USA :Démocratie et urgence sociale

«Chaos dans la première démo- cratie du monde», «la démocra- tie en péril». Les titres accro- cheurs de la presse, depuis la tentative de coup d’Etat de mer- credi 6 janvier 2021, se succè- dent. Si la situation est très grave, on peut néanmoins contester le terme démocratie utilisé pour parler des USA. Car, parler de démocratie dans ce pays, est un abus de langage.

UNE DÉMOCRATIE BIAISÉE DÈS LE DÉBUT

Dès le début, les Etats-Unis ont eu un système politique prévu pour les dominants dans la société. La déclaration d’indépendance est pleine d’affirmations, a priori uni- verselles comme «tous les hommes sont créés égaux»mais, dans la pratique, cette indépen- dance est celle de l’élite coloniale, masculine, blanche et esclava- giste qui veut se libérer de la tutelle de la Métropole pour continuer à dominer la société.

Par la suite, avec la Constitution, ces mêmes hommes politiques, dont plusieurs sont propriétaires d’esclaves, vont édicter un certain nombre de principes d’organisa- tion politique dont le but avoué est de ne pas avoir à subir «la rage pourun partage égal des biens» comme l’exprimait, sans détours, l’un des pères fonda- teurs, James Madison. De là vient cette règle aberrante encore en vigueur de deux sénateurs par Etat, quelle que soit sa population. Grâce à ces dispositions prévues pour garantir le maintien au pouvoir des privilégiés, car favorisant d’avantage les Etats les plus conservateurs, on est arrivé à cette caricaturede démocratie biaisée lors de plusieurs élections récentes. En 2020, Joe Biden l’em- porte sur Donald Trump, avec plus de 7 millions de voix, mais il aurait suffi d’un déplacement de moins de 50 000 voix au total (dans quatre Etats) pour que le résultat soit inversé.LE RÊVE AMÉRICAIN. UNEARNAQUE TOTALE

A ceux pour qui le «rêve américain» donne encore des illusions, ce qui n’a jamais été le cas des commu- nistes, les chiffres donnent un démenti cinglant. L’indice des iné- galités (appelé indice de Gini par les économistes) n’a jamais été aussi élevé. Gradué de 0 (égalité com- plète) à 1 (inégalité maximale) il est de 0,485 en 2018 (0,397 en 1967). Aucun pays d’Europe ne dépasse 0,38.

La mobilité sociale qui nous est ven- due depuis toujours comme celle d’un pays du «self made man», est en baisse constante depuis 70 ans. Elle est aujourd’hui inférieure à celle d’un pays comme la France qui n’est pourtant pas un exemple en la matière. En 1980, 1% des plus riches détenaient 10% du revenu national. Aujourd’hui, ce dernier pourcentage est passé à 20%. On pourrait prolonger ce tableau en reprenant ce que l’actualité récente a largement montré, concernant la situation des Afro-américains.

En termes de libertés publiques réelles, de violences policières, de politique pénale et de situa- tion économique, malgré le développement d’une classe moyenne noire, les conditions de la grande majorité des Afro- américains n’ont pas évolué depuis les années 1960. Donc, on peut affirmer que le rêve améri- cain est une arnaque totaleL’URGENCE SOCIALE DOIT ÉVITER LE PIRE

Oui, décidément, les Etats-Unis n’ont de démocratie que le nom. C’est un Etat ploutocratique, c’est- à-dire, un Etat dans lequel la fortune est la base du pouvoir politique. La fortune cumulée des membres du gouvernement Trump (10 milliards de dollars) équivaut à celle des 125 millions d’Américains les plus pau- vres. Joe Biden dit tourner résolu- ment le dos à cette pratique du pouvoir. Les faits semblent le mon- trer. Information passée relative- ment inaperçue, à cause de l’assaut du Capitole.

En effet, Joe Biden vient de choisir son ministre du travail : Marty Walsh, maire de Boston, d’origine modeste, ancien dirigeant syndical, il est crédité d’avoir augmenté, pour les salariés de sa ville, le salaire mini- mum à 15 dollars, d’avoir institué un congé payé familial et d’avoir financé les gardes d’enfants pour les urgentistes au cours de la pandé- mie. Signe très parlant du choix de Biden dans ce domaine, le nom de Bernie Sanders a d’abord été envi- sagé pour ce poste. Mais les deux hommes ont jugé que Sanders sera plus utile au Sénat étant donné la très courte majorité des démocrates dans cette chambre. Les plus progressistes des démo- crates l’ont sans doute compris, l’urgence sociale est là et si elle devait ne pas être prise en compte, la prochaine attaque contre les institutions sera pire.