Fleurit-Noël… Et pourtant !

Oui, je m’appelle fleurit-Noël dans de nombreux pays où on a la chance de m’appré- cier selon la saison. Cette appel- lation peut être associée à d’autres, par exemple, «neige du Kilimandjaro» et j’appartiens à une grande famille : celle des Euphorbiacées, comme les poinsettias.

M on but n’est pas de vous détailler mon anatomie que scientifiques et cher- cheurs vous ont décrite avec exac- titude. Je veux simplement dire, que je souhaiterais attirer votre atten- tion davantage sur la place que vous me réservez, depuis que je suis arrivée de ce grand bassin Caraïbe, comme d’autres sont arrivés d’Afrique, de l’Inde et aussi d’ailleurs. Ces derniers, sans cher- cher à envahir mon espace, ont col- laboré à notre photoynthèse. J’ai regretté mon pays mais, je me suis adaptée pour survivre.

Ainsi, vous avez simplement cons- taté, avec joie, que mon trousseau est différemment garni par rapport à ceux de mes consoeurs qui ont aussi² leur place dans votre jardin. Vous avez aussi constaté que, dans ce pays Guadeloupe que j’apprécie tant, à l’approche du carême, je me dénude. Ce n’est point par goût du nudisme. C’est pour vous permet- tre de vous rendre compte que je suis frêle mais que je vous tends mes innombrables bras qui s’ou- vrent en forme de très grand para- pluie, autour de mon corps dont la taille ne dépasse pas trois mètres. Je ne vous tiendrai pas rigueur si vous me les tailler pour obtenir une apparence plutôt en boule. Je serai même contente, car je ne tarderai pas à générer d’autres bras qui s’ajouteront à l’existant. Et vous n’attendrez pas longtemps pour me voir me rhabiller d’une belle robe verte qui enrichit votre jardin verdoyant et fleuri.

Je suis prêt alors à intensifier mon travail pour vous surprendre, en quelques semaines. Vous pouvez continuer à soigner mes com- pagnes fleuries qui vous permet- tent de réaliser de beaux environne- ments. Mais, vous ne voyez même pas que je travaille comme elles, dans une plus grande discrétion car, je veux vous surprendre.

Et ne voilà-t-il pas que l’hivernage approche et que de plus en plus rapidement, je me voile tout de blanc, un blanc naturel comme si j’allais me marier, selon la tradition, car la fête que vous appréciez tant et qu’attendent vos enfants ne va pas tarder à arriver. C’est Noël ! Quelle belle plante vous me trouvez et, tous les passants, même les papillons, s’exclament autant que vous ! Boule de neige qu’on m’a aussi surnommée dans certains pays y compris dans ce beau pays tropical ensoleillé. Cela me dérange parfois mais, je ne vous garde pas rancune, car je sais qu’on vous l’a fait répéter inconsciemment. Mes myriades petites fleurs, au parfum subtil, fragrant, ont déployé leurs blanches bractées qu’accentuent encore les rayons du soleil. Noël, jour de l’an, carnaval, passés, s’ins- talle le carême. Je me déshabille progressivement pour que vous n’ayez pas trop de regret, puisque ma robe devient rosée petit à petit. Vous constatez, en décou- vrant de petites graines sphé- riques, que je n’ai jamais été inac- tive. Vous vous consolez, sachant que je recommencerai encore plus fort pour vous faire plaisir l’année suivante. C’est cela ma vie !MA REVENDICATION

Si j’ai voulu vous parler, c’est que j’ai une très importante revendi- cation. Je souhaiterais avoir ma place, toute ma place, ma juste place, ma place légitime, quand vous fêtez Noël. Ce n’est pas de la xénophobie, ni du racisme, ni surtout de la jalousie. Je ne vous dis pas de les chasser, ces allo- gènes. On peut cohabiter. Mais, vous voir faire souffrir votre porte-monnaie, les voir vous saper comme ils portent bien leur nom, «sapins», j’ai un senti- ment de révolte. Vous appelez cela de la «pwofitasyon» et ils peuvent aussi augmenter l’em- poisonnement de vos terres, délibérément et sans scrupules. Alors, j’affirme que, m’enguirlan- der dans mon espace, que vous pouvez adapter, je peux, aussi bien, peut-être encore mieux, faire la joie de vos enfants quand ils viendront découvrir tous leurs joujoux à mon pied. Votre porte- monnaie épargné contribuera d’ailleurs à accentuer vos festivi- tés de fin d’année.

Essayez et vous verrez mais, sur- tout, dites-le autour de vous, sur- tout à votre jeunesse car, s’il était possible que tous les autres qui franchissent l’Atlantique, en regrettant amèrement de ne pou- voir dériver autrement que par cargaison aérienne ou maritime, même vêtus aussi de blanc, par abus de langage, et surtout domi- nés consciemment par leurs fan- tasmes de supériorité, procéde- raient assurément à ce que vous appelez depuis longtemps : «un génocide par substitution».

Tous mes semblables vous tien- dront les mêmes propos. D’ailleurs, vous vous plaignez déjà que beaucoup ont disparu, sans espoir de retour. N’est-ce pas pour cela que vous parlez de : «la préservation de vos biodiversités ou préservation des espèces autoch- tones» ?En attendant, mon frère Filao est prêt à s’amputer d’un de ses robustes bras pour vous pro- curer autant de bonheur. J’ai confiance en vous !