Kamala Harris, noire américaine Candidate à la vice-présidence

Il n’y a pas, selon nous, d’homme ou de femme providentiel. Ce sont les peuples qui font l’his- toire à travers leur prise de conscience et leurs actions col- lectives. Le choix de Kamala Harris comme colistière démo- crate à l’élection présidentielle américaine est cependant un évènement à retenir.

UN CHOIX DE STRATÉGIEÉLECTORALE POUR MIEUX RATISSER LARGE

L’analyse que l’on peut faire de cette nomination met en évidence plusieurs aspects. Le premier est directement lié à la stratégie électo- rale de Joe Biden et de son équipe. Dans le climat politique actuel aux USA, après les grandes manifesta- tions qui ont suivi la mort de Georges Floyd, la présence de Kamala Harris sur le «ticket» démo- crate est le signe que le mouve- ment de fond de la société, contre les violences policières et la poli- tique de racisme systémique, a été entendu. Joe Biden a certainement en mémoire ce débat entre candi- dats des primaires dans lequel il a été remis à sa place pour ne pas avoir eu une politique anti-ségréga- tion dans les années 1970, par une certaine… Kamala Harris. D’autre part, sur le simple plan de la logique de campagne, Joe Biden, le cen- triste, a sans doute préféré la sécu- rité d’une candidate modérée, à une alliance avec l’aile gauche du Parti, pour mieux ratisser large.

LA PLACE DES FEMMES AU PLUSHAUT NIVEAU

Mais au-delà de simples considéra- tions de politique politicienne, on peut souligner que le choix de Kamala Harris traduit une tendance très générale, qui paraît irréversible, celle de la place des femmes dans la politique, au plus haut niveau. On rappellera que, parmi les possibles vice-présidentes, dont les noms cir- culaient avant la décision finale, on retrouvait ceux d’Elisabeth Warren (sénatrice), de Susan Rice (ancienne ambassadrice à l’ONU), de Val Demings (membre du Congrès), de Keisha Lance Bottoms (maire d’Atlanta) et bien sûr de Kamala Harris (sénatrice). La présence de quatre noires avait été relevée.

L’AILE PROGRESSISTE DU PARTIDÉMOCRATE SE CONSOLIDE

Autre élément remarquable à ver- ser à l’analyse de la situation, l’élec- tion, le même jour que l’annonce du choix de Kamala Harris, de la repré- sentante Ilhan Omar, aux primaires démocrates du Minnesota. Celle-ci renouvelle son mandat de candi- date démocrate, en augmentant son avance sur sa concurrente. C’était également le cas de Rachida Tlaib, en juillet qui l’avait emporté sur son concurrent, avec 36% d’avance, et en juin, Alexandria Ocasio Cortez, la jeune et pugnace chef de file des progressistes, avait battu son concurrent, avec 72% des voix. Ces trois représentantes qui, avec Ayana Presley, composent celles que les médias américains appellent «the Squad» (l’escouade) ont donc montré que l’aile progres- siste (anticapitaliste) du parti démocrate se maintient et se consolide. Cette nouvelle donne a de quoi influer sensiblement sur la politique de ce Parti et on l’a déjà vu dans les négociations en vue du programme démocrate.

LE «SQUAD», LA FACE ÉMERGÉEDE TOUTE UNE GÉNÉRATION D’ACTIVISTES

De fait, toutes ces données sont à replacer dans un mouvement plus général que soulignait, il y a peu, Angela Davis : la participation émi- nente et relativement sous-estimée des femmes aux combats pour la justice et l’égalité. Dans une inter- view croisée avec Assa Traoré, Angela Davis indiquait la part des femmes noires dans les luttes des droits civiques des années 1950. Il y a eu, en fait, des centaines de Rosa Parks anonymes. Le «Squad», actuellement, n’est que la face émergée de toute une génération d’activistes qui, avec un travail de fourmis, font progresser, au niveau du simple citoyen, la conscience col- lective d’un autre avenir pour les plus humbles, aux USA. Parfois un nom émerge, comme celui de Tamika Mallory, l’organisatrice de la marche de femmes sur Washington en 2017, ou d’Emma Gonzalez qui, adolescente, a pris la parole après une tuerie dans un lycée américain. Mais, la plupart du temps, ces mili- tantes restent dans l’ombre.

UNE ÉTAPE SYMBOLIQUE DEL’HISTOIRE EN MARCHE AUX USA

La nomination de Kamala Harris comme candidate à la vice-prési- dence est bien le symbole de toute une évolution sur le long terme. La campagne électorale qui s’annonce aux USA sera dure et on peut s’at- tendre à un déferlement de propa- gande ignoble de la part de la droite trumpiste. Une femme politique aguerrie comme l’est la colistière de Joe Biden le sait d’avance et elle y est certainement préparée. D’autre part, les insultes de l’extrême droite n’y pourront rien : un symbole, une fois mis en place, ne peut pas être effacé. La présence de Kamala Harris à ce niveau de responsabilité est, de ce point de vue, déjà de l’Histoire en marche. Ce qui nous conforte pour réaffirmer que la Guadeloupe s’honorerait, dans ce contexte, à retenir le nom de Gerty Archimède pour son aéroport.