La foutaise anticommuniste des «100 millions de morts» (3 ème partie)

LA VERITE DES CHIFFRES

Entre 1933 et 1953, le nombre de prisonniers, toutes catégories confondues, oscille entre 900 000 et 1 700 000, atteignant un pic de deux millions en 1938, soit un taux d’incarcération moyen com- parable à celui des États-Unis au début du XXI è me siècle. Bien sûr, les conditions de détention sont très dures. Mêlés à des détenus de droit commun qui représentent 90% des effectifs, les opposants ou déclarés tels y purgent une peine infamante. En raison du froid et des conditions sanitaires, la mortalité est élevée, surtout durant la guerre, mais la popula- tion soviétique souffre davantage lorsqu’elle est proche du front. On y déplore au total 1 300 000 décès, soit un taux de 4,1% pour l’ensem- ble de la période (1933-1953) et de 10% durant la guerre.LE NOMBRE DE VICTIMESIMPORTE MOINS QUE LEUR POSITION SUR L"ECHIQUIER POLITIQUE

Au million de morts du Goulag (1933-1953), il faut évidemment ajouter les 680 000 exécutions de la terreur des années 1936-38. Et si l’on veut compléter le tableau, on peut aussi lui imputer les deux à trois millions de victimes de la révolution chinoise (1949-1969), la violente révolution agraire menée par une paysannerie famé- lique à la fin des années 40 étant responsable de la majorité de ces pertes humaines dans un pays qui comptait 500 millions d’habitants en 1949 et un milliard en 1980. Mais si ces événements drama- tiques ont plongé l’humanité dans des abîmes de violence, que dire des dix millions d’Amérindiens exterminés par la démocratie américaine, des dix millions de Congolais assassinés par le roi des Belges, des deux millions d’Algé- riens, d’Indochinois et de Malga- ches abattus par la République française entre 1945 et 1962, des deux millions de Coréens, des trois millions de Vietnamiens et des quatre millions d’habitants d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient et d’Amérique latine éliminés à dis- tance par la cybernétique militaire, exécutés par les dictatures ou massacrés par les terroristes dont Washington tire les ficelles ?

Manifestement, le nombre des vic- times importe moins que leur posi- tion sur l’échiquier politique. En Indonésie, la répression militaire organisée par la CIA contre les com- munistes en 1965 a fait 700 000 morts. Mais cet événement ne figure dans aucun livre d’histoire occidental. Et encore de tels chiffres ne mentionnent-ils que les victimes directes des opérations militaires ou paramilitaires. Si l’on tient compte de l’effet mortifère des sanctions économiques imposées par les États-Unis, le bilan humain prend des dimensions incalculables, et les 500 000 enfants assassinés par l’embargo contre l’Irak (1991- 2003) illustrent à eux seuls cette anthologie de l’horreur. Ces vic- times immolées sur l’autel de la pré- tendue démocratie et des soi-disant droits de l’homme, il est vrai, sont de mesure nulle en regard de la mis- sion civilisatrice de l’Occident.

Mais la falsification idéologique ne s’arrête pas en si bon chemin. Comme il faut à tout prix grossir les chiffres du côté adverse, on procède à une autre supercherie statistique. On inclut en effet, dans le décompte des victimes du com- munisme, le bilan des catas- trophes rencontrées par les pays socialistes au cours de leur déve- loppement. On attribue alors la famine des années 1931-33 à la volonté perverse du régime stali- nien qui serait seul responsable, avec la dékoulakisation, d’une dra- matique pénurie des ressources alimentaires. Or cette interpréta- tion est erronée. Pour l’historien américain Mark Tauger, certes, «le régime porte la responsabilité par- tielle de la crise et des cinq millions de décès environ qui en ont résulté»,mais il faut distinguer «responsabi- lité et acte intentionnel».