L’administration Biden et les Amérindiens : Une première

La nouvelle administration amé- ricaine se caractérise par plu- sieurs premières dont la plus visible est l’élection de Kamala Harris, première femme vice- présidente, d’origine afro-cari- béenne (Jamaïque) et indienne (Tamoule). Mais, il y a beaucoup d’autres premières nominations dans les choix des membres de l’équipe. L’une d’elle est passée relativement inaperçue : celle de l’Amérindienne Deb Haaland à un poste ministériel.

DES SYMBOLES QUI DÉVOILENTLA PHILOSOPHIE GÉNÉRALE D’UNE POLITIQUE

Si une politique se juge d’abord et avant tout aux mesures concrètes qu’elle met en oeuvre, les symboles ont leur part pour dévoiler les inten- tions et la philosophie générale des gouvernants. Sur ce plan, Biden avait déclaré que les Amérindiens auraient «un siège à la table» des décideurs. C’est chose faite avec la nomination de Deb Haaland, amé- rindienne Laguna Pueblo, dont l’élection en 2018 à la Chambre des représentants en 2018, avec sa col- lègue Sharice Davids, de nation Winnebago, avait constitué un évè- nement (premières élections d’Amérindiens à la C,hambre).

Mais le symbole se double, dans ce cas, d’une intention concrète qui montre la préoccupation de l’équipe Biden. En effet, Deb Haaland est nommée secrétaire à l’Intérieur, ce qui, aux USA, la met en charge de la gestion de l’environ- nement, des parcs nationaux et des réserves indiennes. Dans le même temps, une des premières décisions de Biden a été de stopper la pour- suite du projet Keystone XL, oléo- duc géant de 3 500 kilomètres entre le Canada et le Texas, déjà partiellement construit. Cette construction avait suscité une très forte résistance des défenseurs de l’environnement et de représen- tants indiens dont les terres (dans l’état du Dakota) étaient impactées par le passage du pipeline.L’HISTOIRE AMÉRICAINE S’ESTCONSTRUITE SUR DEUX CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Pour juger de l’orientation progres- siste prise par l’administration Biden, on ne doit pas oublier que l’histoire américaine s’est construite sur deux crimes contre l’humanité, l’esclavage des Noirs et l’ethnocide (la destruction d’une culture) des Amérindiens. Si l’accumulation capitaliste a été possible grâce au travail des esclaves, la conquête de l’espace par les Européens s’est faite sur des terres indiennes, à coups de guerre, d’expulsions et de destruc- tions de cultures ancestrales, sur plusieurs siècles. Les quelques 500 nations indiennes aujourd’hui recensées sur tout le territoire amé- ricain sont les rescapées d’une his- toire violente qui culmine au XIX ème .

Les guerres contre les Séminoles en Floride, entre 1820 et 1860, celle contre les Sioux dans le Minnesota, dans les années 1870, ou le massa- cre de Wounded Knee, dans le Dakota, en 1890, en sont les dates marquantes. Mais il faudrait aussi citer les déportations comme la «piste des larmes» où des milliers de Cherokee sont déplacés à marche forcée de la Géorgie à l’Oklahoma sur plus de 3 500 km, avec des milliers de morts en route (probablement 25% de la nation Cherokee d’alors ont péri dans cette déportation).RÉHABILITER L’HISTOIRE :UN COMBAT ET UN ENJEU

Cette histoire tragique émerge à peine de la longue occultation des faits, comme c’est le cas, par exemple, au cinéma, avec la vogue, pas si ancienne, des westerns. Dans ceux-ci, l’image des Indiens y est à peu près aussi dévalorisée que celle que l’on avait des Noirs, il y a peu, dans le cinéma américain. Ecrire l’histoire est un combat et un enjeu. Dans le cas des Amérindiens cette histoire est une lutte de tous les jours, et elle passe par la reconnaissance et la lutte pour la mémoire.

Elle passe aussi par la lutte politique, contre l’extrême-droite américaine. Il faut rappeler que Donald Trump avait mis dans le bureau ovale de la Maison Blanche le portrait d’un Président, Andrew Jackson, précisé- ment celui qui ordonna la déporta- tion des Cherokee. Là encore un symbole de ce qu’a été la vision de l’histoire selon Donald Trump. Et c’est contre ce révisionnisme que la lutte doit continuer et s’amplifier.