Le CIPN et la rançon pour l"indépendance de Haïti

Interview de Henri Dorol Quelles sont les revendicationsdu CIPN concernant la dette de l"indépendance de Haïti ?

Le CIPN se concentre principale- ment sur les 3 R :

1. La reconnaissance par l"Occident de la traite de l"esclavage comme crime contre l"humanité,

2. La réhabilitation de l"homme noir dans sa dignité,

3. Des réparations morales et maté- rielles aux peuples noirs d"Afrique et d"Amériques.

En 2004, un ancien président de Haïti, Jean-Bertrand Aristide, avait lancé une procédure judiciaire de restitution et réparation contre la France, en remboursement de la dette de l"indépendance. L"impérialisme français et améri- cain, l"a destitué. En 2015, l"ancien président français, François Hollan- de, à Pointe-à-Pitre et à Port-au- Prince, a reconnu une dette morale de son pays envers Haïti, mais a nié toute dette financière. Depuis cela, silence radio en Haïti sur le sujet et sa suite.

Le CIPN plaide donc, ardemment, pour la restitution de la dette de l"indépendance de Haïti aussi, per- mettant, ainsi, à ce pays de sortir, notamment, de l"abjecte pauvreté à laquelle l’ont contraint, en grande partie, ces injustices historiques. Les revendications du CIPN concer- nant la dette de l"indépendance de Haïti sont celles revendiquées par Titide (J-B Aristide), tout au moins sur le fond.

Quelles sont actuellementles réponses de l"Etat français ?

Au sens juridique, réparation fait référence aux compensations pou- vant être attribuées à une personne ou à un groupe de personnes ayant subi des préjudices moraux, phy- s iques, politiques ou économiques.

La réparation, nous dit Georges Tin :«C"est le fondement de toute justice. Quand un tort est commis, il doit être réparé. Dans toute l"histoire de l"humanité, il n"y a aucune société qui ait ignoré ce principe universel. Si l"on reconnait que la traite négrière fut un crime, alors il est logique d"ac- cepter la réparation. Si l"on refuse la réparation, c"est qu"on remet en cause le caractère criminel du fait». La France doit restituer l"argent injustement perçu de la République de Haïti en reconnaissance de son indépendance mais aussi réparer le lourd préjudice qu"a subit ce valeu- reux peuple haïtien.

La réponse de l"État français ? A l"oc- casion de la commémoration en France de la mémoire de la traite, de l"esclavage et de leurs abolitions, adoptée le 10 mai 2001 dans la loi Taubira, on se demande plus que jamais si la France doit restituer à Haïti l"argent extorqué pour la dette de l"indépendance ?

Avez-vous des contacts avec d"au- tres organisations ou avec l"Etat haïtien ? Y’a-t-il un front commun ?

Nous travaillons en étroite collabo- ration avec le MIR Martinique que préside Garcin Malsa. Nous avons eu l"occasion de liyanné avec eux sur de nombreux dossiers, notam- ment, à un «konvwa ba réparasyon»qui nous a emmenés à Gorée, au Sénégal et au Bénin, pour une reconnexion avec l"Afrique. Par ail- leurs, nous avons réuni nos forces, à plusieurs reprises, dans un liyannaj kolé-séré pour porter plainte, gawoulé minm, contre l"État fran- çais pour les réparations. Ayant été déboutés à chaque fois, nous avons porté l"affaire en Cour de cassation puis à la Cour européenne des droits de l"homme. Notre plainte a été retenue. C"est une mini victoire. Mais nous attendons la suite.

Sinon, depuis peu, nous tra- vaillons avec le MIR Guadeloupe sur ce sujet des réparations. À part cela, nous n"avons pas de contact de travail sur les répara- tions avec d"autres organisations.

Concernant l"Etat Haïtien, nous n"avons aucun contact. J"envisage aussi de chercher des informations pour connaître le d evenu de cette revendication menée par Titid : rembourse- ment et réparation pour Haïti.

Le projet de la loi Taubira compor- tait un article sur les réparations qui n"a pas été retenu. Qu"en est-il aujourd"hui sur le plan parlementaire ?

Les parlementaires des colonies sont des élus de la république fran- çaise. Ils sont englués dans le sys- tème. Ils sont là pour et au service du gouvernement. Donc pas ques- tion pour eux de parler de ce qui fâcherait ce dernier. À ma connais- sance, aucun parlementaire des colonies n"a évoqué, un jour, une fois, les réparations ni à l"Assemblée nationale, ni au Sénat.

Quant au projet de la loi Taubira, concernant les réparations, à mon humble avis, C.Taubira n"en a pas fait une des priorités. Par consé- quent, elle ne l"avait pas préparé, budgété, dékatmanté. Je pense qu"elle s"en est servit pour renforcer et faire adopter sa loi sur la recon- naissance de l"esclavage comme crime contre l"humanité. Mais le revers de la médaille, est que cette loi n"a qu"une portée mémorielle. Mais comme partout, aujourd"hui, notamment, dans les colonies et la diaspora afro-descendante, les gawoulés pour les réparations se font bien et fortement entendre, je pense que bôd lanmè pa lwen, que nous aurons gain de cause.

Henri Dorol dit Harem Diannkey Membre du CIPN (Comité International des Peuples Noirs), du FKNG (Fos pou Kontwi Nasyon Gwadlup) et président du CNGR (Comité National Guadeloupéen des Réparations)