Les conditions de vie des femmes dans la Guadeloupe d'aujourd'hui

Le 8 mars,Journée Internationale de la Femme est la date choisie par l'ONU pour mener la réflexion sur les conditions de la femme dans le monde.En Guadeloupe,cette journée est marquée par différentes manifestations organisées par des associations ou institutions pour échanger sur lasituation des femmes dans lasociété guadeloupéenne. Cette année encore le débat sur le qualific atif de «femme poto-mitan» qui est attribué àla femme guadeloupéennedepuis que nous écriv ons notre propre histoire revient avec insistance.Mythe ou réalité telle est la question posée à la réflexion des hommes et des femmes ? Pour l'éclairer nos lecteurs, notre journal Nouvelles Etincelles a interrogéquelques femmes de situation sociale et d'opinions différentes qui donnent leur point devue sur les conditions desfemmes dans la Guadeloupe d'aujourd'hui et leur perception s'agissant du qualific atif de «Femme poto-mitan».

MME CHRISTIANE GASP ARD- MÉRIDE, PRÉSIDENTE DE L'ASSO- CIATION FORCES (FÉDÉRATION FÉMININED'ORGANI - SATION ET DE REVALO-RISA TION CULTURELLEÉCONO - MIQUE ETSOCIALE)

Elle considère que les femmes osent, elles entreprennent, elles agissent. Les femmes ne veulent plus faire seules mais avec l'homme. Selon Mme Gaspard- Méride, les femmes veulent redonner à l'homme sa place et constituer un partenariat basé sur le respect mutuel. Pour éradiquer l'a priori qui peuvent y avoir entre l'homme et la femme, elle invite d'abord les femmes à se rapprocher des hommes et les invitent à privilégier le dialogue afin que les deux êtres soient au même niveau de compréhension. Pour autant, Mme Gaspard-Méride réfute le qualificatif de fanm poto-mitan qui pour elle ne représente que la souf france. L'association FORCE qu'elle préside nous livre t-elle, a depuis 1996 introduit dans ses réflexions, l'émergence d'un nouveau partenariat de femme basé sur le respect mutuel.

MME LILIANE THILBY REPRÉ- SENTANTE DE FANM DOUBOUT

Les condi - tions de la femme gua- deloupéenne ont évo - luées

. De femmepoto-mitan à femme pilier, elles sont aujourd'hui des femmes debout (Fanm Doubout). Selon Mme Thilby, les femmes potomitan date de l'époque où l'homme n'était pas en mesure de remplir son rôle pour diverses raisons. Elle estime que la femme ne peut pas indéfiniment supporter tout le poids de la structure familiale et qu'il fal - lait y mettre un terme. Elle ren- chérit en disant que le rôle de oto-mitan revient à l'homme et que la femme doit être à ses côtés pour lui porter main forte.

MME PATRICIA BRAFLANTROBO, SOCIOLOGUE

Les femmes, aujourd'hui, en Guade- loupe sont très aidées car elles pro- fitent de l'évolutiontechnique.Cependant, elle estime que les fem- mes sont soumises à beaucoup de contraintes et à beaucoup d'injonctions. Elle constate qu'onleur demande d'être beaucoup de choses en même temps. Elle est persuadée que les femmes perdent parfois la tête dans tout cela, c'est-àdire qu'elles doivent ê tre des mères impeccables, des femmes poto-mitan, des épouses parfai- tes, des mères qui élèvent leurs enfants parfaitement, des «maîtresses» parfaites, des bombes sexuelles, des tops modèles puisqu'elles doivent être minces, elles doivent être toujours «manucurées»…MmeBraflan-T robo n'hésite pas à souligner ce qu'elle considère comme étant des injonctions contradictoires, imposées par la société que beaucoup de fem- mes n'arrivent pas à gérer. L'inconvénient nous livre t-elle, c'est que les femmes se perdent en voulant répondre à tout et finalement, elles négligent par - fois l'essentiel c'est-à-dire les enfants quand il y en a. Quand à l'usage de l'expression «Fanm poto-mitan», elle déclare qu'elle adhère à 200%. Elle pense qu'il ne faut pas s'attaquer à des expressions car ce ne sont que des expressions. Les études menées par la sociologue laissent apparaître que dans toutes les sociétés les femmes sont des poto-mitan. En Guadeloupe plus particulièrement et dans les sociétés postesclavagistes poursuit-elle, c'est normal, parce que ce sont des sociétés qui ont érigées la femme en «maîtresse». Le proverbe africain nous enseigne que «la femme est la ceinture qui tient le pantalon de l'homme», cela veut dire que c'est un rôle partagé de façon assez général. Mme Braflan-T robo invite les femmes qui se sont résolument élevées contre ce modèle de femme «poto-mitan» à recon - naître leurs échecs qui couron- nent leurs expériences, c'est-àdire finalement en démission - nant de tous les rôles qui leurs étaient attribués. En définitive, conclut-elle,

la femme de par sa fonction de reproduction, c'est elle qui donne la vie, elle a génétiquement une fonction de lea - der au sein de la société. On peut l'appeler fanm poto-mitan, fanm doubout… Mais, elle reste un élément central de la société.

MME MONA CADOCE REPRÉ- SENT ANTE DE L'UNION DES FEMMES GUADELOUPÉENNES

Elle constate que les femmes connais - sent des condi - tions de vie de plus en plusdif ficiles. Contrairement à leurs aînées, elles peuvent pour beau- coup être partiellement déchar - gées des tâches domestiques grâce à la prolifération des appareils ménagers nous rassu - re-t-elle. Le fait qu'elles soient plus nombreuses à avoir une autonomie financière, un niveau d'étude important, une formation professionnelle solide, une possibilité plus grande de conduire et d'orienter leur vie personnelle et familiale ne peut pas masquer la réalité desdif ficultés auxquelles elles sont confrontées. Selon Mme Mona Cadoce, aujourd'hui, les femmes vivent dans une société où la «mar- chandisation» de l'être humain a atteint des sommets. Elle pour- suit en disantque les femmes sont confrontées à des problèmes nouveaux qui viennent majorer les effets d'un chômage massif, de la précarité, du sous emploi, des bas salaires, des discriminations sexistes, autant de maux qui les touchaient déjà. La représentante de l'UFG souligne qu'elles sont très nombreuses à être chef de famille et à élever seules leurs enfants. Cela dans un contexte sociétal où toutes les structures qui garantissaient le respect des valeurs fondamentales ont été très affaiblies. Elle pointe du doigt le contexte dans lequel se trouve le pays tout entier qui subi des modes et les influences venues d'ailleurs sans avoir la possibilité de résister et de choisir les évolutions qui prennent en compte ses réalités économiques, culturelles, climatiques et autres. Elle note aussi que les femmes sont très souvent victimes de graves violences de la part de leurs partenaires qui ont du mal à accepter leur aspiration à une vie épanouie et leur décision de gagner leur liberté. Cependant, Mme Cadoce reconnaît que toutes les femmes de Guadeloupe ne sont pas dans la même situation, que leurs conditions sont fonction de leur classe sociale mais que cel - les qui sont issues des couches populaires sont les plus nombreuses et les plus pénalisées. L'UFG par la voix de sa représentante, estime que toutes les femmes ont intérêt à changer la vie en Guadeloupe pour la rendre plus juste, plus équitable et plus respectueuse de nos valeurs fondamentales. Interrogée sur l'expression «fanm poto-mitan» qui fait couler beau- coup d'encre parmi la gente féminine guadeloupéenne, Mme Cadoce la qualifie comme celle qui garantit la solidité de l'édifice familial. Elle réfute l'idée déve- loppée par certains qui prétendent que la femme poto-mitan doit assumer toutes les responsa- bilités dans la famille. Elle ne sou- tient pas l'idée selon laquelle qu'il est temps d'en finir avec la notion de «fanm poto-mitan» au prétexte qu'il faut que l'homme et la femme se partagent les tâches et responsabilités dans le couple. Elle estime que c'est une vue sexiste et dangereuse pour la Guadeloupe. Cependant, elle reconnaît que le partage équita- ble des tâches et responsabilités dans le couple est une revendication juste. La représentante de L'UFG invite les familles à éduquer leurs enfants dans cet espritlà. Ramener le concept de «fanm poto-mitan» à ce seul critère conduit à nier la nature du ciment qui a permis d'édifier le peuple guadeloupéen, c'est faire fi de l'extraordinaire courage, détermination et esprit de sacrifice de nos aînées qui ont assuré avec dignité et efficacité le rôle de poto mitan dans leur foyer, renchérit-elle. Mme Cadoce met en garde contre la fausse modernité qui consisterait à enlever un «poto» pour mettre du vent à la place. Elle conclut en disant : «Une chose est sûre, la famille guadeloupéenne a besoin d'un poto mitan pour tenir avec efficacité son rôle de pilier de notresociété».

MME MARIE-AGNÈS CASTRO DE LA CGTG

Les condi - tions des femmes sont loin d'être satisfaisan- tes, car, il reste beaucoup à faire pour parve - nir à l'égalité et cela sur tous les plans, aussi bien sur le plan professionnel, sexuel, sur le plan des droits des femmes en générale. Il y a un long chemin à parcourir concernant les violences faites aux femmes. S'agissant de l'expression «fanm poto-mitan», Mme Castro estime que c'est une expression qui n'a pas de sens. Elle se prononce pour que l'homme aussi bien que la femme se mettent ensemble pour mener la lutte. A la CGTG, le seul credo, c'est que tout le monde se batte pour obtenir de meilleures conditions de travail. Si

aujourd'hui certaines femmes sont contre que l'on voit en elles la femme «poto-mitan» c'est qu'en réalité leurs conditions ont changées et elles sont plus émancipées. Il y a des lois qui protègent les droits qu'elles ont conquises. Les femmes d'aujour- d'hui, malgré toutes leurs difficultés ne connaissent pas la même misère d'autrefois.