Le Japon est condamné par la Corée du Sud pour crime contre l’humanité envers les «femmes de réconfort» coréennes
Le 8 janvier 2021, dans une décision historique, un tribunal civil de Séoul a condamné le Japon à indemniser des plai- gnantes victimes d’esclavage sexuel imposé par l’armée japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Il s’agissait de «femmes de réconfort» coréennes.
UNE CONDAMNATIONSANS PRÉCÉDENT
La lutte des femmes survivantes a payé, mais elle reste encore inache- vée. C’est une lutte dont la visibilité remonte au début des années 1990, en particulier grâce au travail de l’activiste Kim Bok-Dong décédée récemment. Tout un collectif de femmes coréennes a pris le relai dès 1992 avec les «manifestation du mercredi», rassemblements qui se tiennent devant l’ambas- sade du Japon, tous les mercredis, sans exception, depuis 28 ans. En 2013, douze femmes victimes de ce «crime contre l’humanité» qu’ont été les «femmes de récon- fort», selon la terminologie offi- cielle nippone pendant la guerre, ont déposé plainte.
Sur ces douze femmes, très âgées, puisque les faits remontent à 1939- 45, seules cinq sont encore en vie aujourd’hui. Elles ont obtenu une condamnation du Gouvernement japonais à verser une indemnisation importante, mais la portée du juge- ment va plus loin, en entérinant la responsabilité de l’Etat japonais dans ce «crime contre l’humanité». On peut dire que c’est une condam- nation sans précédent. De fait, la plus profonde exigence des vic- times est d’obtenir des excuses offi- cielles sincères de la part du Japon, ce qui est formellement rejeté par les autorités actuelles. Prétextant deux accords conclus en 1965 et en 1995, entre les deux pays, le Japon estime que le dossier est clos. Mais la Corée considère, à juste titre, que le Japon n’a jamais reconnu sa responsabilité. PLUSIEURS PAYS ONT ÉTÉCONCERNÉS PAR CET ESCLAVAGE SEXUEL EN ASIE
Initiée dès 1932, lors de la cam- pagne de Shanghaï, l’institution de maisons closes pour les soldats prit une tournure institutionnelle à par- tir de 1938, avec l’installation de plus d’un millier d’établissements dans toute l’Asie. Les prostituées y étant parquées, étant qualifiées par les autorités militaires de l’euphé- misme effrayant de «femmes de réconfort». Le nombre de victimes de cet esclavage moderne est varia- ble selon les historiens mais dépasse le chiffre de 200 000 femmes dans toutes les estimations. La Corée considère ce chiffre comme celui des seules victimes coréennes.
Plusieurs pays ont été concernés comme la Chine, dans les mêmes proportions, mais aussi les Philip- pines, le Vietnam, la Birmanie, prin- cipalement. C’était un système pensé et voulu en haut lieu, comme l’ont montré les travaux de l’histo- rien japonais Yoshimi. Le «recrute- ment» des femmes prenait toutes les formes possibles, depuis les fausses annonces d’emploi, à l’enlè- vement, en passant par la rafle des femmes et des jeunes filles dans les territoires que le Japon occupait.LA RECONNAISSANCE DU VIOL COMME CRIME CONTRE L’HUMANITÉ
En créant la fondation Butterfly pour venir en aide aux victimes de viol durant des conflits armés, l’acti- viste coréenne Kim Bok-Dong a rejoint d’autres combats, comme celui de Denis Mukwege, ce gyné- cologue congolais, prix Nobel de la Paix en 2018. L’un comme l’autre dénonce le viol comme arme de guerre, et l’esclavage sexuel des femmes coréennes, chinoises et asiatiques pendant la seconde guerre mondiale s’y rattache. Mais leur combat opiniâtre met aussi au grand jour la lenteur des prises de conscience quant à la reconnais- sance des violences faites aux femmes, dans le monde entier, lors des guerres. Cela passe par la prise en compte de ces droits dans le lan- gage lui-même.
N’est-il pas révélateur, par exemple, qu’un pays comme la France conti- nue de parler de «droits de l’Hom- me» alors que toutes les langues européennes importantes (Anglais, Allemand, Italien, Espagnol) utilisent le terme de «droits humains» («Human rights» en Anglais par exemple et non «Men’s right») ? On le voit au-delà de leur lutte, les femmes coréennes rejoignent un combat universel pour l’égalité et la justice, qui concerne tout un chacun.