La pomme cannelle et le cachiman deux fruits à réhabiliter

C’est de plus en plus «prêcher» lors d’échanges sur nos pra- tiques culinaires. Il faut consom- mer local pour permettre le développement de l’économie et parvenir, tout au moins, à la plus grande autonomie alimentaire possible car, aucun pays ne peut accéder à une indépendance ali- mentaire, faute d’avoir toutes les ressources nécessaires pour ses besoins alimentaires qu’il créés évidemment, au fil de l’existence de l’humanité.

P our satisfaire cette noble ambition, il convient, non seu- lement d’oeuvrer pour la pré- servation de l’existant mais aussi, pour réhabiliter, faire découvrir ou redécouvrir certaines productions de notre terre Guadeloupe qui ont fait le bonheur de générations, jusqu’au jour où des productions venant d’ailleurs, très loin de nos rives souvent, ont commencé à concurrencer sérieusement les nôtres. Une concurrence souvent favorisée par nous-mêmes, en déclarant par exemple, avec dédain et une fierté d’assimilé Français ou Européen : «An pa ka manjé fouya- pen, sé manjé a kochon… An pa ka manjé pòyò, sa pa bon… An pa ka manjé pwason chat ni sirijien, sé biten a maléré etc.», ou plus géné- ralement «Yo ban manjé twòp biten-lasa lè en té piti etc.».

L’heure a sonné, depuis tantôt, pour nous faire prendre conscience de ces inepties, comme l’époque «An tan Sorin» avait contraint nos parents et grands-parents à réaliser la valeur salutaire de ce qu’ils pou- vaient tirer de la mer et de la terre. «Bay koko pou savon» avait favo- risé la survie, dans une situation de grande pénurie causée par la guerre de 1939-1945.

A l’époque contemporaine, les 44 jours de grève de 2009 et la pandé- mie de 2020 nous démontrent bien que : «Sa ki taw sé taw». En 2009, des religieux ont affirmé avoir eu recours à leur «livre des 44 prières» pour sortir de l’impasse des 44 jours de grève. Aujourd’hui, des scienti- fiques sains de corps et d’esprit ont avouéne pas savoir à «quel Saint se vouer» pour combattre cette pandémie. Le risque d’attendre encore longtemps pour que les différents modes de transport soient rétablis normalement pour nous renvoyer à nos vieilles habi- tudes des jardins sur les bateaux et cargos aériens est bien réel.

Alors, nous devons donc conti- nuer courageusement à privilé- gier tout ce qui peut être produit localement, en l’occurrence sur le plan alimentaire. C’est en ce sens que nous présentons ces deux fruits délicieux exotiques qui dis- paraissent de nos jardins donc sur nos marchés : la pomme cannelle et le cachiman. Deux fruits qui se res- semblent comme deux «faux jumeaux» et qui appartiennent à la même famille, tout comme le corossol : les Annonacées.

Recouverts tous deux de protubé- rances comme des écailles, ils contiennent de nombreux pépins qu’enveloppe la chair, blanche pour la pomme cannelle, de blanchâtre à rougeâtre pour le cachiman. Sucrés tous les deux avec cette saveur un peu moins accentuée pour le cachi- man, la chair onctueuse est un peu plus compacte chez le cachiman. La plus grande finesse de cette chair, chez la pomme cannelle, emporte sa préférence chez les consomma- teurs mais tous deux devraient avoir leur place dans nos desserts et dans la mise en pratique de l’appel du Programme national nutrition santé (PNNS), à «consommer quotidien- nement cinq fruits et légumes». Ils sont surtout consommés nature.

LEURS VERTUS CULINAIRESET THÉRAPEUTIQUES SONT CERTAINES

La pomme cannelle, dont le nom scientifique est Annona squamosa, est portée par un arbuste, la pomme-cannelier, qui peut attein- dre 5 à 6 mètres de hauteur. Cet arbuste qui se reproduit par les graines du fruit est adapté à la sécheresse et pousse facilement. Le fruit est riche en sucre, en vitamines B et C, en phosphore et en fibres.

Les feuilles rentrent dans la prépara- tion d’infusion, pour favoriser la digestion et lutter contre les flatu- lences et autres dysfonctionne- ments gastriques. Elles ont servi aussi traditionnellement à soulager les problèmes de peau, les brûlures et coups de soleil, les érythèmes, les furoncles, les boutons etc. Les g raines, les racines et l’écorce contiennent divers principes actifs comme le camphre, le sitostérol, r iche en acides gras. Des précau- tions d’utilisation sont à observer car, ces différentes parties contiennent aussi des substances toxiques. Les graines, non comesti- b les, ont ainsi des propriétés insec- ticides et servent à produire de l’huile. Concassées et macérées dans de l’eau, elles donnent un insecticide efficace et bio.

Le cachiman ou coeur de boeuf ou k achiman-kochon, dont le nom scientifique est Annona reticulata, est produit par un petit arbre au p ort identique à celui de la pomme- cannelier. Ce fruit avait la valeur de l’or pour les Caraïbes.

En effet, les feuilles de l"arbre peu- v ent être utilisées comme expec- torant ou contre les diarrhées, Les grosses racines spongieuses étaient utilisées par les pêcheurs comme flotteurs pour leurs filets et leurs nasses de bambou. Les graines du fruit ont sensiblement l es mêmes propriétés que celles de la pomme-cannelle. La même prudence envers la toxicité des p arties autres que la chair du fruit est recommandée.

Nous invitons donc tous nos com- patriotes à cette semence dans t ous les espaces qui s’y prêtent, à la campagne comme à la ville car, ce sont deux petits arbres fruitiers qui ne demandent pas de l’entre- tien, à part un élagage quand c’est nécessaire pour les revivifier.