MÉ 67 : Vérité, Justice et Réconciliation
«Le 25 mai 2017, à l’occasion du 50ème anniversaire du massacre des 26 et 27 mai 1967, le Parti Communiste Guadeloupéen a lancé un appel aux organisations anticolonialistes, anticapitalistes et patriotiques à travailler ensemble à la tenue d’une confé- rence nationale sur le thème «Mé 67 : Vérité et réconciliation». Quatre ans après nous n’avons pas reçu de réponse permettant d’enclencher le processus d’organisation collective de cette conférence. Pourtant, les manifestations qui se renouvellent chaque année montrent que «Mé 67» fait toujours l’objet de manipulations his- toriques, de mensonges, de divisions et d’exutoire pour les héros qui n’ont pas fait la guerre, encore moins la révolution. En 2021, cet appel garde toute son actualité. Nous le renouvelons et nous allons nous adresser à chaque organisation anticolo- nialiste, anticapitaliste et aux patriotes pour ouvrir la voie à une vérité partagée et à la réconciliation». LETTRE OUVERTE AUX ORGANISATIONS ANTI-COLONIALISTES ET AUX PATRIOTES GUADELOUPEENS
MAI 1967 : 50 ANS APRES, EST VENU LE TEMPS DES VERITES ET DE LA RECONCILIATIONChers(es) compatriotes,
Les 26 et 27 mai prochain, les Guadeloupéens vont s"arrêter pour «sonjé» Mai 1967, pour honorer la mémoire des victimes de ce massa- cre de masse, commis à Pointe-à- Pitre par les forces de répression de l"armée française.
Ce crime, perpétré sur ordre des plus hautes autorités de l"Etat fran- çais, et dont le nombre de morts et de blessés n"est toujours pas connu avec certitude -on parle de 8 à 80 morts dans les déclarations offi- cielles- sera revisité à la veille d"une autre grande date de notre histoire, l"anniversaire de l"abolition de l"es- clavage des nègres.
Le lien entre ces deux crimes porteun nom : le colonialisme français
Les descendants des esclaves, les forces de progrès, les humanistes,ont réussi, après 150 ans de men- songes et de falsifications des Etats qui se sont enrichis de ce com- merce abominable, à faire reconnaî- tre l"esclavage comme un crime contre l"humanité.
Cinquante ans après la tuerie sau- vage dans les rues de Pointe à Pitre, l"Etat français cache toujours son rôle de bourreau. Sous le voile du silence, il recouvre son crime du sceau de secret d"Etat.
Il nous faut reconnaître, que nous lui avons grandement facilité la tâche. Car, à la vérité, l"analyse de la situa- tion à l"origine de cette violence aveugle qui a déferlé sur Pointe-à- Pitre et ses retombées politiques et sociologiques a été, orientée, parti- sane, voire à certains égards, tra- vestie par les forces politiques et sociales guadeloupéennes.
Cela a eu comme première consé- quence de déplacer les responsabi- lités, d"occulter le caractère pré- médité de cette décision de mas- sacrer, prise au plus haut niveau de l"Etat français, dans le but d"élimi- ner ce qu"il considérait comme un danger intérieur,menaçant sa pré- sence coloniale en Guadeloupe et dans la Caraïbe.
Quel était ce danger, qui était cetennemi intérieur en 1967 en Guadeloupe, pour faire perdre son sang-froid au pouvoir français et le conduire à commettre un tel crime à Pointe-à-Pitre ?
Aucune réponse sérieuse et consen- suelle n"a été apportée à ces ques- tions, jusqu"à aujourd"hui.
L"ennemi, pourtant identifié, visible : l"Etat français qui a fait parler les armes, les tribunaux, ses agences de renseignements et de désinfor- mation, pouvait tranquillement se p résenter les mains blanches à la face du monde.
Les Communistes guadeloupéens ont subi, pendant 40 ans, un procès à charge pour cause de trahison et de collaboration.
A lors que, dès le 30 mai 1967, soit 3 jours après les évènements, le député communiste Paul Lacavé intervenait à l"Assemblée natio- nale pour dénoncer le crime et demander :
- Le retrait des forces de répression de la ville de Pointe-à-Pitre.
- La libération de tous les pri- sonniers
- L"indemnisation des familles de toutes les victimes.
Une année après, le 27 mai 1968, il déposait, avec le groupe commu- niste, une proposition de loi sur les bureaux de l"Assemblée nationale réclamant la mise en place d"une commission d"enquête parlemen- taire sur les évènements de mai 1967 en Guadeloupe.
Les groupes révolutionnaires qui rêvaient de bouter le colonialisme français à la mer, sitôt terminé le procès des patriotes début 1968 à Paris, s"enfermaient dans le silence et les dénis, disparaissaient dans la nature, laissant l"auteur du crime seul maître du terrain.
Il a fallu attendre 1997, soit trente ans après, pour entendre s"élever une revendication politique par la voie de la municipalité communiste de Petit-Canal avec le dépôt d"une requête demandant à l"Etat colonial l"ouverture d"une enquête sur les évènements des 26 et 27 mai 1967.C"est seulement en octobre 2006 qu"a vu le jour, l"association «ANMWE 67» qui se donnait pour mission de faire toute la lumière sur les évènements tragiques de mai 1967 à Pointe-à-Pitre.
Des choses importantes ont été faites par cette association sur le plan de l"histoire, de la mémoire et de l"interpellation politique de l"Etat français.
Ces combats livrés ensemble, 40 ans après les faits, pour le triomphe de la vérité, la justice et la condam- nation du crime ont ouvert une brèche dans le mur de silence dressé par l"Etat, avec la mise en place d"une commission d"informa- tions et de recherches historiques sur ces évènements par le ministère de l"Outre-Mer. Le rapport de cette commission dit rapport Stora, n"a apporté aucune réponse valable, vraiment nouvelle, permettant de satisfaire les demandes de vérité et de justice exprimées par les Guadeloupéens. La lutte continue donc pour faire éclater toute la lumière sur ce crime d"Etat en Guadeloupe.
Mais, la recherche de la vérité ne s"arrête pas seulement au rôle de l"Etat, au nombre de morts et de blessés, au traumatisme psycholo- gique généré par ce massacre.
Le moment est venu aussi, pour les Guadeloupéens, d"ouvrir avec cou- rage et humilité le nécessaire débat sur leur implication dans ces évène- ments et la gestion politique qu"ils en ont faite.
Certes, des historiens, des journa- listes, des intellectuels ont écrit et parlé, ont cherché à expliquer le cours des évènements, ont tiré par- fois des conclusions fortement impactées de leur vécu et de leur prisme idéologique.
Mais les acteurs politiques, les organisations anti-colonialistes et patriotiques directement concer- nés par le développement de la situation qui a conduit à ces évè- nements, n"ont jamais, jusqu"à ce jour, osé ouvrir un débat public sur les massacres de Mai 1967.
Si les acteurs principaux ne sont plus là, les continuateurs, les héritiers politiques et idéologiques du GONG, du groupe la vérité, du Progrès social, du Parti Commu- niste Guadeloupéen, des anciens prisonniers, des patriotes, sont là.
Il nous faut parler ensemble, nous le devons aux nouvelles généra- tions, c"est notre responsabilité.
Aujourd"hui encore, malgré les apparences, les zones d"ombre, les antagonismes et les rancoeurs, persistent toujours dans le silence et le masko permanent.
C"est cette réalité qui explique que toutes les tentatives d"unir les forces anti-colonialistes sur une stratégie de libération : depuis le Front pour l’Autonomie en 1964 jusqu’au FPAC en 2012, se sont soldées par des échecs.
Nous faisons ensemble, maisnous ne sommes pas ensemble
Le Parti Communiste Guadelo- upéen, qui ne s"est jamais dérobé à ses responsabilités, est prêt pour ouvrir la voie à une expression com- mune sur les évènements de mai 1967, conduisant à la réconciliation, à soumettre à l"analyse critique de toutes les forces anti-colonialistes et patriotiques ses déclarations, prises de position, dans les évène- ments de mai 1967. Il demande aux autres forces et aux patriotes de faire la même chose pour nous per- mettre de sortir ensemble du bour- bier de mai 67, afin d"offrir une nou- velle perspective à la jeunesse gua- deloupéenne.
Pour mener à bien ce travail, il pro- poseà toutes les organisations anti- colonialistes, à tous les patriotes guadeloupéens de travailler ensem- ble à la tenue d"une conférence nationale sur le thème : «Mai 1967 :Vérités et réconciliation».
Dans l"espoir que cet appel sera entendu et que l"impérieuse néces- sité de travailler ensemble au renouveau du mouvement national guadeloupéen l"emportera sur le sectarisme, les rancoeurs et les divergences, le Parti Communiste Guadelou-péen adresse à tous, l"as- surance de ses sentiments commu- nistes et patriotiques.Le Secrétaire général, Félix Flémin