Ce qui paraît éternel peut être transformé

L e Parti en a appelé à la lutte populaire contre le pacte d'agression et à travailler au développement d'un «vaste mouvement populaire qui fasse converger toutes les couches anti-monopolistes, tous les démocrates et les patriotes» vers cet objectif. C'est cette perspective que le PCP propose aux tra - vailleurs et au peuple ?

Une première réflexion : il est nat urel qu'il y ait certaines personnes qui, en partant de la réalité et des complexités de la situation actuelle, aient tendance à sous-estimer les potentialités et à sur-estimer les difficultés, en restant bloqués dans l'idée qu'il n'y a pas d'alternative ou en étant tentés par la fuite en avant.

Nous considérons que ce sera la lutte des travailleurs, en convergence avec les masses populaires et avec d'autres couches anti-monopolistes, qui créeront les conditions de la rupture avec ces politiques de droite et que de cette rupture sortira une politique alternative, patriotique et de gauche et une alternative poli- tique capable de la matérialiser.

Notre proposition ne porte pas de date d'application, elle n'est pas non plus un cadre plaqué sur la réalité, dans la mesure où nous nous trouvons devant un processus socio-politique vivant, dans lequel la conscience, la créativité et la combativité des masses sera toujours le facteur décisif et déterminant. Pour un communiste, le plus important actuellement est de lutter pour triompher du violent pacte d'agression, en ayant toujours en tête qu'une telle lutte est inséparable de l'exi - gence d'une politique patrio - tique et de gauche et de la réali- sation du programme du PCP d'une démocratie avancée et de notre projet de construction du socialisme au Portugal.

Quand on lance un appel aux «démocrates» et aux «patrio- tes», cela signifie un appel à l'unité avec le PS ?

Concernant les forces qui peu- vent la composer et créer les conditions de cette alternative politique, nous défendons le développement des luttes sociales, la convergence de vastes couches sociales, avec les travailleurs comme moteur de cette lutte.

QUANT AUX FORCES POLITIQUES, QUE POUVONS-NOUS DIRE ?

Qu'aujourd'hui le PS est profon- dément compromis avec les politique s de droite et le pacte d'agression. Mais cela suppo - se-t-il que de nombreux démocrates et patriotes, élec- teurs du PS, doivent être laissés à l'écart de ces luttes, si on prend en compte qu'il subissent dans leur chair cette offensive ? Nous considérons que non. Mais pour ce qui est de la direction du PS, elle est compromise, par choix, dans ce pacte d'agression, comme elle était compromise dans le budget d'État d'où émanent ces mesures, elle ne va pas dans le sens de cette rupture et de changement, de cette poli- tique patriotique et de gauche que nous proposons.

Concentrons-nous désormais sur la «politique patriotique et de gauche» que défend lePCP . Quel est son contenu ?

Le premier contenu, comme je l'ai déjà dit -et j'insiste- c'est que sans rupture, il n'y a pas de changement politique telle que nous le portons. La première question est, donc, notre lutte pour la rupture avec le cap du désastre.

Quant aux objectifs de cette politique patriotique et de gau- che, il est fondamental avant tout que notre pays retrouve le chemin de la croissance et du développement, par la mise en avant de notre appareil productif et de notre production natio - nale, par la mise en valeur de nos richesses nationales à tous les niveaux. En fait, contrairement à ce que beaucoup af fir - ment, le Portugal n'est pas un pays pauvre. Il a de grandes potentialités et des ressources immenses qui peuvent être orientées vers la satisfaction des besoins du peuple et du pays.

Et il faut ensuite une politique qui mise sur l'augmentation des salaires, des retraites et la défense des droits des travailleurs, qui intègre les services publics dans le bien-être des populaires, qui aille dans le sens d'une reprise en main par l'État des entreprises de base et stra- tégiques, qui affirme clairement un Portugal indépendant et souverain, désireux de coopérer avec tous les peuples et les pays du monde.

V oilà ce qui sous-tend notre proposition de politique patriotique et de gauche.

Comment cette proposition s'insère-t-elle dans les objectifs plus généraux du Parti, d'une démocratie avancée et du socialisme ?

Les communistes portugais ont toujours lié leurs objectifs immédiats à leurs objectifs programmatiques et, en défi- nissant avec rigueur à chaque moment historique l'étape de la révolution, sans jamais séparer de façon schématique et dogmatique les objectifs de chacune des étapes avec ceux des suivantes. Dans nos sta - tuts, je cite que «la lutte pour la défense des acquis de la Révolution d'Avril, pour la mise en œuvre de ses valeurs et pour la démocratie avancée, est partie intégrante de la lutte pour le socialisme».

Autrement dit, la lutte que nous menons aujourd'hui contre le pacte d'agression, pour une politique patriotique et de gauche, pour un Portugal qui a un avenir, s'insère dans un processus et dans les étapes à parcourir pour atteindre notre objectif com- mun de construction du socialisme au Portugal.

Est-il possible, en régime capitalis - te, d'avoir un gouvernement qui ne soit pas le serviteur , en fait, des intérêts du capitalisme ?

Nous ne devons pas laisser entendre qu'un processus de transformation, un processus révolutionnaire ne peut être un succès que dans le cadre de la construction du socialisme. Sans perdre de vue cet objectif, la question des étapes est posée. Nous n'érigeons aucune «Muraille de Chine» par rapport à la révolution socialiste, mais nous considérons que le plus dif ficile est de construire et de suivre cette voie, et le plus facile c'est de décider que le livre que l'on écrit ensemble trouvera dans le socialisme son dernier paragraphe.

Pour y parvenir, nous devons avoir cette perspective de construction du socialisme, très complexe et très difficile.

On a déjà eu l'expérience de gouvernements dits de gau - che, certains auxquels ont par - ticipé des partis communistes, avec des résultats désastreux... Oui, car évidemment ces gou- vernements, trahissant leurs promesses et leurs principes, ont totalement capitulé face au capitalisme. Le comporte - ment des partis socialistes et social-démocrates, particulièrement en Europe, où tous ont capitulé, suppose de dresser un bilan historique et politique. Ils ont entraîné dans ce mouvement certains partis communistes qui n'ont pas réussi à se libérer de cette voie de la conciliation et de la collaboration avec les objectifs du capitalisme.

RENFORCER LE PARTI COMMUNISTE, UNE NÉCESSITÉ DE NOTRE TEMPS

Le renforcement de l'organisa - tion et de l'action militante du Parti est toujours mis en avant, en parallèle à l'intensification de la lutte de masses, comme condition nécessaire à la pro- motion des profondes transformations qui s'imposent. Pourquoi est-il si important, dans la période actuelle, d'a - voir un Parti communiste fort, combatif et influent ?

Nous pourrions dire que tout au long de cette histoire de 90 années de notre Parti, il fut toujours indispensable aux travailleurs et au peuple portugais. Mais aujourd'hui, si on tient compte de l'offensive, du positionnement et de la nature des partis de droite et de l'implication du PS dans cetteof fensive, les travailleurs et le peuple portugais ont besoin plus que jamais d'un parti communiste, de ce Parti, plus fort et influent.

Nous pouvons dire que, tout au long de plus de 30 années d'offensive de droite, les travailleurs savent bien tout ce qu'ils ont perdu. Mais, fort heureusement, ils ne sauront jamais ce qu'il n'ont pas perdu grâce aux luttes de ce Parti.

Le PCP étant une force irrem- plaçable dans le combat et en tant que force de proposition, nous estimons que ce renforce- ment est une chose très importante. Pas tellement dans l'idée d'avoir un député ou une mairie de plus, mais plutôt d'avoir un Parti à la hauteur des défis qui se posent à lui.

Source : entretien réalisé par Anabela Fino et Gustavo Carneiro pour Avante, quotidien du PC Portugais