vie démo- cratique. Les deux premiers points s ont bien mis en lumière de façon crue à travers la mort de George Floyd. Le troisième est moins sou- vent cité, mais il est tout aussi révé- lateur du racisme institutionnel aux U SA. La quasi-totalité des Etats américains (48 sur 50) prive de droits civiques les détenus et m ême, dans certains cas, les condamnés ayant purgé leur peine. Or, ces condamnations touchent plus souvent les Afro-Américains que les Blancs. Elles les touchent proportionnellement quatre fois plus. En Floride, la loi allait encore plus loin, il y a peu, en privant de droits civiques à vie, toute personne ayant un casier judiciaire. Cette loi a été abrogée en novembre 2018. De fait, dans cet Etat, plus d’un million et demi de citoyens vont retrouver le droit de vote pour les élections de novembre 2020. On se souvient que Georges W. Bush l’avait emporté, en Floride, en 2000, devant Al Gore, de 550 voix, faisant basculer l’élection en sa faveur.

CONSTRUIRE UNE RÉPONSEPOLITIQUE AU RACISME INSTITUTIONNEL

Dans la période historique actuelle, les Américains qui protestent en masse dans la rue doivent construire une réponse politique au racisme institutionnel, pour faire évoluer la société. Il leur faut reprendre, sous d’autres formes, le combat de Martin Luther King. A cet égard, le texte écrit ces jours-ci par Barak Obama est révélateur d’une continuité de la lutte. Comme le dit l’ancien Président, il s’agit de manifester ET de faire de la poli- tique. Il s’agit d’intervenir à tous les niveaux de décisions. L’activisme des années 50 et 60 doit trouver de nouvelles sources de mobilisation (comme ce slogan «Black Lives Matter» qui rassemble des foules multiraciales) et poursuivre inlassa- blement cette lutte sur tous les plans. Sur cette question de la nature des luttes, on ajoutera qu’il faut continuer le combat sur le plan politique ET social, car les deux sont inséparables. On rappellera à ce sujet que, le dernier discours de Martin Luther King, le trois avril 1968, laveille de son assassinat, a été prononcé pour soutenir un syndicat d’ouvriers afro-améri- cains de la ville de Memphis. La voie est toute tracée pour les mili- tants américains, dans leur lutte contre la permanence du passé esclavagiste dans le présent de la société américaine. Ici, aux Antilles, et singulièrement au Parti Com- muniste Guadeloupéen, nous ne pouvons qu’être totalement soli- daires d’un tel combat.