Guéant - Gobineau, même combat !

Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire ! Encore moins à entendre par certaines élites, prises la main dans le sac du racisme et de la xénophobie. La charge symbolique portée par Serge Letchimy suite à l'odieux calembour de Claude Guéant,n'a pas plu dans le landerneau des élites politiciennes de droite. Débusquées,elles se cabrent et menacent.

L a fessée promise au dépu- té martiniquais par les pères fouettards de l'As- semblée nationale française, a fondu comme glaçons exposés sous le chaud soleil du carêmeantillais.

“Il s'agit maintenant de savoir si les conditions indiquées étant remplies, toutes les civilisations sont égales. C'est ce que je ne pense pas.” “... L'histoire montre que toute civilisation découle de la race blanche, qu'aucune ne peut exister sans le concours de cette race.” “Pour exposer ces vérités dans un jour éclatant, il suf fit d'énumérer , puis d'examiner les civilisations qui ont régné dans le monde, et la liste n'est pas longue.” “Du sein de ces multitudes de nations qui ont passé ou vivent encore sur la terre, dix seulement se sont élevées à l'état de sociétés complètes. Dans les dix civilisa - tions, pas une race mélanienne n'apparaît au rang des initia - teurs. Les métis seuls parviennent au rang des initiés.” “De même, point de civilisation spontanée chez les nations jau - nes, et la stagnation lorsque le sang “arian” s'est trouvé épuisé

.” “Les races germaniques transfor - mèrent au Vè siècle, le génie de l'Occident. Elles étaient arianes.” “Point de civilisation véritable chez les nations européennes quand les rameaux “arians” n'ont pas dominé.”

Ces citations sont tirées du livre du comte Arthur de Gobineau intitulé : “Essai sur l'inégalité des races humaines.”A vec la dernière citation, la bou - cle était bouclée. Hitler , ses nazis, ses nazillons étaient servis ! Ils venaient de découvrir enfin, une philosophie, une idéologie qu'ils ont fait leur, qui justifiait leur folie de grandeur, de puissance, d'hégémonie, de domination, de démesure, de stigmatisation. En se plaçant sur le terrain de “l'inégalité des civilisations” Claude Guéant revendique sa filiation avec Gobineau. C'est-àdire au racisme, à la xénophobie, à la stigmatisation, au rejet sys - tématique de l'autre, comporte - ments qui ont conduit on le sait, à la deuxième guerre mondiale, l'une des pires catastrophes que l'humanité a subi au cours de ce terrifiant XXesiècle.

LA CULTURE DU RACISME ET DU DÉNI

La culture du racisme, du déni, est aujourd'hui encore un mal bien français. Les élites ou des gens supposés en faire partie n'y échappent pas. Ainsi, Max Gallo, ancien ministre socialiste, membre de l'élite française bien pensante, ne savait pas s'il fallait qualifier deux siècles d'esclavage “crime contre l'humanité” ce, après le vote de la “Loi Taubira.” Mais, dans le même temps, il reconnaît le “génocide arménien” et la Shoah : “crimes contre l'humanité.” Comportement “sordidement raciste” comme l'aurait quali- fié Aimé Césaire, déni scandaleux chez un homme de cette “envergure” intellectuelle. Claude Guéant navigue dans l'esprit et la lettre des idées défendues par Gobineau, affir- mant la supériorité de la civilisa- tion blanche occidentale sur toutes les autres, décrétant le rôle décisif, déterminant du peuple ”arien”, du sang “arien”. Il persiste et signe en dépit descatastr ophes humanitaires, éco- nomiques, écologiques, environ - nementales dans lesquelles la ci

vilisation blanche occidentale nous a entraînés. Le souvenir et les conséquences des exhibitions de nègres pendant un demi-siè- cle à travers toute l'Europe, pré- sentés comme un type d'huma- nité inférieure sont encore présents dans toutes les mémoires. Certains en sont persuadés, le disent, le revendiquent, l'écrivent, se comportent en fonction de cette croyance. Marx cite le britannique William Howitt qui en 1838 caractérisait la mentalité, les objectifs de la bourgeoisie européenne chré- tienne,esclavagiste, colonisatrice, qui, sans gêne, sans remords travaillait à “modeler un monde à son image.” Howitt écrivait : “Les barbaries et les atrocités exécrables perpé- trées par les races soi-disant chrétienne dans toutes les régions du monde et contre tous les peuples qu'elles ont pu subjuguer, n'ont de parallèle dans aucune autre ère de l'histoire universelle, chez aucune autre race si sauvage, si grossière, si impitoyable, si éhontée qu'elle fût.” Comme le dit Aimé Césaire, “l'Occident est responsable du plus gros tas de cadavres de toute l'histoire de l'humanité.”

Réputé riche, cultivé, instruit, cet Occident n'a aucune excuse, et ne peut se revendiquer d'aucune supériorité morale, démocratique ou autre, sur aucun autre peuple.

LE VOL DE L'HISTOIRE

Guéant ne cite pas Cheikh Anta Diop, auteur de “Nations Nègres et Culture”(1) qui a montré l'anté- riorité de la civilisation nègre égyptienne, son apport à la civilisation occidentale européenne.

Guéant ne cite pas la célèbre égyptologue Christiane Desroches Noblecourt, auteure de “Le fabuleux héritage del'Egypte.”(2) Elle rappelle toute la dette de la civilisation occi - dentale actuelle envers la civi - lisation égyptienne ancienne.

Guéant ne cite pas l'historien bri- tannique Jack Goody qui a com- mis cette déflagration : “Le Vol de l'Histoire, Comment l'Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde.”(3) Pas d'Eric Hobsbawn(4)qui taille en pièces la prétendue supériorité intellectuelle et morale de l'Europe. Supériorité qui s'est illustrée auXXe siècle par des massacres, des guerres mondiales, des génoci - des, le nazisme, l'apartheid, les guerres coloniales, Hiroshima, Nagasaki, l'Agent Orange.. .

Guéant ne parle pas de V olney, égyptologue de renom qui écri - vait en pleine période esclavagiste : “Cette race d'homme aujourd'hui objet de notre mépris, est celle là même qui inventa la civilisation, alors que les peuples blancs plongés dans la barbarie étaient à peine aptes à la civilisation.” Le ministre de l'intérieur ne convoque pas Hérodote le père de l'Histoire, et pour cause, Hérodote affirme : “En Egypte les hommes y ont la “peau noire” à cause de la chaleur.”(5) La seule référence de Guéant, son seul et unique modèle, est le comte Arthur de Gobineau. Comme son maître à penser, il est persuadé et le dit : “Les civilisations ne sont pas égales.” Le comte a le courage lui, d'aller au bout de sa pensée et explique pourquoi. “Les races humaines sont intellectuellement inégales.”

Guéant s'arrête à mi-chemin. Mais, implicitement, il n'en pense pas moins que son modèle sur l'inégalité des races humaines. Serge Letchimy n'exagère pas d'un poil en évoquant le nazisme.

Cette plongée permanente de Guéant dans le fonds de commerce du Front National et de Gobineau ne sauvera sûrement pas Nicolas Sarkozy d'un naufrage annoncé. L'homme qui haïssait tant la repentance, s'en est fait maintenant une religion. L'instinct de conservation conduit à tout.

QUI EST GOBINEAU ?

C'est bien le IIIeReich dirigé par Adolph Hitler qui canonisa le comte Arthur de Gobineau, élevant son “Essai sur l'inégalité des races humaines” comme la Bible indépassable de tous les racismes, de toutes les monstruosités, affirmant l'existence des races inférieures et des races supérieures.

Coup de théâtre ! La partition si bien huilée, si bien jouée par les colonialistes à l'extérieur de l'Europe, est brutalement appliquée à ce continent par Hitler, convaincu de la supériorité de la race “germanique ariane” sur les autres nationseuropéennes. En effet, Gobineau l'avait dit : “Point de civilisation véritable chez les nations européennes quand les rameaux “arians” n'ont pas dominé.” Voici ce qu'en pense Aimé Césaire (6) : “Oui il vaudrait bien la peine d'é- tudier, écrit Césaire, clinique- ment, dans le détail, les démarches d'Hitler et de l'hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle, qu'il porte en lui un Hitler qui s'ignore, qu'Hitler l'habite, qu'Hitler est son démon, que s'il le vitupère, c'est par manque de logique. Ce n'est pas le crime en soi, c'est le crime contre l'homme blanc, c'est l'humi- liation de l'homme blanc, et d'avoir appliqué à l'Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu'ici que les Arabes d'Algérie, les coolies de l'Inde, les nègres d'Afrique.”

“Et c'est là le grand reproche que j'adresse au pseudo-humanisme : d'avoir trop longtemps rapetissé les droits de l'homme, d'avoir eu, d'en avoir encore une concep - tion étroite et parcellaire, partiel - le et partiale et, tout compte fait, sordidement raciste.”

L'autre objectif prioritaire de Hitler , il ne faut jamais l'ou blier , était de mettre un terme définitif à “l'expérience socialiste” mis en œuvre par Lénine et les Bolcheviks en Russie. Pour défendre les acquis de ce système et vainc - re le nazisme, les Soviétiques ont payé un très lourd tribut : 20 millions de morts.

L'hypocrisie des élites, leur lâcheté, leur mépris pour tout ce qui n'est pas estampillé européen est bien connu. Plus que jamais, la société capitaliste mondialisée en produit des milliers chaque année, royalement payées pour diffuser, défendre, appliquer une idéologie contraire aux intérêts des peuples.

Après les pays du tiers-monde pillés, ravagés, soumis par l'ex- ploitation et la dette, le boomerang est de retour en Europe. Le peuple grec en particulier en vit les conséquences les plus dramatiques.

1- Cheikh Anta Diop : Nations, Nègres et Culture, Ed. Présence Africaine 2- Christiane Desroches Noblecourt : Le fabuleux héritage de l'Egypte, Ed. Télémaque 3- Jack Goody : Le V ol de l'histoire, Comment l'Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Ed. Gallimard 4- Eric Hobsbawn : L'âge des extrêmes, Le court XXe siècle, Ed. Complexe 5- Hérodote : L'enquête, Livre II, Ed. Folio/Classique 6- Aimé Césaire : Discours sur le colonialisme, Ed. Présence Africaine