Chlordécone : Pas de prescription pour les empoisonneurs !

«Ah ! Nèg-la, ou ja pran !» (chanté par Jocelyne Labylle) Des paroles d’une chanson qui exprime parfaitement nos pro- pos. Nous, ces descendants d’Africains réduits en esclavage, po ko fini pwan, pétèt. Nous n’avons pas encore fini, peut- être, de prendre, de souffrir, «an gyèl a blan», si enfin, nous ne relevons pas la tête pour dire, statutairement parlant : «nou boufi épi sa» ! Cela suffit !

Oui les Guadeloupéens, en particulier, en ont pris de 1642 jusqu’ au 4 février 1794, sous le régime colonial, par la traite négrière qui les a conduits des rives de l’Afrique jusqu’à cette terre de Guadeloupe, dans l’esclavage, enchaînés, sous le régime du fouet, ou d’autres armes meurtrières de châtiment.

Ils ont encore subi ce même régime, après que d’héroïques résistants aient proclamé «Vivre libre ou mou- rir (Louis Delgrès)», quand, débar- rassés de leurs chaînes, ils avaient cru en leur éphémère liberté, pen- dant huit ans. Leur lutte opiniâtre, sous des formes diverses, leur a per- mis de gagner leur salut en 1848 mais, leurs bourreaux esclavagistes ont été indemnisés.

Ils en ont pris par des fusillades répressives, emprisonnement ou expatriation, quand ils récla- maient de meilleures conditions de travail, ou une augmentation de salaire, ou de la dignité.

Et pourtant, spontanément, avec courage et abnégation, ils ont com- battu en première ligne, durant deux grandes guerres, pour sauver la «mère patrie» et aider leurs ex- bourreaux, écrasés, humiliés, par d’autres puissances, à retrouver leur souveraineté et leur dignité.

Tout cela n’a pas empêché cette «mère patrie» à autoriser leur empoisonnement jusqu’en 1990, par un produit reconnu hautement toxique dès 1979 par l"Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’ac- corder même une dérogation jusqu’en 1993, pour continuer cet empoisonnement, alors que les Etats-Unis, depuis 1977, avaient interdit ce poison.

C’est sur cette base que des juristes, bien au fait de cette question, et quatre associations, à la suite de dif- férents rapports d’experts scienti- fiques et de parlementaires, ont déposé une plainte en 2006, au nom du peuple guadeloupéen, pour que la justice fasse toute la lumière sur ce scandale et pour réclamer la condamnation de tous les empoi- sonneurs avérés.

Quatorze ans après, grâce à la téna- cité des plaignants et plus particuliè- rement des avocats ayant en charge ce dossier, ce scandale a été audi- tionné, par visioconférence, le 21 janvier 2021, devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Les juges d"instruction du pôle santé du TGI de Paris qui les ont écoutés ont provoqué leur légitime colère, indi- gnation et incompréhension, en laissant sous-entendre que les faits reprochés pourraient être frappés de prescription.

Quelle honte pour un pays qui se veut défenseur des droits de l’homme, quand on sait que ces hommes empoisonnés à 90%, déjà victimes ou potentiellement victimes de maladies diverses, tel que le cancer de différents organes, les transmettront à leur descendance qui continuera à vivre sur cette terre empoisonnée pour au moins 400 ans !

Que faut-il penser, quand on sait que, dans le même temps, l’Assem- blée nationale française examine une proposition de loi contre la maltraitance animale, et que la quasi-totalité des parlementaires garde le silence sur ce scandale d’empoisonnement d’hommes, de femmes et d’enfants ?

Que faut-il penser, quand on sait que le ministre de la Santé, Olivier Véran, a choisi, dans le même temps, de ne pas suivre l’avis de la Haute autorité de santé qui préco- nisait de prolonger le délai pour la deuxième injection du vaccin contre le Covid-19, de trois à quatre semaines fixées par le laboratoire, à six semaines ? Une «mesure de pré- caution» a-t-il dit, pour ne pas pren- dre le risque d’empoisonner les Français, donc lui aussi évidem- ment. Il appartiendra à chacun de «trouver l’erreur» et de tirer ses conclusions.

Nous laissons aux hommes du droit qui ont accepté de défendre la santé et la dignité des Guadelou- péens, le soin de porter au plus haut niveau judiciaire ce combat pour obtenir que la «loi» fasse preuve d’humanité car, c’est possible. Pour ce faire, l’ensemble des hommes et des femmes qui vivent sur cette terre de Guadeloupe, doit être debout, au sein des associations, ou individuellement, ou dans le cadre de leur mission élective politique et syndicale, pour soutenir avec force leurs défenseurs. Nous avons d’ail- leurs appris avec beaucoup d’inté- rêt que l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique déclare vouloir la poursuite du procès sur le chlordécone. Il ne peut y avoir de prescription pour les empoison- neurs. Ils doivent payer et réparer !