La foutaise anticommuniste des «100 millions de morts» (2 ème partie)

Les avancées sociales du monde développé ne sont pas le fruit de la générosité patronale, mais de conquêtes arrachées de haute lutte. En construisant un rapport de forces favorable, les combats menés par les communistes ont joué un rôle majeur. Leur influence dans les syn- dicats, le contre-pouvoir instauré dans les pays développés, mais aussi le prestige de l’Union Soviétique et l’écho rencontré par les avancées obtenues dans les pays socialistes ont contribué au progrès social en Occident et ailleurs.

Mais il en faut davantage pour décourager les détracteurs du com- munisme. Les violences commises lors des processus révolutionnaires, en effet, servent de prétexte à une interprétation anhistorique.

Réduisant le processus réel à un théâtre d’ombres idéologiques, cette lecture partisane s’affran- chit de toute contextualisation. Elle occulte alors la véritable signi- fication du phénomène commu- niste : la réponse des masses pro- létarisées à la crise paroxystiquede sociétés coloniales et semi- coloniales (Russie, Chine, Corée, Vietnam, Cuba). Dans la même veine, le décompte des victimes du communisme se prête à une inflation grotesque.

On empile alors sans nuance les morts de la guerre civile russe, de la guerre civile chinoise, de la col- lectivisation forcée, du Goulag, du Grand Bond en Avant et de la Révolution culturelle. Nier la réa- lité des violences commises au nom du communisme est absur- de, mais les compilations de chif- fres qui interdisent toute compré- hension historique et identifient le communisme à une entreprise cri- minelle sont ineptes.

Cette supercherie a évidemment pour finalité d’occulter la contribu- tion du capitalisme aux horreurs du siècle. Elle s’affranchit d’une série de faits massifs : les massa- cres coloniaux, les guerres impé- rialistes, les crimes des dictatures et les embargos imposés par les prétendues démocraties, sans par- ler de la paupérisation de popula- tions entières par le capitalisme, ont fait vingt fois plus de morts que le communisme. Les critères d’appréciation que l’on applique à ce dernier deviendraient-ils sans objet lorsqu’on veut les appliquer aux crimes capitalistes ? Et des atrocités commises par les démo- craties occidentales, pourquoi ne déduit-on pas le caractère crimi- nogène du libéralisme ?

Puisque les fourriers de l’anticom- munisme adorent les chiffres, on ne résistera pas au plaisir de leur en donner quelques-uns. Lorsque Hannah Arendt accrédite la thèse d’un «système concentration- naire» homogène qui serait com- mun au nazisme et au stalinisme, par exemple, il est clair qu’elle s’af- franchit de la réalité des faits. Contrairement aux camps nazis, le Goulag n’obéissait pas à une logique d’extermination, mais de punition et de rééducation. Et des travaux menés par les historiens J. Arch Getty, Gábor T. Rittersporn et Viktor N. Zemskov depuis l’ouver- ture des archives soviétiques, il res- sort un tableau du système carcéral soviétique beaucoup plus fiable que les extrapolations habituelles.