Elections départementales : 74 binômes pour quels enjeux ?

La Guadeloupe est le seul pays des colonies françaises d’Amérique où vont se dérou- ler des élections départemen- tales. Avec La Réunion nous sommes les deux, des der- nières colonies françaises, qui vont élire un Conseil régional et un Conseil départemental, sur le même territoire.

Au total, ce ne sont pas moins de 296 candi- dats qui vont s’affron- ter pour la conquête des 42 postes de conseillers départementaux que compte la Guadeloupe. Pour faire quoi, pour changer quoi ? Est-on en droit de se demander, lorsque l’on constate qu’à de très rares excep- tions, la quasi-totalité de ses can- didats s’inscrit dans la continuité des pratiques politiciennes, des batailles de clans et des confron- tations de personnes en dehors de tout positionnement politique et de vision du pays.

Les sujets de fond qui rendent très difficiles le quotidien d’une majorité de Guadeloupéens sont les mêmes, quel que soit le canton, ils concer- nent le pays et demeurent sans réponses depuis des décennies : l’eau, le traitement des déchets, l’organisation du transport, l’amé- nagement du territoire.

De même, sont fondamentales les questions de la défense du Guade- loupéen, des valeurs, de l’identité et de la culture guadeloupéenne, de la violence et de la délinquance qui gangrènent notre société, de la priorité à l’emploi des guadelou- péens, celles de la maîtrise et de la préservation du patrimoine foncier guadeloupéen, de la protection de l’environnement, de l’exploitation de nos ressources naturelles, de notre biodiversité, celles des poli- tiques publiques de santé, d’éduca- tion et de formation…

A ces questions récurrentes s’ajoute la problématique nouvelle de l’apartheid social, de l’exclusion et du mépris de classe à l’égard des Guadeloupéens en situation de pauvreté et de précarité et qui se voient privés d’accès au service public par la digitalisation forcée et la fermeture des guichets des ser- vices publics EDF, Sécurité sociale, Caisse d’allocations familiales, l’ad- ministration des Impôts…).

Il ne faut pas se tromper, dans la situation de souffrances que vit le pays, l’enjeu des élections départe- mentales n’est pas de remplacer un binôme par un autre, ni de savoir quel clan va l’emporter et quel chef de clan sera porté à la présidence du département.

Si le changement des hommes est une condition nécessaire, il n’est pas suffisant, en même temps que les hommes c’est surtout l’orientation politique qu’il faut changer. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’on en est loin.

Dans la très grande majorité des cantons, les élections se résu- ment à une confrontation de per- sonnes hors toute différence poli- tique entre des candidats, qui pour la plupart se glorifient d’être des candidats sans éti- quette politique, sans ancrage idéologique, sans positionne- ment ni vision stratégique du pays. Autrement dit des élec- trons libres, assimilationnistes de droite ou de gauche, n’ayant d’autre ambition que d’être les géreurs du système en place.

Le véritable enjeu est de faire émer- ger des élus qui ne s’enferment pas dans les compétences étroites des Assemblées et les limites de leurs cantons, mais au contraire des élus affranchis du système de l’assimila- tion-coloniale et qui portent un pro- jet global pour le pays.

Le véritable enjeu c’est de sortir la Guadeloupe des griffes des assimila- tionnistes qui ces trente dernières années ont dirigé la Guadeloupe ensemble, au sein de ce qu’ils ont appelé le socle de gauche (Fédéra- tion guadeloupéenne du Parti socia- liste français, GUSR, PPDG, Divers gauche) et qui sont responsables de la faillite actuelle du pays.

L’enjeu politique de ces élections est dans la mise en place d’une nouvelle gouvernance pour proposer un véri- table projet politique de construc- tion de la Guadeloupe.

Assez de tricheries, de men- songes, de faux semblants, la Guadeloupe doit s’engager dans la voie de son émancipation qui passe par la conquête d’une véri- table autonomie politique. L’enjeu est de donner au pays «On dòt direksyon», à l’opposé de la voie de l’assimilation-coloniale qui nous conduit dans l’impasse.