La convention citoyenne sur le climat : Un rapport digne d’intérêt

Conçue au départ pour répon- dre au mouvement des gilets jaunes, et donc vue avec méfiance par une partie de l’opi- nion, la Convention citoyenne sur le climat a rendu son rapport le 23 juin 2020. Contre toute attente, l’expérience et ses conclusions se révèlent intéres- santes à plus d’un titre.

UNE INITIATIVE DE DÉMOCRATIEPARTICIPATIVE ET DE JUSTICE SOCIALE

Mise en place par le Conseil écono- mique, social et environnemental (CESE), la Convention citoyenne est composée de 150 citoyens, choisis par tirage au sort parmi 300 000. L’organisme de sondage Louis Harris a été responsable de la com- position de l’échantillon pour en faire une image de la population française, sur le plan de la sociologie (les opinions politiques ne sont pas intervenues). On compte, par exemple, dans cette assemblée, 51% de femmes, toutes les catégo- ries socioprofessionnelles sont représentées et l’Outre-Mer n’est pas oubliée avec 5 ultra-marins. Cette convention commence ses travaux en octobre 2019, avec un objectif bien défini : proposer des solutions pour envisager les mesures structurantes permettant de parvenir à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2030 (par rapport à 1990), dans un esprit de justice sociale.

UN GADGET POUR LE POUVOIR ?

Une remarque s’impose. Cette Convention citoyenne, expérience pionnière de démocratie participa- tive, est chapeautée par un comité de gouvernance, et conseillé par des experts de toutes spécialités (140 au total). Comme on pouvait s’y attendre, la pensée libérale est dominante dans cet ensemble de conseillers. Le comité de gouver- nance est co-présidé par Laurence Tubiana, une des négociatrices de l’accord de Paris sur le climat, et Thierry Pech Président du club de réflexion Terra Nova, dont l’orienta- tion est clairement social-démo- crate de tendance libérale.

La Convention est censée répondre au mouvement social des gilets jaunes, dont le point de départ était la mobilisation contre une taxe éco- logique sur le carburant. On pouvait donc tout craindre d’une diversion qui aurait servi les intérêts du pou- voir en détournant la colère sociale vers une sorte de collaboration de classe, un quelconque gadget pour le pouvoir, au nom de l’écologie. Il n’en a rien été et les propositions ont de quoi servir de base pour de futurs combats.

MALGRÉ TOUT, UN BILAN RICHE ET PRÉCIS

Les travaux ont été organisés en cinq thèmes : - Consommer - Produire et travailler - Se déplacer - Se loger - Se nourrir

A l’arrivée, 140 propositions qu’il serait impossible de résumer ici, tant leur matière est riche et variée. Elles concernent tous les aspects du vivre ensemble. Enfin presque, car il est à peine croyable, par exemple, qu’un élément fondamental, l’eau, ait été oublié, alors que l’on sait à quel point il sera un enjeu vital dans les années futures. On peut toutefois donner quelques exemples de propositions pour juger de la manière dont la Convention citoyenne a, en défini- tive, mis le doigt sur les causes pro- fondes de la situation actuelle :

- Imposer une part croissante du vrac dans tous les magasins (pour lutter contre l’envahissement des emballages).

- Renforcer la loi sur l’obsolescence programmée et rendre obligatoire l a possibilité de réparer (démontage possible, pièces détachées disponi- bles etc…).

- Diminuer la TVA sur les billets de train, renforcer l’utilisation du train, supprimer les lignes aériennes lorsqu’une solution fer- r oviaire existe pour les trajets de moins de 4 h.

- Lutter contre l’«artificialisa- tion» des sols (en diminuant l’étalement urbain).

- Imposer la participation à l’effort de financement écologique à hau- teur de 4% pour les entreprises qui distribuent plus de 10 millions d’euros de dividendes.

- Renégocier le CETA et mettre fin aux tribunaux d’arbitrage privés (qui jugent les États lors de conflits avec des grands trusts internationaux).

UNE LEÇON À EXPLOITER EN GUADELOUPE AU NIVEAU COMMUNAL

On pourrait continuer cette liste dont le détail peut être consulté sur internet et qui bénéficient de plus d’un suivi pour informer sur le devenir de ces proposi- tions. La pandémie a toutefois lar- gement occulté l’impact de cette Convention citoyenne qui, mal- gré ses limites, s’est avérée une base de départ pour engager un dialogue et une réflexion collec- tive salutaire.

L’actualité politique électorale a d’ailleurs conforté largement ce mouvement d’ensemble en confiant la gestion des grandes villes françaises, comme Lyon, Marseille ou Bordeaux, à des élus écologistes, seuls ou associés à d’autres partis de gauche. La Guadeloupe n’y échappe pas avec l’élection de l’équipe municipale de Pointe-à-Pitre. Les recomman- dations de la Convention citoyenne devraient, dans ces conditions, être appliquées un peu partout, dans la limite des pouvoirs municipaux par un cer- tain nombre de responsables locaux qui s’y sont engagés. L’écologie, lorsqu’elle se conjugue à la justice sociale, est, de ce point de vue, un des leviers de transfor- mation de la société, dans l’intérêt de la planète. C’est une leçon que nous pouvons appliquer en Guadeloupe et cela au niveau le plus local de la gestion des affaires communes.