Le Haut Karabakh s’embrase de nouveau

Conflit en sommeil depuis des années, la guerre entre Arméniens du Haut Karabakh et Azeris (le peuple de l’Azerbaïdjan) vient de se rallu- mer le 27 septembre. Par sa position géographique et les alliances nouées par les deux camps, il revêt une dimension géopolitique.

UNE HISTOIRE LIÉEÀ LA POLITIQUE DE STALINE

La situation actuelle a des racines anciennes. La zone appelée Haut Karabakh (ou Artsakh en armé- nien) est une enclave de 4400 km 2 à l’intérieur de l’Azebaïdjan, pays frontalier de l’Arménie. Cette enclave est peuplée en grande majorité d’Arméniens chrétiens dans un pays d’Azeris qui sont musulmans chiites. La création de deux entités nationales, l’une armé- nienne l’autre azerie, remonte à la création de l’URSS, lorsqu’en 1922 furent créées les Républiques socia- listes soviétiques. La présence d’une minorité arménienne au sein d’une population azérie est, elle, le fruit d’un calcul politique de Staline qui avait en vue l’intérêt économique.

Il s’est en sorte servi de ce rattache- ment contre nature d’une région arménienne à une république azé- rie, comme d’une monnaie d’échange avec en toile de fond la richesse en pétrole de l’Azerbaïdjan. La demande légitime d’autodéter- mination des Arméniens du Haut Karabakh a été foulée aux pieds, dès l’époque soviétique et le conflit armé qui en est résulté entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a com- mencé en 1988, avant même la fin de l’URSS. UNE SITUATION BLOQUÉE

La première guerre a fait des dizaines de milliers de morts. Elle s’est arrêté en 1994 sur un cessez le feu, garanti en principe par un groupe de pays médiateurs, appelé groupe de Minsk. Dans la pratique, ce groupe n’a pas fonctionné de façon significative et les données du problème n’ont pas évolué depuis. Une brève «guerre de quatre jours» a eu lieu en 2016, sans avoir en rien modifié la situation fondamentale.DES ALLIANCES COMPLEXES

Les implications régionales sont importantes. L’Arménie est un allié de la Russie. Elle considère le Haut Karabakh comme le berceau de l’Arménie. De son côté l’Azerbaïdjan pays turcophone est considéré par la Turquie comme faisant partie d’une même nation («une nation deux Etats»). Derrière ces deux pays d’autres alliés inattendus sont présents, l’Iran chiite est un parte- naire de l’Arménie chrétienne et Israël un partenaire très actif (en particulier par ses ventes d’armes) de l’Azerbaïdjan chiite. Si l’on ajoute à cela, d’une part, que la Russie est aussi un partenaire de l’Azerbaïdjan, et que d’autre part, la Turquie a embauché des centaines de merce- naires syriens pour venir se battre en Azerbaïdjan, on aura une idée de la complexité des intérêts en jeu dans un conflit pourtant très loca- lisé, mais dans une région haute- ment inflammable.LE JEU DE LA TURQUIE

En réalité, et ce n’est pas le moins inquiétant, toute l’actualité récente semble confirmer une attaque azé- ris délibérée du Haut Karabakh avec l’aval de la Turquie. Il apparaît de plus en plus nettement que cette der- nière a la volonté de s’imposer sur tous les terrains d’affrontement pour des visées d’hégémonie régio- nale. De la Libye à la mer Égée, et de la Syrie à l’Arménie, sa politique agressive ne cesse d’entretenir les tensions. Les discours teintés d’idéo- logie nationaliste néo-ottomane d’Erdogan ne sont pas rassurants.

Dans ce contexte, notre défense du droit fondamental des peu- ples à l’autodétermination nous place tout naturellement du côté des Arméniens du Haut Karabakh dans leur lutte pour la reconnaissance de leur droits. Notre solidarité sera sans faille.