Mort de Georges FloydUn verdict historique

Dans le procès du principal accusé de la mort de Georges Floyd, le policier Derek Chauvin, la décision du jury sonne comme une grande victoire aux USA, et ailleurs, pour tous ceux qui lut- tent contre le racisme systé- mique qui gangrène les sociétés ayant connu l’esclavage.

Un obstacle a été franchi. La décision qui a été prise par le jury du tri- bunal de Minneapolis, doit toutefois être remise dans son contexte, pour mieux en comprendre la por- tée. En se prononçant à l’unani- mité pour la culpabilité de Derek Chauvin et en le déclarant coupa- ble du meurtre de Georges Floyd, le jury n’a pas seulement pro- noncé un verdict rarissime. Il a aussi, par sa seule, présence envoyé un message fort.

Et ce message vient directement des autorités de l’Etat du Minnesota et de son procureur Keith Ellison qui ont poursuivi pénalement Derek Chauvin pour meurtre. En effet, dans la plupart des cas, les policiers américains ne sont pas poursuivis pénalement par les autorités, mais civilement par les victimes.

Et dans le cas d’un procès civil, un pare-feu très efficace se met en place : «l’immunité qualifiée». Celle-ci accorde, comme son nom l’indique, l’immunité à tout fonc- tionnaire de police qui, de bonne foi (!), utilise une pratique sans savoir si la loi l’autorise ou pas. Cette qualification de l’immunité, validée par la cour suprême en 1967, sert de protection dans toutes les violences policières.

Elle a été, ici à Minneapolis, impossi- ble à utiliser car c’est l’Etat lui- même qui a décidé de poursuivre Derek Chauvin. On notera que, d’autre part, le jury était aussi inha- bituel dans ce genre de procès et qu’il comprenait six blancs, quatre noirs et deux métis. Ces données ne sont pas négligeables aux USA, où l’on a, fréquemment, vu des jurys entièrement blancs acquitter des policiers blancs ayant tué des citoyens noirs.

L’USAGE INDISPENSABLE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

On dit souvent que les nouvelles technologies, comme celle des por- tables qui nous pistent en perma- nence, sont ennemies de la liberté et de la démocratie. Ce n’est pas faux sur certains plans. Mais ici, une partie de l’immense émotion plané- taire qui a suivi la mort de Georges Floyd, assassiné par un policier qui l’a étouffé, vient d’une vidéo, celle d’une jeune fille de 17 ans, Darnella Frazier, qui a filmé cette agonie jusqu’au bout, et l’a ensuite diffusée sur les réseaux sociaux. Dans un nombre considérable de cas, le genre de meurtre dont a été vic- time Georges Floyd se serait ter- miné par un non-lieu sur la foi des paroles du policier. Ici les images accusent, sans aucune échappa- toire. On peut donc dire que l’usage des nouvelles technologies est indispensable.UN SYMBOLE NE SUFFIT PAS

Breonna Taylor, Tamir Rice, Eric Garner, Michael Brown, Christian Taylor, Freddy Gray, ne sont que quelques noms d’une très longue liste de Noirs tués par la police amé- ricaine et pour lesquels aucune peine n’a été prononcée. Dans de très nombreux cas, une mise à l’écart de la police n’a même pas été envisagée. Un symbole ne suffit pas. C’est dire s’il reste du chemin avant de voir disparaître la situation actuelle des violences policières contre les Noirs (et il faut le rappe- ler, les Latinos).

Barak Obama, Joe Biden et le pro- cureur de l’Etat du Minnesota, Keith Ellison, ont tous souligné qu’un travail considérable est devant la société américaine pour démonter les rouages du racisme systémique qui se trouve à chaque pas, dans la justice, dans les pri- sons, dans l’enseignement, et dans la rue. Mais comme l’a dit, avec justesse, la jeune poétesse Amanda Gorman qui a fait sensa- tion lors de l’investiture de Joe Biden : «La victoire serait que Georges Floyd soit toujours en vie. Chaque jour, les Noirs américains s’inquiètent de savoir s’ils seront les prochains, un jour de plus sans jus- tice».Le chemin sera long, mais le procès des assassins de Georges Floyd marquera sans doute pour longtemps les mémoires.