UNIVERSITÉ DES ANTILLESLa Licence des Arts du spectacle en difficulté

Entamée il y a trois ans, l’expé- rience prometteuse de la créa- tion d’une licence des Arts du spectacle au Département Pluridisciplinaire de Lettres et Sciences Humaines (DPLSH) de Saint-Claude, Guadeloupe, tra- verse une crise grave. Il est important de souligner les enjeux de cette crise pour le développement culturel de la Guadeloupe, à travers un conflit qui est loin de ne concerner que l’université.

En effet, ce projet ayant abouti après des années de préparation, sous l’impulsion du directeur du DPLSH d’alors, Jean-Pierre Sainton, la créa- tion de cette Licence des Arts du spectacle, était vue d’emblée comme le début d’une filière com- plète, allant jusqu’au Doctorat. Ce projet paraissait, et paraît toujours, en phase avec la réalité du terrain. La nouveauté dans l’environnement Caraïbe, la demande non négligea- ble de la part d’une partie des jeunes bacheliers sortant des sections arts existant en lycée (musique, danse ou théâtre) et la possibilité enfin de faire émerger un enseignement de haut niveau dans le domaine cultu- rel, en faisait un projet innovant à plus d’un titre.LES OBSTACLES N’ONT PASMANQUÉ DANS LA GESTION MATÉRIELLE DE CETTE LICENCE

Mais, pour faire vivre un tel projet, l’investissement et le dévouement des enseignants ne suffisent pas. Il faut des moyens. Ceux-ci ont fait cruellement défaut. Collègues tou- jours non payés après deux ans de cours, participation d’enseignants annulée pour raison administrative, absence de création de postes de titulaires, les obstacles n’ont pas manqué dans la gestion matérielle de la licence, engendrant la sup- pression de cours pour les étu- diants, par manque d’enseignants. Dans ces conditions, il est certes maintenant facile de se retourner contre l’organisation pédagogique de la licence et de montrer du doigt son responsable, Apollinaire Anakesa. Mais, la création d’une nouvelle structure implique le volontarisme de tous les acteurs de la vie universitaire, en particulier de la direction de l’université. Et, sur ce plan-là, elle a failli à sa mission qui était de consolider cette licence.

RELEVER LE DÉFI DU MAINTIENDE CETTE LICENCE

Il importe de ne pas tomber dans le piège des querelles de personne, tendu complaisamment par cer- tains, pour aller à l’essentiel : le devenir des jeunes qui s’engagent dans cette voie, par goût et par conviction. S’il y a des améliora- tions à apporter pour qu’un enseignement complet soit dis- pensé, s’il faut remodeler l’offre pédagogique pour qu’elle cor- responde à une qualification professionnelle, qu’attend-on ? On a du mal à comprendre que, dans une situation difficile comme celle qui a été créée, la méthode choisie ait été celle de l’affrontement et du gaspillage des énergies au lieu de rechercher la mutualisation des bonnes volon- tés. Il est nécessaire de recentrer le débat sur ce qui nous paraît la question fondamentale. Quelle université voulons-nous en Guadeloupe pour aller dans le sens de son développement ? Ce n’est pas une question de poli- tique culturelle seulement, c’est une question politique tout court. Il reste que le défi à relever est celui du maintien de la Licence. DES RAPPELS HISTORIQUESNÉCESSAIRES

Que l’on se rappelle la manière dont fut sanctionné Gérard Lauriette, dit «Papa Yaya» il y a plus de cinquante ans, pour avoir choisi d’enseigner le créole à ses élèves du primaire ! Que l’on se rappelle la ténacité avec laquelle, plus tard, Hector Poullet et Sylviane Telchid ont bravé tous les obstacles, y compris venant de Guadeloupéens, pour maintenir le créole en collège ! Ils étaient, il y a trente ans, les deux seuls ensei- gnants de cette langue au collège de Capesterre Belle-Eau et aucun des deux n’avait le fameux sésame du CAPES pour la bonne et simple raison que ce diplôme n’existait pas. Il y a aujourd’hui une trentaine d’en- seignants du créole en Guadeloupe et un inspecteur pédagogique. Que l’aventure de l’enseignement du créole inspire les décideurs de l’ave- nir de la licence Arts du spectacle ! Il faut donc aller de l’avant. C’est une question d’urgence. Il faut pérenni- ser la Licence des Arts du spectacle. C’est la responsabilité de l’institution universitaire face aux jeunes, et donc face à l’avenir.