LE CHEMIN DE L’ESPÉRANCE (1)

Je choisis de livrer ce texte à votre réflexion parce que je trouve qu’il exprime parfaitement l’esprit des Assises des Forces Patriotiques,Anticolonialistes et Anticapitalistes.

L e libéralisme économique prétendant succéder aux idéologies se révèle comme une idéologie en faillite. Son laisser-faire a déterminé des réussites partielles, mais a provoqué plus d'appauvrissement que d'enrichis- sements. Sous son égide, la mondialisation, le développement, l'occidentalisation -trois faces du même phénomène- se sont mon- trés incapables de traiter les problèmes vitaux de l'humanité. L'impuissance du système planétaire à traiter les problèmes vitaux qu'il génère le condamne à la désintégration ou à la régression, à moins qu'il ne réussisse à créer les conditions de sa pro - pre métamorphose, celle qui le rendrait capable à la foisde survivre et de se transformer. Notre système planétaire est condamné à la mort ou à la métamorphose. Cette métamorphose ne peut advenir qu'au terme de multiples processus réformateurs- transformateurs qui se conjoindraient comme les rivières confluent pour former un fleuve puissant. Alors notre époque de changements serait le prélude d'un vrai changement d'époque. Nous devons prendre conscience que la mondialisation constitue à la fois le meilleur et le pire de ce qui a pu advenir à l'humanité. Le meilleur, parce que tous les fragments de l'humanité sont pour la première fois devenus interdé- pendants, qu'ils vivent une com- munauté de destin qui créé la possibilité d'une terre patrie, laquelle, répétons-le, loin de nier les patries singulières, les engloberait. Le pire, parce qu'elle a donné le départ à une course effrénée vers des catastrophes en chaîne. L'essor incontrôlé des pouvoirs manipulateurs et destructeurs de la science et de la technique, le déchainement tous azimuts de l'é - conomie de profit ont engendré la prolifération des armes de destruction massive et la dégradation de la biosphère, cependant qu'aux totalitarismes du XXesiècle ont succé- dé la tyrannie d'un capitalisme financier qui ne connaît plus de bornes, soumet Etats et peuples à ses spéculations, et le retour de phénomènes de fermeture xéno- phobe, raciale, ethnique et territoriale. Les ravages conjugués d'une spéculation financière et de fana- tismes-manichéismes aveugles amplifient et accélèrent les processus annonciateurs de catastrophes. Nous devons en même temps prendre conscience que si le déve- loppement à l'œuvre aujourd'hui dispense des prospérités «à l'occidentale» à une fraction des populations du monde, il a aussi produit d'énormes zones de misère et sécrète en soi de gigantesques inégalités. Il faut savoir à la fois mondialiser et démondialiser. Il faut poursuivre la mondialisation qui nous donne une communauté de destin d'êtres humains de toutes origines, menacés par des dangers mortels. Nous devons tous nous sentir solidaires de cette planè te dont la vie conditionne la nôtre. Il nous faut sauver notre terre mère. Nous proposons de perpétuer et de développer tout ce que la mondialisation apporte d'inter - solidarités et de fécondités culturelles, mais, dans le même temps, nous proposons de restituer au local, au régional, au national des autonomies vitales, et de sauvegar- der et favoriser partout les diversi- tés culturelles. Il nous faut démondialiser pour donner toute sa place à l'économie sociale et solidaire, pour sauvegarder l'économie du terroir, préserver l'agriculture vivrière et l'alimentation qui y est liée, les artisanats et les commerces de proximité, enrayer ainsi la désertification des campagnes et la raréfaction des services dans les zones périurbaines en difficulté. De même devons-nous indiquer que la formule standardisée du développement ignore les solidari - tés, les savoirs et savoir-faire des sociétés traditionnelles, et qu'il faut repenser et diversifier le dévelop- pement de façon à ce qu'il préser- ve les solidarités propres aux enveloppements communautaires.

(1) Tiré de l'essai politique co-écrit par Stéphane Hessel, ancien résistant, co-rédacteur de la Déclaration des Droits de l'Homme, auteur de l'opuscule «Indignez-vous» et Edgard Morin, Directeur de recherche émérite au CNRS, penseur trans-disciplinaire et indiscipliné