Message du «Nèg mawon», de l’Au-delà, Aux femmes et hommes qui me vénèrent !

(Traduit en français, de la langue originale)

Du lieu de mon éternel repos, je tiens à vous rassurer.

Ils peuvent toujours continuer à s’en prendre à mon épiderme. Au rythme de mon tambour ou de ma conque à lambi, je continuerai à assourdir leurs oreilles en chantant en toute fierté : Je suis un noir ! Je suis un nègre ! Je suis heureux ! Ils n’atteindront jamais mon coeur, mon cerveau et mon esprit qui ont fait de moi ce que je suis. D’ailleurs, ce coeur, ce cerveau et cet esprit, avec le temps, s’éloignent de plus en plus de leurs mains scélérates et criminelles, tout en inspirant des dignes émules pour continuer le combat. Mon mawonage se pour- suit d’ailleurs sous d’autres formes célestes, avec votre complicité.

Ne soyez pas surpris si certains cherchent à vous humilier par le biais de ma statue. C’est incontesta- blement par jalousie de mes actes héroïques. Ils veulent, inconsciem- ment, me ressembler. D’autres, en toute bonne foi, voudraient peut- être, par la peinture, que ma repré- sentation soit plus proche de votre réalité d’aujourd’hui.

En vérité, ce serait vraiment trop compliqué car, la belle commu- nauté harmonieuse multiethnique de destin, composée d’hommes et de femmes originaires de différents continents, que vous avez engen- drée par un intelligent brassage, au cours de plusieurs siècles, s’avère un bel exemple. Elle est majoritaire- ment acquise aux valeurs que j’ai défendues : la dignité, la liberté, le respect et l’honneur.

J’ai lutté en effet fièrement avec les moyens dont je disposais à mon époque, y compris avec le «mawo- nage»et l’empoisonnement de mes bourreaux. Au 21 ème siècle, vous, vous savez lire, écrire, compter, étant passés malheureusement ou heureusement dans leurs écoles. Fort heureusement, ils n’ont pas réussi totalement à vous assimiler. Vous avez même structuré une de mes langues, le Créole. Vous savez parler le Français, parfois mieux que les Français. Vous maîtrisez d’autres langues dites vivantes ou mortes ! Vous m’avez immortalisé. Vous avez d’autres armes. Vous êtes des génies de savoir et savoir-faire.

Alors, ne cherchez pas à faire obli- gatoirement comme moi, mais bat- tez-vous dans ce monde qui a com- bien changé. Et vous avez prouvé que vous savez le faire, par votre ingéniosité dans différentes circons- tances pour réclamer une améliora- tion de vos conditions d’existence, de travail notamment. Beaucoup d’entre vous ont été arrêtés, condamnés, emprisonnés. Ils l’ont aussi payé souvent au prix de leur vie. D’autres ont été expatriés pour leurs idées ou leurs idéologies. Bref ! On pourrait résumer : pour«atteinte à la sûreté de l’Etat».Quelques-uns ont «mawonné» éga- lement pendant un certain temps, avant qu’ils ne fussent capturés, jetés en prison, puis finalement gra- ciés, par la reconnaissance de leur acte héroïque.

N’ayez cure donc de ceux qui, par leur imbécilité, s’appliquent à gri- mer ou à bestialiser vos visages ! Méprisez en silence car, ils se réjouissent toujours de votre colère, convaincus qu’ils vous ont atteints en cherchant à vous arrêter ! Mais ouvrez les yeux tout grands sur votre pays Guadeloupe, sur votre bassin caribéen, sur le monde, et poursuivez avec détermination sur mon chemin, conscients de votre origine, de ce que vous êtes et de votre objectif !

La reconnaissance de «l’esclavage comme étant un crime contre l’hu- manité»est «un petit pas pour l’homme, mais un pas de géant pour l’humanité». Le chemin est encore long. Alors, ne baissez pas la garde ! Le temps viendra… Le 29 novembre 2020