ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES EN BOLIVIEVers un retour du Parti de Morales ?

Les Boliviens voteront le 18 octobre prochain pour élire leur Président, après plusieurs reports, dus à la situation sani- taire (7 900 morts à ce jour, pour une population de 11,35 millions d’habitants). Cette élec- tion est la conséquence de la crise politique de 2019 et du coup d’Etat qui obligea Evo Morales à quitter le pays.

T rois candidats principaux s’affronteront dans ces élec- tions. Un représentant du parti du Président, Luis Arce, ancien ministre des Finances de Morales, un représentant de la droite modé- rée, l’ancien président bolivien Carlos Mesa, et un représentant de l’extrême droite, Luis Fernando Camacho. La présence de ce der- nier, l’un des responsables du climat de violences qui a accompagné la dernière élection (le 21 octobre 2019) est la manifestation la plus nette d’une tendance ultra-conser- vatrice dans la politique bolivienne. En effet, cet homme politique est un ancien vice-président de l’Union des jeunes de Santa Cruz fondée dans les années 1950, sur le modèle de la phalange franquiste.

Un certain nombre d’observateurs pense que cette organisation est responsable d’une tentative d’as- sassinat d’Evo Morales en 2008. De fait, Luis Fernando Camacho repré- sente certaines couches de la popu- lation d’origine européenne qui ont toujours considéré l’accession des Indiens aux hautes fonctions d’Etat comme une anomalie. Evo Morales est le tout premier Amérindien Aymara à devenir président de la Bolivie. Certains, qui ne le désignent jamais que comme «l’Indien», ne lui ont jamais pardonné.

«LE COUP D’ETAT LE PLUSASTUCIEUX ET LE PLUS ODIEUX DE L’HISTOIRE»(Evo Morales) Le coup d’état de 2019, qui fit partir Morales, pouvait faire illusion à l’étranger car, il ne s’est pas passé avec des chars et un déploiement militaire comme c’était encore le cas, il y a peu (par exemple au Chili en 1973). Il était assez voisin, dans la manière, de celui qui a empêché l’élection de Lula au Brésil, ou de celui qui a tenté, sans succès, de ren- verser Maduro au Venezuela. La classe politique réactionnaire boli- vienne s’est saisie du pouvoir dans ces journées troublées d’octobre 2019, par ce qu’Evo Morales a appelé «le coup d’Etat le plus astu- cieux et le plus odieux de l’histoire». C’est la deuxième vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez, qui a assuré l’interim du pouvoir, après les démis- sions en cascades de toutes les autres personnalités de l’Etat pla- cées plus haut dans l’ordre de l’inte- rim. Force est de reconnaître que son passage à la tête de l’Etat n’aura pas laissé une grande impression car, elle s’est retirée de l’actuelle course à la présidence devantde très médiocres sondages.

En réalité, cette année écoulée sous le contrôle de la droite, après 13 ans de présidence d’Evo Morales, aura surtout été marquée par des viola- tions répétées des droits de l’homme, avec plus d’une trentaine de morts et des centaines de bles- sés, résultats de la violence policière contre la population. Les dirigeants syndicaux et les journalistes sont régulièrement menacés publique- ment par les autorités. Ces graves appels à la violence sont dénoncés par une ONG comme Amnesty International.

UNE ÉLECTION QUI DONNEDE L’ESPOIR

Dans les derniers sondages, Luis Arce, le candidat du MAS (Mouve- ment vers le socialisme d’Evo Morales), devance assez large- ment le candidat de droite modé- rée, Carlos Mesa, et plus encore le candidat d’extrême droite. Bien que les chiffres des sondages soient toujours à prendre avec beaucoup de précautions, il sem- ble que l’on s’acheminevers une victoire du candidat de gauche. Celle-ci pourrait être même pro- noncée au premier tour, car la loi électorale bolivienne autorise la fin du scrutin dès le premier tour, si le candidat en tête à plus de 10% d’avance sur le second. Si cela devait se réaliser, ce serait un formidable signal pour tout le continent, qui viendrait, après la libération de Lula au Brésil, et l’échec de l’opération Juan Guaidó au Venezuela. Ce serait une juste victoire dont les forces populaires boliviennes auraient tout lieu d’être fières. Alors, une élection qui donne de l’espoir.