L’agent orange au Vietnam : Le procès d’un crime contre l’humanité

Durant la guerre du Vietnam, les Etats-Unis ont déversé, entre 1961 et 1971, et jusqu’en 1972, par les fantoches sud-vietnamiens, une quantité colossale de dioxine, une arme chimique couramment appelée agent orange, à cause de la couleur des fûts qui le contenaient, sur les forêts du Vietnam, du Laos et du Cambodge. Soixante ans après, ses effets sont toujours là. Ils sont la trace d’un crime contre l’humanité, un écocide selon la terminologie actuelle. C’est ce qui va être jugé, à partir d’un procès hors norme.

UN PROCÈS HISTORIQUE

Le 25 janvier, s’est ouvert à Evry, un procès historique et très symbo- lique du monde dans lequel nous nous trouvons. D’un côté, une femme de 78 ans, Tran To Nga, franco-vietnamienne, ancienne membre du Viet-Cong, victime de l’agent orange, de l’autre côté, 14 sociétés de l’industrie chimique, les plus grosses au niveau mondial, comme Monsanto ou Dow Chemical. D’un côté 3 avocats, de l’autre, une trentaine. La plainte a été déposée au civil et non au pénal, ce qui est une garantie que le Gouvernement français ne pourra pas interrompre le déroulement d’un procès que les géants de la chimie ont tout fait pour essayer d’éviter : six ans de procédure, 19 reports d’audience ! Ces masto- dontes du privé n’en sont pas à leur coup d’essai. Toutes les autres ten- tatives de procès ont échoué et la class action (plainte de groupe) intentée par les soldats américains eux-mêmes, s’est soldée par un accord à l’amiable et non une condamnation en bonne et due forme

. Car, ce que redoutent par- dessus tout ces entreprises, parmi les plus prospères du monde capi- taliste c’est la mise par écrit d’un jugement qui les mettrait devant leurs responsabilités dans ce crime.UNE ARME CHIMIQUE

Utilisée dans le monde depuis les années 1950 pour l’agriculture, la dioxine a été reconnue comme dan- gereusement toxique en 1969. L’année suivante, le Gouvernement américain l’interdit sur son sol, mais il continue à l’utiliser au Vietnam. L’agent orange en usage dans la guerre contre le Vietnam n’a, d’ail- leurs, pas de commune mesure avec le produit utilisé en agriculture, il est beaucoup plus toxique. La concentration de l’agent orange est, en effet, 13 fois supérieure à celle du désherbant agricole.

Les Américains utiliseront même un «super agent orange» à la fin de la guerre, encore plus dangereux. Conçu pour détruire la forêt où se cachent les maquisards, mais aussi pour affamer les populations rurales, l’épandage du défoliant est respon- sable directement de la destruction de 20% de la forêt vietnamienne.On considère que le nombre de per- sonnes qui ont été exposé aux conséquences de ce produit est compris entre 3 et 4 millions. De plus, du fait de sa grande stabilité, il ne disparaît pas et sa toxicité est toujours là, deux générations après la fin de la guerre, en 1975.

Le ruissellement des eaux dans un pays tropical, comme le Vietnam, augmente même le périmètre des zones contaminées. Les dégâts hu- mains sont considérables : enfants morts-nés ou atteints de malforma- tions congénitales (on considère qu’il y en a 100 000 au Vietnam seu- lement), cancers et maladies diverses. L’Etat américain a réperto- rié 17 maladies possibles chez ses propres soldats. Madame Tran To Nga a 5 de ces pathologies. Elle a perdu une fille et ses petits-enfants sont impactés.UN PROCÈS QUI FERA DATE

Nous serons très attentifs en Gua- deloupe aux débats et à l’issue d’un tel procès qui concerne toute une population empoisonnée par des géants de l’industrie privée qui pen- sent échapper à la justice en pré- textant l’obéissance aux ordres ou aux autorisations gouvernemen- tales. Il est temps que les peuples victimes de ces prédateurs fassent prévaloir la défense de la planète et de l’humain. Il est temps que les auteurs de ces écocides soient tra- duits en justice et répondent de leurs crimes. C’est un combat mon- dial. C’est un procès qui fera date.