Chili :Election d’une Assemblée constituante

Après un référendum le 25 octobre 2020 qui l’a approuvée à près de 80% des votants, les Chiliens se sont dotés d’une Assemblée constituante. Mais les élections n’ont pas donné les résultats attendus et ont bous- culé tous les pronostics.

UNE CONSTITUTION DE 1980PROFONDÉMENT ANTIPOPULAIRE

Pour mieux mesurer ce qui vient de se passer, il faut se rappeler que le pouvoir dictatorial de Pinochet s’était doté, à partir de 1973, d’une équipe d’économistes, les «Chicago boys» qui avaient expérimenté, bien avant la Grande-Bretagne de Tatcher et les USA de Reagan, les recettes de l’ultra-libéralisme. Dans un pays où les syndicats et les partis de gauche étaient victimes d’une répression impitoyable, ils ont pu appliquer leurs recettes sans oppo- sition. La Constitution de 1980 reflétait leurs orientations écono- miques en faisant la part belle au secteur privé. Cela a été largement réalisé dans la santé, l’éducation ou les retraites et le résultat a été désastreux pour les Chiliens.UN PUISSANT MOUVEMENTPOPULAIRE EXPRIMANT UN MESSAGE CLAIR

Né juste avant la pandémie, un très puissant mouvement popu- laire a déferlé sur tout le pays, en octobre et novembre 2019. Cette réaction à une augmentation des tarifs des transports publics, voit rapidement ses revendications s’élargir. Car, elle traduit une exas- pération de la population devant les inégalités criantes. De gigan- tesques manifestations se produi- sent dans tout le pays et les partis progressistes posent la revendica- tion d’un changement de Cons- titution qui, après des tergiversa- tions de dernière minute, sera finalement accepté par le pouvoir.

En votant pour la Constitution de l’Assemblée constituante, les Chiliens ont adressé un message clair. Il a plusieurs aspects. Une abstention massive exprimant une défiance profonde envers le système. Un score très faible de la droite alliée à l’extrême droite, qui n’atteint pas 20%, indique un dés- aveu massif de la politique libé- rale. Un score en progrès de la gauche radicale qui, avec 18%, passe devant la gauche réformiste (15%), est un signe de plus de la conscience politique d’une partie des électeurs.

Enfin, un score très surprenant des indépendants venus de la société civile, bouscule tous les pronostics et constitue peut-être le signe d’une nouvelle donne pour les mouve- ments politiques d’aujourd’hui. Avec 31%, les candidats issus de la contestation font beaucoup mieux que la droite et atteignent presque le score de toute la gauche. Jeunes, décidés à modifier profondément la Constitution, ces candidats tradui- sent une profonde volonté de chan- gement. Il restera à ceux-ci d’inté- grer l’expérience des anciens pour éviter les pièges et les décourage- ments de toute lutte et éviter la dis- persion et les renoncements comme on l’a vu ailleurs avec Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne.

L’ESPOIR DE PROFONDS CHAN- GEMENTS ET DE TOURNER LA PAGE DE L’ULTRALIBÉRALISME

La Constituante chilienne et sa composition constituent un signe encourageant de l’actualité des luttes en cours. Rappelons, qu’au moment où les foules chiliennes investissaient les rues, des mouve- ments voisins, impliquant des foules considérables, avaient lieu en Equateur, en Algérie, à Hong-Kong, en France, avec les gilets jaunes, et en bien d’autres endroits du monde. Ces mouvements, nés pour la plupart en dehors des partis tradi- tionnels, ne peuvent que renforcer l’espoir de profonds changements, et tourner la page de l’ultralibéra- lisme. Mais ils sont aussi un appel à fédérer les énergies, à retenir les leçons de l’histoire des luttes syndi- cales et politiques. Il faut ici rappeler aux jeunes générations la mise en garde de Marx : «Faute d’alliance, les combats de la classe ouvrière peuvent se transformer rapide- ment en solo funèbre». Ce rappel à la vigilance est toujours actuel.