Chlordécone : ni non-lieu, ni prescription !

Le scandale du chlordécone a été révélé après des années de dégâts sur le plan de la qualité de nos sols agricoles, de nos nappes phréatiques, de l’envi- ronnement et surtout de la santé publique. Le préjudice est incalculable. Parler de crime contre l’homme guadeloupéen n’est pas exagéré.

Q uinze ans après la plainte déposée le 24 février 2006 par Harry Durimel, prési- dent de l’association «Rev-Gua- deloupe» pour faire la lumière sur les conséquences de l’utilisation du chlordécone, pour faire reconnaître ce crime et faire payer ses auteurs. La cour d’Appel de Paris a enfin décidé d’entendre les plaignants en les auditionnant par visioconfé- rence le jeudi 21 janvier courant.

Parmi les associations auditionnées, il y avait URC représenté par Judes Griffard, l’UPG représenté par Philippe Rotin, la CGTG représen- tée par son Secrétaire général Jean- Marie Nomertin, Envie Santé repré- senté par son président Philippe Verdol, UGTG représenté par son Secrétaire général Elie Domota, le Conseil régional de Guadeloupe représenté par Jean-Marie Hubert. Au Palais de Justice de Paris étaient représentés : La confédération pay- sanne, l’UGPBAN, Générations Futures ainsi que leurs avocats, les avocats parisiens d’Envie Santé et de la Région Guadeloupe.

Cette audition était fort attendue par les parties civiles, qui ont très bien travaillé leurs dossiers. Elles ont été entendues par les deux juges d’instruction du Pôle santé du Tribunal judiciaire de Paris.

Il a fallu plus d’une heure et demie pour faire intervenir les experts et les gendarmes de l’office central de lutte contre les atteintes à l’envi- ronnement et à la santé afin de résumer les investigations qui ont été menées (travail salué par les parties civiles pour son profession- nalisme). Des investigations ont été menées aussi bien en Guadeloupe qu’en Martinique. Beaucoup d’élé- ments qui établissent les fraudes, les pistons, tout ce qui a été fait pour obtenir ces fameuses déroga- tions ont été mises au grand jour.

Pour répondre à ces accusations, les moyens de défense des pollueurs ont prétendus se tromper quand on leur a accordé les dérogations et qu’ils avaient pensé qu’on avait homologué le chlordécone.

De ce fait, ils ont importé 1560 tonnes alors que la dérogation c’était justement pour leur permet- tre d’écouler leur stock.

La juge a soutenu que les faits se sont produits en 1990, et que par conséquent, elle limite l’infraction à partir de cette date, et a invité les parties civiles à poursuivre les empoisonneurs sur 5 ans.

Au cours de l’instruction, des inci- dents ont émaillé la séance à la suite d’un coup de colère du Secrétaire général de la CGTG qui après avoir retrouvé son calme, est resté ferme sur les points de vue qu’il faisait prévaloir.

D’après les communications faites par les avocats de Harry Durimel et d’Ernest Daninthe à la sortie de l’au- dition, les juges étaient venus pour faire un enterrement de première classe de cette affaire.

C’est une décision que ne sau- raient accepter les parties civiles et leurs avocats compte tenu qu’en droit français lorsque les faits sont dissimulés, le délai de prescription ne court qu’à comp- ter de la révélation des faits.

Or, dans ce cas précis, les recher- ches se poursuivent jusqu’à ce jour pour établir de façon indiscutable le lien entre le cancer de la prostate et le chlordécone.

La juge a évoqué un problème de compétence puisque les parties civiles ont évoqué l’intention de poursuivre les ministres concernés dans cette affaire. Elle a rappelé que c’était de la compétence de la Cour de Justice de la République. Seulement, les plaignants esti- ment qu’il ne s’agit pas que de la responsabilité de l’Etat qui est mise en cause parce qu’il y avait des gens qui ont fait du lobbying en Guadeloupe pour aller deman- der du chlordécone.

Enfin de compte, pour donner suite à l’affaire, la juge a accordé un délai de quelques semaines aux plai- gnants et à leurs avocats pour four- nir des notes, des raisonnements, des arguments qui démontrent que les parties civiles n’étaient pas en mesures d’agir dans le délai des 5 ans à compter de la date à laquelle a été données les dérogations.

Pour sa part, le Secrétaire général de la CGTG, Jean-Marie Nomertin a appelé les intellectuels guadelou- péens à se réveiller et à prendre touteleur part dans cette bataille à leur côté. Il a aussi lancé un vibrant appel en direction des conseillers régionaux, de tous les élus de la Guadeloupe. Il invite les maires à se mobiliser et à entrai- ner leurs populations pour créer le rapport de force nécessaire pour gagner cette affaire et faire payer les empoisonneurs.