Myanmar : Fin brutale de la démocratisation du régime

Déclenché le 1 er février 2021, le coup d’Etat militaire au Myanmar (nom de la Birmanie en langue birmane) semble avoir mis fin à la parenthèse démo- cratique très décevante enta- mée, il y a dix ans, dans un pays qui a vu les militaires au pouvoir sans interruption depuis le début des années 1960.

La dirigeante Aung San Suu Kyi, opposante aux mili- taires et en résidence surveillée pendant 15 ans, a été libérée en 2010. Cinq ans plus tard son parti remporte une écrasante victoire aux législatives et un de ses proches, Htin Kyaw, devient Pré- sident de la République, Aung San Suu Kyi ne pouvant occuper ce poste, selon la Constitution, car ses enfants sont de nationalité britan- nique, celle de son mari. Devenue conseiller du Président, la dirigeante est cependant de fait la Présidente du Myanmar, mais son image internationale, forgée dans ses années de résidence surveillée (elle eut le Prix Nobel de la Paix en 1991), s’est rapidement dégradée lorsqu’il est apparu qu’elle caution- nait un certain nombre de déci- sions politiques très graves.

LA SITUATION DES ROHINGYAS,UN RÉVÉLATEUR DES TENSIONS INTERNES

La crise des Rohingyas a été une des pires crises humanitaires de ce début du 21 ème siècle. Population musulmane très minoritaire dans un pays majoritairement boud- dhiste, les Rohingyas ne sont plus Birmans, par décision du pouvoir.

Dans ce pays qui compte plus de 130 groupes ethniques, la nationa- lité leur a été retirée en 1982, car celle-ci stipule qu’il faut prouver l’ap- partenance au pays depuis 1823 ! Chose très difficile à établir, surtout lorsque l’on est accusé, comme le sont les Rohingyas, d’avoir été ame- nés là par le colonisateur britan- nique, à partir de 1823 précisé- ment. Les deux à trois millions de Rohingyas sont donc devenus apa- trides et, depuis, n’ont plus accès à l’éducation, au droit de vote et à la liberté de circuler.

En 2017, l’armée a commencé une politique systématique de net- toyage ethnique, provoquant un exode de centaines de milliers de personnes vers le Bangladesh voi- sin. Cette situation des Rohingyas s’est avérée alors, un révélateur des tensions internes Aung San Suu Kyi a soutenu l’action des militaires, pro- voquant un tollé international et le retrait d’un certain nombre de ré- compenses qui lui avaient été attri- buées pour sa lutte pour la démo- cratie. Mais à l’intérieur du pays la dirigeante bénéficie toujours d’une immense popularité. C’est le signe très parlant d’un problème fonda- mental de cohésion interne du pays.UN ENJEU GÉOPOLITIQUECOMPLEXE DE PREMIER PLAN

La Myanmar est un pays très pau- vre, mais au sous-sol très riche, et qui a été encore appauvri par des sanctions économiques ayant duré plus de vingt ans, de 1990 à 2011. La ruée des investisseurs euro- péens vers le Myanmar, après la suspension des sanctions, est le signe révélateur des immenses potentialités de développement de ce pays. C’est, d’autre part, un pays doté d’une façade maritime impor- tante(2 000 km) et qui est fron- talier avec la Chine, laquelle se ver- rait bien profiter du débouché maritime que pourrait lui offrir le Myanmar. La discrétion avec laquelle Pékin a condamné le coup d’Etat, pourrait être dictée par des intérêts économiques de cet ordre. Toutes ces données don- nent un aperçu de la complexité de la situation actuelle, et du ter- rain d’un enjeu géopolitique com- plexe de premier plan que consti- tue le Myanmar. NOTRE SOLIDARITÉ PLEINEET ENTIÈRE

Une seule certitude, le coup d’Etat est un brutal retour en arrière d’un pays les plus pauvres de la planète, qui voit s’éloigner la possibilité d’un avenir de paix et de développe- ment. Les manifestations que l’on a vues un peu partout au Myanmar depuis le coup d’Etat du 1er février pour réclamer la libération de cen- taines de responsables politiques, journalistes ou étudiants, sont massives et inventives. Elles utili- sent, par exemple, un symbole directement issu du film de fiction«Hunger Games». Elles ne peuvent qu’entraîner chez nous une solida- rité immédiate pleine et entière.