Le congé de paternité : Quel impact sur la vie familiale ?

Le «congé de paternité et d"ac- cueil de l"enfant» dit congé de paternité, est un acquis dans le code du travail, sous le gouver- nement de Lionel Jospin, mis en place par Ségolène Royal, minis- tre déléguée à la famille. Entré en application le 1er jan- vier 2002, il vise à permettre aux pères de participer beau- coup plus largement à l’éduca- tion de leurs enfants, une contri- bution dans l’esprit de l’égalité homme-femme.

En effet, depuis l’antiquité, le rôle du père de famille, autorité dite patriarcale, se résumait à travailler pour assu- rer les besoins de la famille, tandis que toutes les actions relatives à l’éducation, aux soins des enfants, voire soins du père, aux tâches ménagères, étaient de la compé- tence de la mère. Une situation qui, depuis quelques décennies, est apparue, bien légitimement, injuste, injustifiable et inégalitaire, dans la société. Un fait de plus en plus dénoncé par les mouve- ments de femmes, appuyés évi- demment par les hommes, à par- tir d’une certaine génération.

MAIS, IL FAUT DÉCULPABILISERL’HOMME ET LE GUADELOU- PÉEN EN L’OCCURENCE

Cependant, trop souvent, lors de ces mouvements de revendication, l’homme a été culpabilisé, par igno- rance ou méconnaissance de cer- taines réalités historiques. Il con- vient d’informer ou de rappeler, que, si dans notre pays Guadeloupe, ce fut et c’est peut-être encore vrai dans certaines familles, le cas que toutes les tâches ménagères revien- nent à la femme, cela a été bien le résultat de l’éducation et de l’ensei- gnement reçus et bien intégrés, depuis la colonisation, jusqu’à la fin des années 1960 environ.

En effet, il n’est pas superflu de rap- peler que, très tôt, par exemple, les disciplines intitulées : «leçons de choses», dès la classe de cours moyen 1 è re année ou «vie familiale»dans la classe de fin d’études pri- maires, à 14 ans, dans les écoles de garçons distinctes des écoles de filles, préparaient l’enfant à toutes les tâches réservées aux garçons et celles réservées aux filles. A titre d’exemple, on ne pouvait imaginer un garçon s’adonnant au repassage ou à la couture. Et, si c’était, ne serait- ce que par plaisir ou imitation, les interprétations tendancieuses du genre «sé an makonmè» (homo- sexuel n’était pas encore utilisé) ne tardaient pas. Ce garçon ou cet homme était victime de la risée de son entourage.

Inversement, s’occuper des ani- maux et, plus particulièrement, des boeufs et des chevaux, revenaient aux garçons. Cette distinction fille- garçon passait même par les cou- leurs des vêtements, par les acces- soires vestimentaires, par la coiffure, par les jouets offerts tant à l’école que dans la famille, par la tolérance pour les garçons de jouer à l’exté- rieur du toit familial à certaines heures. Cette énumération est loin d’être exhaustive. Les parents réper- cutaient la formation à la vie fami- liale reçue eux-mêmes de l’école et de leurs parents. Les générations actuelles au-dessus de 60 ans, sauf exception, peuvent encore témoi- gner de ces réalités. On peut regret- ter, qu’aujourd’hui, la féminisation et la masculinisation soient à outrance ce qui rend fort souvent difficile, par- fois impossible, selon l’âge, la distinc- tion des deux sexes.

LES SOCIÉTÉS ÉVOLUENTET LES YEUX SE DESSILLENT

Cependant, il faut savoir et admettre que, progressivement aussi, les pères, en général, ont pris cons- cience qu’ils pouvaient et qu’ils devaient s’impliquer davantage dans les tâches ménagères. Ils n’ont point attendu unequelconque mise en place de congé, ni de maternité, ni de paternité, pour jouer pleinement leur rôle au sein du foyer car, la société évolue et les yeux se dessillent. Ainsi, on peut affirmer que, les pères quin- quagénaires et plus jeu-nes qui, aujourd’hui, savent s’occuper natu- rellement de leur bébé, aussi bien que la maman, ont été effective- ment éduqués avec bonheur dans ce sens, tant par leurs parents que par l’institution scolaire qui a revu ses programmes, au fil du temps, et aussi conscientisés par les mouve- ments féministes. Ils doivent en être fiers car, les différentes tâches ménagères répétitives sont incon- testablement les plus «abrutis- santes», éprouvantes physiquement et mentalement dans un foyer. Qu’ils sachent que des générations de pères, encore en vie, apprécient par exemple leur habileté à langer leur bébé, par exemple !

LA DÉCISION GOUVERNEMEN-TALE AURA-T-ELLE L’IMPACT ET LES EFFETS ESCOMPTÉS ?

A lors oui, il faut saluer la décision gouvernementale de donner au père de plus grandes possibilités p our s’occuper de son enfant, avant et après la naissance. Ce congé de paternité passera donc d e 14 jours à 28 jours, dès le 1 er j uillet 2021, dont 7 jours seront à prendre, dès l"accouchement. Cette mesure relève du rapport du neuropsychia- tre Boris Cyrulnik sur les «1 000 pre- miers jours de l"enfant», remis le 8 septembre dernier à Adrien Taquet, secrétaire d"Etat en charge de la pro- tection de l"enfance et des familles, pour répondre à la principale urgence : «laisser le temps aux parents de s"occuper et d"aimer leurs enfants». Ce congé est de droit, vis- à-vis de l’employeur. La notion de famille ayant beaucoup évolué au cours de ces trois dernières décen- nies, il concerne toutes les situations de vie commune (mariage, Pacs, concubinage), sous réserve des documents justifiant la naissance et ce droit. Il peut être fractionné. Une de nos prochaines éditions présen- tera toutes les modalités.

Ne nous voilant pas la face, nous ne saurions terminer sans avancer quelques préoccupations, quant aux moeurs et habitudes, des Guadelou- péens, en l’occurrence. N’y aura-t-il pas un détournement de ce temps du bébé au profit d’autres activités de loisirs, quand nous connaissons l’engouement de certains pour la pratique ou la fréquentation de jeux et lieux divers, de sorties ou même de voyages, pour divers prétextes ? Lamère ne sera-t-elle pas sacrifiée à nouveau dans bien de cas ? Un contrôle, à l’instar d’un congé de maladie, avec horaires de sortie autorisés, deviendra-t-il finalement obligatoire à long terme ? L’amour pour le conjoint ou pour l’enfant ne se décrète pas. C’est un sentiment inné chez l’espèce animale et qui est entretenu durant toute une exis- tence chez l’homme doué de raison et d’intelligence.

Néanmoins, nous faisons confiance à tous ceux qui en bénéficieront pour avoir le souci de faire de ce congé un atout positif pour le ménage, dans l’esprit du législateur. Mais, nous le répétons : si on peut parler d’égalité homme-femme, cela ne peut être qu’en droits car, seul le signe mathé- matique de la différence peut relier ces deux entités, mais jamais le signe d’égalité, encore moins ceux de supériorité ou d’infériorité. L’hom- me et la femme sont différents incontestablement et… heureuse- ment ! Nous plaidons pour qu’on l’entende et l’admette.