Les grandes manoeuvres de l’Etat en Guadeloupe

La Guadeloupe vit depuis un certain temps une situation insidieuse, voire délétère, compte tenu des grandes manoeuvres de l’Etat que le peuple a du mal à compren- dre et qu’il faut «dékatyé».

Q ue nos lecteurs nous par- donnent ce petit dérapage, par l’utilisation de ce der- nier vocable de notre si belle langue créole maternelle, inventée sous le fouet rougi de sang des blessures de nos ancêtres, aujourd’hui disparus.

Qu’ils se rassurent ! Nous avons bien le sens des registres linguistiques pour le respect de la bienséance. Mais, ce vocable, «dékatyé», en introduction à nos propos, est tel- lement porteur de la charge révo- lutionnaire que nous voulons exprimer !

Oui, il s’agit, pour nous, de «déka- tyé»les grandes manoeuvres de l’Etat français en Guadeloupe que nous ne comprenons pas, une fois de plus, depuis quelque temps et qui s’apparentent terriblement à ce que nous avons connu à plu- sieurs époques.

Les plus ou moins «a si milé»que nous sommes, par la force des choses, pour évoquer la mémoire de notre compatriote philosophe Henri Bernard dont ne partagions pourtant pas toutes les idées, pour- raient dire, dans la langue de Molière, décrypter cette situation qui pousse à s’interroger, de façon fort inquiétante.

En effet, les hommes et les femmes de cette terre, ont-ils le droit d’en revendiquer l’appartenance, de générations en générations, depuis leur installation par la traite négrière et l’esclavage, après malheureuse- ment l’extermination des Caraïbes, par des envahisseurs venus d’ail- leurs, un autre crime contre l’huma- nité qu’il faudra bien aussi reconnaî- tre un jour ? Ont-ils le droit de défendre la liberté d’expression pour faire entendre et admettre le droit de vivre dans leur pays, dans le respect de leur patrimoine matériel et immatériel, dans le respect de leurs «mès é labitid», dans le respect de leur dignité, et en pleine respon- sabilité ? Et, ce sont bien les ques- tions qui ont été posées, depuis plus de deux cents ans, par ceux qui ont crié à Matouba, «Vivre libre ou mou- rir», le 10 mai 1802, lors de leur proclamation, c’est-à-dire, la recon- naissance d’un peuple nation, libre et souverain, en se demandant préalablement : «Quels sont les coups d’autorité dont on nous menace ?», avant de se faire sauter. On connait la suite… «Tout individu accède à son huma- nité universelle quand il exige le res- pect de sa dignité. A cette question, il ne peut être répondu que par des actes», a enseigné un autre philo- sophe, descendant pourtant des Gaulois, Bernard Michaux, avant de disparaître en 2017, à l’âge de 68 ans. Nous le suivons sur ce chemin. Alors, force est de penser, qu’au- jourd’hui, des grandes manoeuvres sont entreprises au niveau de l’Etat, pour détourner l’attention des Guadeloupéens des sérieux pro- blèmes qui existent dans ce pays, qu’ils dénoncent, et pour lesquels ils revendiquent incessamment, répa- rations. Parmi ces problèmes : - Le crime commis par l’esclavage.

- La vérité sur plusieurs évènements qui ont entraîné, par fusillades, «accidents» fort suspects ou autres, la mort ou les blessures de dizaines d’hommes et de femmes.

- L’empoisonnement pour des cen- taines d’années, en bandes organi- sées, des terres par le chlordécone, et cette entourloupette pour pro- noncer la prescription d’un tel délit.

- La responsabilité partagée avec les affairistes, concernant la privation d’eau à des milliers de familles gua- deloupéennes.

- Les graves manquements à la situation sanitaire et hospitalière.

- Le vieillissement de la population par l’exode organisée de sa jeu- nesse, livrée le plus souvent sur les trottoirs de la France par le canal du Bumidom. - La non prise en compte de la capacité et du droit à diriger les affaires de leur pays.

- Leur dissolution constitution- nellement dans la population française, alors qu’ils revendi- quent leur nature de peuple.

- Leur maintien sous tutelle alors que des voix s’élèvent de plus en plus pour réclamer un pouvoir poli- tique autonome de décision, domi- cilié dans ce pays.

Alors, oui, le peuple guadeloupéen «accuse» de vouloir utiliser des sub- terfuges pour brouiller les pistes, intimider, et évacuer le droit imprescriptible des peuples à l’auto- détermination, reconnu dans la charte des Nations Unies.

Il continuera cependant, quoiqu’il en coûte, à afficher, plus que jamais, à la face du monde, ces «sacs repus» de souffrances et d’aspira- tions à la décolonisation, pour que des réponses satisfaisantes soient apportées par ceux qui entendent le gouverner jusqu’ici. Car, sur cette terre d’accueil et d’hospita- lité de Guadeloupe, il exige que celui qui arrive soit bien pénétré d u fait que le «vivre ensemble» ne saurait se réduire à une juxtaposi- tion de communautés. L’arrivant d oit s’interdire tout comporte- ment avéré exprimant, avec mépris de surcroît : «ôte-toi que je m’y mette». Tout cela s’apparente en outre à des grandes manoeu- vres pour garantir la réélection ou l’élection de pouvoirs pouvant faire perdurer ce mode de gou- vernance à structure coloniale.

Au Parti Communiste Guadelou- péen, nous invitons donc le peu- p le guadeloupéen, et singulière- ment la jeunesse, à réfléchir, à raisonner en bonne intelli- gence, à se regrouper et à reje- ter toute velléité qui tendrait à favoriser la continuité de ce qu’Aimé Césaire a appelé, un «génocide par substitution».

P ar la formule de ces quatre «R» : Réfléchir, Raisonner, Regrouper, Rejeter, le peuple guadeloupéen ne s aurait accepter alors des tentatives de toutes sortes pour le réduire au silence. C’est le moins qu’il puisse faire pour préserver l’avenir et le bonheur de ses enfants.