Dans les établissements hospitaliers de Guadeloupe, branle-bas de combat ou affolement général ?

A la lumière des situations décrites dans les différents éta- blissements hospitaliers de Guadeloupe, par tous ceux qui sont en charge de la situation sanitaire de la Guadeloupe, directrice de l’ARS, directeurs du Centre hospitalier universitaire, présidente du Conseil de surveil- lance et du Conseil départemen- tal, directeur du Centre hospita- lier de Basse-Terre, personnels hospitaliers, syndicats, associées aux déclarations du Gouvernement français, on peut légitiment se poser la question aujourd’hui : S’agit-il d’un branle-bas de combat ou d’un affolement général ?

E ntre confinement, déconfine- ment, mesures transitoires, éventuel renforcement de consignes sanitaires, reconfine- ment hypothétique, le Guadelou- péen, comme le Français, ne se retrouve plus.

Pourtant, à la date du 11 mai 2020, lors du déconfinement, la Guade- loupe apparaissait comme «la Terre promise», pour permettre une éva- sion exotique en masse et «au vert», après deux mois durant les- quels la consigne, sans appel, «rété a kaz-aw !», avait été observée, même si l’obligation d’un couvre- feu avait été décrétée à un certain moment pour renforcer cette injonction.

La Guadeloupe était en effet clas- sée comme région où les risques de contamination étaient pratique- ment négligeables et en phase avec ses paysages encore verdoyants, malgré un dur carême incitant aussi à des «vakans o péyi» pour les Gua- deloupéens eux-mêmes.

Que s’est-il passé en quelques semaines ? A-t-on été trop opti- miste ? A-t-on trop négligé les risques qui n’étaient pas encore anéantis ? Pourtant, on ne pouvait ignorer que ce coronavirus, agent du Covid-19, qui n’a pas cessé de jouer plus d’un tour aux scienti- fiques les plus émérites de la pla- nète, n’avait pas dit son dernier mot. Il conservait bel et bien «la main» sur tous ces «guerriers» lan- cés à ses trousses par le Président Emmanuel Macron ou d’autres scientifiques rivalisant dans le monde pour le terrasser.

En tout cas, la réalité est ce qu’elle est aujourd’hui. Le plan «Blanc» a été remis en place par le directeur du Centre hospitalier et universi- taire de Guadeloupe, monsieur Gérard Cotellon depuis le dimanche 23 août 2020. Dans son courrier adressé aux différentes autorités de tutelle, le préfet Alexandre Rochat- te et la directrice générale de l"Agence régionale de santé (ARS), Valérie Denux, il écrit notamment :«Nous craignons, à terme la satura- tion de notre système». «La prise en charge des patients «Covid» se fait désormais au détriment de celle des patients non Covid». Il appelle «à davantage de solidarité des établisse- ments partenaires».

Dans sa réponse sur RCI, la direc- trice générale de l’Agence régionale de santé, en confirmant cette préoccupation, a déclaré : «Nous n"avons jamais cessé d"avoir des ren- forts [...] mais malheureusement, Santé Publique France n"a pas tou- jours les profils nécessaires». Pour l’ARS, très inquiète elle-aussi de la situation, elle reconnait qu’un éven- tuel reconfinement est toujours possible mais, ce serait une catas- trophe pour le pays Guadeloupe.

La présidente du Conseil départe- mental, Josette Borel-Lincertin, pré-s idente du Conseil de surveillance du CHU, ne pouvait que s’en remettre au gouvernement, en l’interpellant, le mercredi 26 août 2020, «pour que les moyens d emandés par le CHU soient rapi- dement déployés en Guadeloupe», et en déclarant, «partager pleine- m ent les préoccupations exprimées par le directeur du CHU».

En attentant, les consignes sani- taires se durcissent dans les lieux publics, voire dans les lieux privés. Elles sont drastiques dans les hôpi- taux et les établissements d’accueil des personnes âgées, toutes caté- gories confondues.

Dans ce contexte de branle-bas de combat ou d’affolement géné- ral qui jette inéluctablement le désarroi dans la population, sur- tout chez le citoyen dont l’état de santé nécessiterait une hospitali- sation ou des soins momentanés dans un établissement hospitalier quel qu’il soit, la situation sanitaire ne peut que s’empirer par l’appa- rition de nouveaux malades et de pathologies non soignées à temps, par le refus, la peur,de franchir les portes d’un hôpital.

D’ailleurs, le préavis de grève du syndicat UTS-UGTG, déposé pour l e 16 septembre 2020, ne peut que légitimer cette réticence de la popu- lation à aller au-devant des soins dont elle pourrait bénéficier. L’UTS- UGTG exige en effet «notamment, l a suppression, au CHU, dans le ser- vice de chirurgie digestive, des 10 lits de médecine installés pour Covid, sans protocole de prise en charge par- ticulière, ni moyens dédiés en effectifs et matériels».

Malgré une certaine synergie qui semblerait s’être installée entre le CHU et le CHBT pour faire face à cette éventuelle «catastrophe», l’appel du directeur du CHU de Guadeloupe Gérard Cotellon à une«plus grande solidarité entre les éta- blissements hospitaliers»en dit long.

Serait-il sur le point de réaliser, depuis sa nomination à ce poste à compter du samedi 1 er septembre 2018, que vouloir n’est pas forcé- ment pouvoir, comme l’affirme sou- vent le contraire ? Car, il faut recon- naître et admettre que cette haute personnalité qui a fait ses preuves sous d’autres cieux et dont le curri- culum vitae est impressionnante et p lus qu’honorable, n’avait pas choisi cette destination Guadeloupe sans nourrir l’ambition bien légitime de régler ou tout au moins soulager les maux dont souffre le CHU de la G uadeloupe depuis de nombreuses années et que l’incendie de novem- bre 2017 n’a fait qu’empirer. A 59 a ns, il mérite néanmoins des encou- ragements à continuer à la barre de ce bateau pratiquement en situation de naufrage, avec la collaboration de tous les membres de l’équipage qui se maintiennent leurs postes avec courage, vaille que vaille.

Dans un de nos précédents numé- ros, nous avons écrit à l’adresse de nos compatriotes : «Sauvons-nous nous-mêmes». Nous renouvelons cet appel qui n’est que celui de la responsabilisation, de la raison, et de l’intelligence pour prévenir toute contamination car, la vie n’a pas de prix. S’il en était ainsi, que d’Onassis et autres milliardaires de la planète achèteraient la leur, même au détri- ment des plus faibles. Dans ce contexte où le doute et l’incertitude occupent la plus grande place, soyons vigilants pour les gestes bar- rières, mesures de protection pour soi et pour les autres.