Beyrouth : La victime d’un système

La catastrophe qui a endeuillé Beyrouth le 4 août appelle de notre part, tout d’abord, un sen- timent de solidarité envers ses habitants et, au-delà, envers les Libanais et particulièrement ceux qui sont nos compatriotes en Guadeloupe. Mais, derrière l’émotion et la colère, il y a la nécessité de comprendre com- ment on en est arrivé là, dans un pays qui a connu depuis plus de quarante ans une lente des- cente aux enfers.

UN SYSTÈME POLITIQUE FRAGILE

La guerre civile qui a déchiré le Liban entre 1975 et 1990, avait de nombreuses causes, politiques, économiques, géopolitiques (la présence en particulier de milliers de réfugiés palestiniens). Elles mirent le feu aux poudres dans un système de partage du pouvoir qui n’avait pas changé depuis la créa- tion de l’Etat en 1943, et qui était déjà hautement problématique. Car, le Liban comporte un système de partis communautaires, qui reproduisent dans le monde poli- tique la division des communautés religieuses. Les trois principales, les communautés chrétiennes maro- nites, musulmane sunnite et musul- mane chiite, se partagent ainsi la présidence de la République (à un chrétien), le poste de premier ministre (à un sunnite) et la prési- dence du parlement (à un chiite). Il en découle donc un système politique fragile.

Un pays gangréné par les inégalités La division en classes sociales n’en est pas moins un facteur essentiel des tensions qui traversent la société. Car, la société très inégali- taire voit 10% de la population pos- séder plus de 50% de la richesse nationale. Et de fait, ces inégalités qui gangrènent le pays, ont fait exploser la rue en novembre 2019 permettant aux manifestants d’ob- tenir la démission du Gouverne- ment. La présence des femmes dans ces manifestations historiques et leur caractère non confessionnel ont, par ailleurs, frappé tous les observateurs.

REPENSER LE LIBANSUR D’AUTRES BASES ?

La remise à plat de tout le sys- tème politique, clanique et totale- ment corrompu est l’urgence de tout un pays qui voit dans l’explo- sion du 4 août le symbole d’une défaite collective. Car, le Liban est aujourd’hui plus que jamais un pays qui est à inventer, à repenser sur d’autres bases, avec une véritable laïcité et une éthique de la fonc- tion publique qui a cruellement fait défaut jusqu’ici.

Le tragique destin du Liban est aussi une leçon pour les apprentis sor- ciers du libéralisme qui ont joué avec les finances nationales comme on joue au Monopoly. Ainsi, la poli- tique monétaire et bancaire du gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a-t-elle conduit le pays au bord du gouffre. Les banques libanaises se sont bien enrichies avec des rendements à deux chif- fres mais le déficit public est un des plus élevés du monde (avec la Grèce et le Japon). Dans ces conditions, la corruption et le gas- pillage ont étalé la vénalité d’un système dont on retrouve tous les ingrédients dans la scandaleuse incurie qui a conduit à laisser, sans précaution, des milliers de tonnes de produits très dangereux en plein port de Beyrouth.

NOTRE SOUTIEN POURUN LIBAN DES LUMIÈRES

A Beyrouth, comme dans d’autres régions du monde, on a soif de liberté et de bonne gestion, de fin de l’impunité et de justice sociale. C’est dire si le combat des Libanais, et d’abord des Libanais, hors de toute ingérence étran- gère (les limites de cet article ne permettent pas de passer en revue le nombre d’ingérences dont est victime le Liban, mais c’est une donnée capitale), est un combat qui nous concerne forte- ment. Nous ne pouvons qu’appor- ter notre soutien sans faille au peu- ple libanais dans son combat pour un Liban libre et démocratique, un Liban des Lumières.