Beauport : Remise en service du petit train

Le samedi 17 octobre dernier, la SEM Patrimoniale qui gère le site touristique de Beauport, pour le compte du Département, lançait la réouverture du petit train, après quelques mois de fermeture. Si on peut noter la mise en service d’une nouvelle machine tractant des wagons plus confortables et une nouvelle bande sonore pour accompagner la ballade des touristes, le fait marquant de cette destination touristique demeure sans conteste le site de Poyen. Situé très justement à Poyen, sur le ter- ritoire de Petit-Canal, c’est le terminus du trajet après plus de 45 mn au départ de Beauport. Dès que le visi- teur débarque, il rentre véritablement en relation avec l’histoire de ce territoire. La gare a été réaménagée avec en plus un espace jeux pour enfants, une table d’inter- prétation du paysage de la zone et un panneau explica- tif sur l’aménagement du site. De façon plus exhaustive Baba Barfleur historien, chercheur, nous livre ses connaissances sur l’histoire passionnante de ce territoire.

L’Habitation Poyen (décennie 1720-1901)L"habitation Poyen, ouverte sur le Grand Cul-de-sac Marin, s"étire sur trois kilomètres le long de la ravine Gashet, en direction de son embouchure. Elle émerge d"un lent processus foncier qui, à partir de la décennie 1720 et l"essor de la colonisation du Nord Grande- Terre, concentre progressivement trois habitations du littoral. Sa constitution s"achève sous l"égide des frères Robert et Hubert Poyen de Saint-Sauveur durant la décennie 1780.

Vaste domaine sucrier de 290 hectares, l"habitation «Poyen Frères» est avec ses 200 Africains et descendants mis en esclavage, ses moulins à bêtes et à vent, sa sucrerie et ses bâtiments annexes de même que son cheptel de bétail, une habitation-sucrerie majeure du Nord de Petit-Canal à la fin du XVIII ème siècle.

Elle s"impose comme un espace-car- refour, à la croisée de la route colo- niale terrestre, de la ravine navigable et de son débarcadère -porte mari- time de Beautiran.

Son rôle pivot au coeur des habitations voisines ne se dément pas au XIX ème siè- cle. Propriété de la famille Jean-Thomas Lemesle de 1808 à 1886, elle traverse le siècle avec autant de dynamisme (150 à 200 âmes rythment son quoti- dien). En 1853, ses 191 résidents, nou- veaux affranchis depuis l"abolition de 1848, sont devenus cultivateurs jour- naliers, laboureurs, gardiens d"animaux, muletiers, cabrouetiers, charpentiers, tonneliers, maçons, couturières, lavan- dières... Des hom-mes et des femmes noires, qui dans des conditions difficiles, créent une vie rurale nouvelle, combi- nant de multiples activités en osmose avec leur milieu et les diverses facettes de l"habitation.

Celle-ci produit 160 tonnes de sucre en 1859. La mise en route inédite de l"usine Rancougne sur une parcelle de l"habitation voisine Cluny en 1864 réduit brutalement Poyen à ses fonc- tions agricoles. Ses moulins et sa sucre- rie ne tardent pas à s"immobiliser. Mais elle conserve de nombreuses têtes de bétail. Ayant perdu ses fonctions manufacturières, Poyen ne produit alors plus de sucre. Elle devient une simple habitation adhérente de l"usine Ran-cougne à qui elle livre ses cannes. Et à qui elle confie son débarcadère historique de Beau- tiran que Rancougne transforme en port, au milieu de la mangrove.

L"habituel dynamisme rural de Poyen périclite et s"assèche pour désormais s"exprimer autour de l"usine, à Cluny. A partir de la décennie 1880, ne résident à Poyen qu"une quarantaine d"indiens ouvriers agricoles qui fonderont au XX ème siècle le hameau dit de Gashet le long de la route coloniale, à quelques centaines de mètres.

Le destin de l"habitation Poyen s"ins- crit dès lors dans celui de l"usine Rancougne en cette fin de XIX ème siè- cle. Rancougne que Beauport absorbe en 1901…