La foutaise anticommuniste des «100 millions de morts» (Fin)

SUR LA FAMINE

La famine de 1931-33 fut «un évé- nement extrêmement compliqué, avec des causes à la fois environne- mentales et humaines». En défini- tive, «les actions du régime sovié- tique, pour sévères qu’elles eussent été, semblent clairement avoir été orientées vers la gestion d’une crise économique involontaire et d’une famine, plutôt que vers la création intentionnelle d’une telle crise afin de punir un groupe particulier». Que cette famine n’ait pas seulement frappé l’Ukraine, mais aussi une grande partie de la Russie, au demeurant, invalide de manière factuelle la thèse chère aux néo- nazis de Kiev selon laquelle Staline aurait voulu punir les Ukrainiens en les faisant mourir de faim.

En Chine, l’échec retentissant du Grand Bond en Avant a également provoqué une famine responsable de dix à douze millions de morts entre 1959 et 1961. Alors qu’il s’agit d’une erreur monumentale de politique économique aggravée par des conditions climatiques désastreuses, le discours dominant attribue cette catastrophe à la nature criminelle du maoïsme.

Le principal inconvénient de cette vision anhistorique des faits, c’est donc qu’elle en brouille l’intelligibi- lité. Elle occulte les conditions objectives dont les communistes, saisissant les rênes d’une société au bord de l’effondrement, ont hérité malgré eux. Car une fois la prise du pouvoir accompli, il a fallu sortir le pays des ornières de la misère et de la dépendance. Et faute d’alterna- tive crédible, la transition vers la modernité fut menée à coups d’in- vestissements colossaux et de rythmes infernaux.

Cet effort de développement s’est effectué dans les pires conditions, toutes les ressources étant dirigées vers la croissance accélérée des forces productives, le primat de l’in- dustrie lourde reléguant au second plan la production de biens de consommation. Il a fallu jeter les bases d’une économie moderne sans aucun appui extérieur, rectifier les erreurs commises, changer de trajectoire lorsque c’était néces- saire. Drame d’un décollage indus- triel accéléré dans un environne- ment hostile, cette expérience s’est aussi payée d’un drame politique. Seule la poigne de fer du parti com- muniste ayant pu maintenir le cap contre vents et marées. Mais si la Russie, la Chine et le Vietnam sont devenus des nations modernes, il est clair qu’elles le doivent aux efforts accomplis sous le socialisme.IL FAUT CONSIDERERLES FAITS AVEC HONNÊTETÉ INTELLECTUELLE

L’histoire ne délivre aucune excuse absolutoire, mais encore faut-il considérer les faits avec honnêteté intellectuelle. Admettons que les régimes communistes soient res- ponsables de ces tragédies humai- nes. Si l’on tient vraiment à les ins- crire au passif du communisme, la logique voudrait qu’on inscrive au passif du capitalisme les famines qui ont frappé les populations soumises au joug colonial et néo-colonial européen. Alors les faits parleront d’eux-mêmes. Les ravages du colo- nialisme européen sont de l’ordre du non quantifiable, et les génocides s’ajoutent aux génocides. Pour ne prendre que cet exemple, la domi- nation britannique en Inde, c’est combien de dizaines de millions de morts ? Et qui sait que Churchill, en ordonnant la réquisition des réserves de céréales, a fait périr trois millions de Bengalis en 1943 ?

Bataille de chiffres, inventaire des hécatombes, comptabilité macabre à vocation accusatoire, lecture cri- minologique de l’histoire ? Aucun problème, allons-y. Mais à cet égard, on voit infiniment plus de raisons d’être communiste que libéral, conservateur, réaction- naire et tout ce qu’on voudra. Oui, il y a eu 100 millions de morts, mais ils sont imputables au capita- lisme et à ses avatars, le colonia- lisme et l’impérialisme. Le com- munisme, lui, a sauvé infiniment plus de vies qu’il n’en a sacrifiées.

Si les révolutions communistes ont généré des violences, celles-ci répondaient à la cruauté des sys- tèmes d’oppression dont elles ont signifié la disparition. Et contraire- ment aux horreurs occidentales, jamais le communisme, même lorsqu’il avait la main lourde, ne s’en est pris à des enfants. Désolé, mais aucune comptabilité objective des victimes n’établira d’équivalence historique entre communisme et barbarie. Leitmotiv de l’idéologie dominante, foutaise libérale, cette imputationexclusive des malheurs du siècle se condamne elle-même à l’insignifiance.