Le changement de statut politique est la seule réponse valable pour sortir de l’impasse

Cette réflexion s’articule autour du profil psychologique de ceux qu’on qualifiait, il y a quelques décennies, de mandataires du peuple.

I" est de tradition pour l’électeur guadeloupéen de confier aux élus la satisfaction de ses aspi- rations, la solution de ses pro- blèmes, ce qui détermine en prin- cipe son choix à l’occasion des consultations électorales.

Sous l’empire de la mondialisation capitaliste la politique se trouve détournée de son objet. D’admi- nistration de la cité où on l’enten- dait dans son acception littérale, elle a perdu son caractère altruiste et est devenue en réalité pour trop de nos représentants un vecteur de promotion sociale.

Cela tient à un ensemble de fac- teurs qui se justifient par l’éléva- tion du niveau de vie pour une certaine fraction de nos compa- triotes, le développement de l’ins- truction, mais aussi et surtout par l’emprise insidieuse et savante du pouvoir sur le psychisme de l’homme guadeloupéen.

Ce qui fait naître chez le néo-colo- nisé une propension à valoriser les valeurs coloniales, à accepter passi- vement le modèle français et euro- péen au détriment de ses spécifici- tés, d’un art de vivre qui concourait à sa fierté et à sa dignité. Ce qui l’in- cite à intérioriser la dépendance et à répéter à l’instar du colonisateur qu’il vit dans une société post-colo- niale ; alors que le fait colonial dans nos vies est plus que jamais présent.

En poussant plus avant l’analyse on s’aperçoit que la notion de collabo- ration qui inspire les responsables politiques actuels et non le rôle de contestation qui était traditionnel- lement le leur, les réduit à un rôle de figurants, d’automates, de fonc-tionnaires. Des obligations qui leur incombent vis-à-vis des électeurs, ils n’en n’ont cure ; pourvu que leurs appointements soient garantis. Aucune action responsable à tous les stades de la représentation politique. S’agissant du rôle de guide, d’éclaireur qu’ils doivent jouer en faveur des citoyens, ils se contentent au contraire de se conformer à leur volonté au lieu de les informer de façon objective; si bien que nos compatriotes ne cessent d’être la proie d’une mani- pulation interminable.

Quelque prestigieux ou honorable qu’ait été l’exercice des fonctions ministérielles confiées à autoch- tones, cela n’enlève rien à leur nature de colonisés. Ils demeurent dans l’esprit de ceux qui gouver- nent encore notre pays pour des gens de «l’au-delà».

Ce n’est pas le fait d’être ou d’avoir été ministre qui les a affranchis des stéréotypes qui ont marqué notre passé et qui subsistent dans l’in- conscient collectif européen. Nos compatriotes qui ont opté pour la chose publique devraient dans un sursaut de lucidité et de dignité se pénétrer de cette évidence.

Par conséquent le fait de préconi- ser l’égalité réelle avec les «blan fwans»si ce n’est par démago- gie, fût-il d’inspiration écono- mique ou culturelle s’apparente -n’en déplaise à ses partisans- à un rêve fou, une utopie : on ne peut pas rendre semblables deux choses dissemblables.

Pour ce qui concerne l’exercice démocratique local, le clivage droite-gauche existe toujours sous des formes différentes : Assimi- lationnistes /Autonomistes, Euro- péen/ Caraïbéen En ce sens qu’ap- partenir pour nos élus à LRM ou à la gauche plurielle en France ne change rien fondamentalement à leur situation. Les affaires locales sont traitées sous la bannière du pouvoir. Ils sont tous embarqués à des degrés différents sur le même bateau et indéfectiblement unis dans la continuité. La question de fond qui est posée à la conscience de ces messieurs et dames est la suivante : S’agit-il de pérenniser un systèmecaduc en l’assortissant d’innovations insti- tutionnelles insignifiantes, ou bien d’opter pour un changement radical de statut ? C’est cette ques- tion-là que nos représentants toutes tendances confondues s’ef- forcent par tous les moyens d’élu- der par peur, lâcheté ou ruse.

Ce que je déplore c’est que les connaissances dont peuvent se prévaloir nos élus visent à encourager, fortifier, perpétuer l’idéologie coloniale, du fait de leur soumission, mais ne sont pas mises au service de notre peuple et de son émancipation. Ce faisant, ils se trouvent sciem- ment ou inconsciemment des co-gérants du système. En outre ils ne mesurent pas l’enjeu que peut représenter pour un politique la capacité de s’adap- ter aux mutations historiques.

En dernière analyse que pou- vons-nous de ces prochains jours ? Les régionales et dépar- tementales en point de mire.

Les tiraillements, chiraj que tra- duit l’irresponsabilité des élus. La continuité qui suit impertur- bablement son cours entre assi- milationnistes, avec son cortège de manoeuvres politiciennes au milieu de l’insouciance, l’impuis- sance, l’inconséquence.

En définitive nous avons utilisé tous les ressorts que comportait la départementalisation. Mais les dysfonctionnements institu- tionnels s’accumulant au fil des temps face à nos réalités, un mode de gouvernance dépassé ne répondant plus à nos attentes, dans ces conditions ne nous voilons pas la face, le chan- gement de statut politique reste la seule réponse valable pour changer la situation des guade- loupéens. Nous ne pouvons pas attendre qu’il nous soit octroyé. Il faut se donner les moyens de le conquérir.