Jean-Baptiste et sa bicyclette : Toute une vie d’amour

Les usagers de la route, motori- sés ou non, ont l’occasion de rencontrer chaque jour ce pas- sionné de la bicyclette, générale- ment sur le territoire de la ville de Le Moule.

Et ils sont enthousiasmés par les coups de pédale de ce gaillard, de corpulence ap- paremment frêle. Méfiez-vous ! Car, comme l’a dit Jean de Lafon- taine : «Le roseau plie mais ne se rompt pas». Bien en ligne sur sa bicyclette dont on ne peut détermi- ner avec certitude, ni la marque, ni l’époque et encore moins l’âge, Jean-Baptiste avale les paliers et escalade les pentes, courageuse- ment, assis sur sa selle, en enga- geant les braquets nécessaires, avec son seul grand plateau à l’avant. Et ces mornes présomp- tueux, n’ont pas raison de ses puissants muscles, si aguerris. Combien de kilomètres a-t-il dans ses jambes depuis sa naissance ?

A 69 ans, Jean-Baptiste Malerzy, seul garçon d’une fratrie de quatre enfants, domicilié à la section Sainte-Marguerite qu’il n’a jamais quittée, pratique le vélo pour tous ses besoins au quotidien, sans avoir pour autant fait de la compétition. Et c’est bien ce mode de déplace- ment qui lui a permis de gagner sa vie, depuis qu’il a commencé à tra- vailler comme maçon pour la construction de la cité scolaire de Baimbridge, tout au début des années 1960. C’était son premier emploi, et il a scellé ce pacte d’amour avec sa bicyclette.

D’ailleurs, parmi les équipements qui le garnissent, on relève certains obligatoires à l’époque, pour la sécurité, surtout la nuit. Sur ce modèle qu’il entretient jalouse- ment, dit «kad fam», c’est-à-dire, «cadre pour femme», parce que dépourvu de la barre horizontale reliant la tige verticale de la selle à la potence du guidon, on découvre en effet : à l’arrière comme à l’avant les garde-boues qui protègent les vête- ments des projections d’eau et de boue ; les feux sur les deux garde- boue pour prévenir les usagers, ali- mentés en électricité par la dyna- mo, laquelle est entraînée par l’une des roues ; la pompe de gonflage des «enveloppes» ou pneus, bien fixée le long de la colonne suppor- tant la selle ; le porte-bagages au- dessus de la roue arrière qui per- mettait aussi d’accueillir un passa- ger ; le long cornet à poire dit «pépé- gou», avertisseur à air, pour annon- cer son arrivée et faire dégager le passage et qui remplaçait souvent la sonnette mécanique ; le carter ou protège chaîne, pour éviter les pro- jections d’huile de graissage sur le pantalon et l’accrochage de celui-ci par le «grand volant», ce qui pou- vait entraîner une chute.

Quant-au cycliste, l’évolution de la législation sur les mesures de sécu- rité l’a obligé à s’équiper depuis très longtemps, au moins du casque. Ainsi croise-t-il ou se laisse dépasser par d’autres véhicules de tous gabarits, en étant extrême- ment vigilant par rapport aux mastodontes à remorques ou les «titans» chargés de canne, ainsi que des «fous» de la route, les plus dangereux, ces chauffards posses- sifs de la route qui s’octroient la totale liberté de circulation. Jean-Baptiste Malherzy est à la retraite depuis un certain nombre d’années mais ignore jusqu’ici les autres moyens de déplacement.

«Ma bicyclette»a chanté Yves Montan en 1968. Jean-Yves Maler- zy est fier de n’avoir pas contribué à polluer la planète par son moyen de transport. Alors oui, dans son contexte socio-culturel guadelou- péen, il pourrait composer et chan- ter aussi «Ma bicyclette… tant que mes muscles me le permettront».

Alors, compatriotes usagers de la route, si vous dépassez ou croisez ce sympathique cycliste sur la route, gratifiez-le, avec toute la pru- dence nécessaire, d’un geste d’amour pour l’encourager.

C’est le plus grand souhait que nous lui formulons, pour qu’il poursuive sa passion, tant qu’il le voudra.