Algérie : Un passé colonial toujours présent

La France n’a toujours pas réussi à regarder en face son très long passé colonial sur quatre continents, l’Amérique, l’Asie, l’Afrique et l’Océanie. Ce passé est particulièrement lourd avec l’Algérie, et il remonte périodiquement à la surface, sans cesser d’interpel- ler, notamment en raison de sa violente domination.

La conquête de l’Algérie remonte au XIXème siè- cle, en 1830 et elle se ter- mine en 1962, avec les accords d’Evian. Ceux-ci concluent une guerre de huit ans ayant fait d’in- nombrables victimes algériennes et causé de profondes blessures, bien loin d’être cicatrisées dans les rela- tions entre les deux peuples.

Sans revenir en détail sur la guerre et sa grande violence, il faut néan- moins rappeler certains faits. Le comportement de l’armée fran- çaise a été, comme cela est toujours le cas avec une guerre asymétrique, d’une grande brutalité, en particu- lier avec la population civile. Indépendamment du nombre élevé de victimes, la torture, les viols et les exactions en tous genres, ont fourni une longue liste de méfaits qui, aujourd’hui, vaudraient la traduc- tion immédiate de la France devant la Cour Pénale Internationale.

Le sort des supplétifs de la France, les Harkis, a été lui aussi traité avec un mépris total des droits de l’homme. Pour finir sur ce chapi- tre, et comme si cela ne suffisait pas, la France a continué après la guerre, jusqu’en 1966, une cam- pagne d’essais nucléaires dans le Sahara, dont les effets à long terme sont à craindre.DES CRIMES QUI NE SONTQU’UNE GOUTTE D’EAU DANS L’ENSEMBLE DES CRIMES DE L’ARMÉE FRANÇAISE

Comme toute histoire coloniale, l’histoire de la domination française de l’Algérie est à la fois une histoire algérienne et une histoire française. En veut-on des exemples ? Ils sont légions. Macron vient récemment, le 2 mars 2021, de reconnaître la responsabilité de la France dans l’as- sassinat de l’avocat du Front de libé- ration nationale (FLN), Ali Boumendjel. Il avait auparavant, en 2018, fait le même geste pour le Français Maurice Audin, membre du Parti Communiste Algérien. Mais sait-on que le militaire qui, en 1957, a ordonné les assassinats d’Ali Boumendjel, et de Maurice Audin, le général Aussaresse, avait lui- même tranquillement revendiqué ces deux crimes, dans un ouvrage sorti en France en 2000 ?

La jeune génération sait-elle que Jean-Marie Le Pen, qui a été le diri- geant du Front National jusqu’à il y a peu, a lui-même défendu la tor- ture à l’Assemblée nationale, en 1957, puis dans une interview en 1962 ? Et il y a de fortes raisons de croire qu’il l’a pratiquée de façons répétées. Ces noms et ces crimes ne sont qu’une goutte d’eau dans l’ensemble des crimes de l’armée française mais ils montrent à quel point cette histoire est aussi une histoire franco-française. Et, scan- dale supplémentaire, ces militaires criminels finiront leur vie dans leur lit, pour la plupart.

LE RAPPORT BENJAMIN STORAPOUR LA RECHERCHE DE RÉCON- CILIATION ENTRE LES DEUX PAYS

Commandité par l’Etat et remis à Macron le mercredi 20 janvier 2021, le rapport Benjamin Stora s’intitule «Les questions mémo- rielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie». Il répond à une recherche de réconciliation entre les deux pays. Celle-ci paraît difficile pour l’instant, car il y a en effet des deux côtés de la médi- terranée des instrumentalisations du passé colonial. Mais ce rapport propose néanmoins des pas posi- tifs, en particulier par l’ouverture la plus large des archives permet- tant aux historiens de faire leur travail. Toutefois, cette histoire ne pourra pas s’apaiser si une vérita- ble analyse de la colonisation n’est faite, et si les responsabilités de l’exploitation économique ne sont pas clairement pointées du doigt.

Dans une société de classe comme l’est la société française, ne pas dénoncer précisément la nature de l’exploitation, c’est se condam- ner à voir ressurgir de façon régu- lière toutes les manoeuvres d’enfu- mage idéologique, qui combinent islamophobie, délire nationaliste et haine de l’autre. C’est se retrou- ver prisonnier du passé et contri- buer à aggraver les blessures de son héritage douloureux. Les com- munistes prendront toute leur part dans ce travail d’élucidation. Il en va de la paix et de l’amitié entre les deux peuples, algérien et fran- çais auxquels, rappelons-le, ceux des Antilles se sont joints, en parti- culier à travers la contribution éminente de Franz Fanon.